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Affaire Kadhafi, accord UBS: le peuple suisse trahi par ses élites

Publié le 17 juin 2010 par Francisrichard @francisrichard

blocher 12Au fond dans les deux affaires qui se sont dénouées cette semaine rien n'est perdu fors l'honneur.

Dans l'affaire Kadhafi on apprend que Muammar Kadhafi, comme tout maître-chanteur, a obtenu rançon pour libérer le dernier otage suisse qu'il retenait en Libye. Je n'ai jamais douté qu'il ne laisserait pas partir Max Göldi par simple bonté d'âme. Mais je pensais naïvement que le Conseil fédéral, Micheline Calmy-Rey en tête, ne céderait finalement pas au chantage, surtout après avoir résisté aussi longtemps.

L'accord UBS a finalement été voté par le Conseil national ce matin dans les mêmes termes que le Conseil des Etats et le peuple n'aura pas le dernier mot. En effet il n'y aura pas de référendum facultatif. Il ne fallait surtout pas donner la parole au peuple suisse, non pas à cause des délais - celui du 19 août 2010 prévu par l'accord n'aurait pas été tenu dans ce cas-là, mais il était toujours possible d'expliquer que les règles de la démocratie helvétique l'exigeaient - mais parce que, plus courageux qu'elles, il aurait vraisemblablement refusé l'accord, c'est-à-dire désavoué ses élites. Salaud de peuple comme dit Pascal Décaillet ici.

Moussa Koussa, le Ministre des affaires étrangères libyen, avait donc dit vrai dimanche dernier, 13 juin 2010, quand il disait ici que la Libye avait été indemnisée à hauteur de 1 million et demi. Il parlait d'un million et demi d'euros, alors qu'il s'agissait d'un million de francs suisses... Ne chipotons pas. La somme n'était pas encore versée, mais c'était tout comme. Quand on aime l'argent facile, on ne compte pas et le principal était que la Suisse, "aidée" par l'Allemagne et l'Espagne à se déshonorer, allait payer rançon. Le langage des diplomates est volontiers approximatif.

Micheline Calmy-Rey, Ministre des affaires étrangères suisse, ne contredira pas cette dernière assertion, qui s'applique aussi bien à elle qu'à son homologue libyen. De son côté elle jurait ses grands dieux qu'aucune somme n'avait été versée à la Libye. C'était vrai. Dans l'instant où elle le disait. Elle omettait seulement de dire qu'un million et demi de francs suisses avait déjà été bloqué sur un compte d'une banque allemande pour être versé plus tard à la Libye pour couvrir ses frais. La République et Canton de Genève n'est heureusement pas prête à se compromettre dans le paiement de cette rançon déguisée ici.

A qui fera-t-on croire que le versement de cette somme rondelette est destinée à couvrir les frais de la Libye ? Me Charles Poncet, l'avocat suisse de la Libye, considère ici que "c'est de la foutaise". Ce versement est d'ailleurs officiellement conditionnel. Si celui qui a communiqué les photos d'identité judiciaire d'Hannibal Kadhafi à la Tribune de Genève - photos qui l'avantageraient plutôt à mon avis - n'est pas identifié, le versement aura lieu. Autrement dit, a contrario, si l'auteur de cette communication est découvert, la Libye ne rentrera pas dans ses frais. Gageons qu'il ne sera donc jamais découvert, sinon la Libye ne touchera même pas des clopinettes, ce qui paraît invraisemblable.

L'accord UBS a été accepté par le Conseil des Etats le 3 juin et refusé le 8 juin par le Conseil national grâce aux voix de l'UDC. Le Conseil des Etats l'a de nouveau accepté le 13 juin et le Conseil national a fait de même le 15 juin grâce à l'abstention de nombreux députés de l'UDC, qui a obtenu ce jour-là que le texte soit soumis au référendum facultatif. Deux jours plus tard le Conseil national, toujours grâce à l'abstention massive de députés de l'UDC, approuvait l'accord UBS en se conformant au texte pondu par la Commission de conciliation des deux chambres, qui excluait de soumettre l'accord au référendum facultatif.

Dans cette affaire l'UDC donne l'impression d'avoir mené le bal. En réalité l'UDC est allée à Canossa. Certes elle a obtenu satisfaction sur deux points importants à ses yeux : 

- le Conseil fédéral ne pourra plus conclure un tel accord sans en référer au Parlement

- il n'y aura pas de nouvel impôt sur les entreprises, via la taxation des bonus

Mais l'UDC a approuvé un accord honteux pour la Suisse : 4'450 titulaires américains de comptes de l'UBS seront livrés sans défense au fisc américain. Ce n'est pas son abstention façon Pilate qui change la face des choses.

Mais, sur un point essentiel, le référendum facultatif, elle a cédé  aux deux partis du centre droit, le parti démocrate-chrétien et le parti libéral-radical (et à la pression amicale d'intérêts économiques particuliers ?). Ce n'est pas très reluisant de la part d'un parti qui se targue de défendre les droits populaires et qui disait encore il y a deux jours ici :

"Grâce au soutien de l'UDC, le Conseil national a de surcroît maintenu la possibilité de lancer un référendum contre le traité d'Etat. Les traités d'Etat qui contiennent d'importantes règles de droit doivent être soumis au référendum. Ce principe est inscrit dans la Constitution fédérale."

Christoph Blocher [dont la photo, ci-dessus, provient d'ici] n'est pas aussi rusé qu'Ulysse...ici

Francis Richard


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