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Cameroun : après l'élimination, le bal des vautours

Publié le 19 juin 2010 par Atango

Maintenant que l'élimination est actée, la curie va commencer. Dans les jours qui viennent, le champ médiatique camerounais sera saturé et sursaturé de tout ce que le pays compte de supporters frustrés, de candidats putatifs au poste de sélectionneur national, de vieilles gloires tout heureuses de venir jouer les Cassandre de la 25e heures, voire de journalistes qui, toute honte bue, n'hésiteront pas à cracher sur une ambulance qu'ils auront contribuée à faire chuter.

Les uns et les autres auront sans doute raison dans le fond, mais je vous annonce une belle brochette de coups sous la ceinture et de mots relatifs à la même région du corps humain : parce qu'ils le valent bien ? Nos Lions Indomptables risquent de raser les murs ces jours prochains, accusés qu'ils vont être d'avoir tout manqué, fors la prime de participation dont le montant aurait permis de construire et d'équiper un hôpital entier.

Pourtant, cette défaite, une fois n'est pas coutume, n'est pas orpheline. Elle compte même plusieurs géniteurs. Evitons le "tous coupables" trop simpliste, mais disons tout de même que plusieurs d'entre nous ont participé à la préparation de cette Beresina.

Roger Milla, cet ambassadeur si bavard

Le héros d'Italie '90 va sans doute occuper la scène et envahir les ondes et la Toile pour affirmer qu'il avait vu juste. Il est pourtant l'un des artisans de ce fiasco, par son intervention intempestive à quelques jours du début de la compétition, et par son obstination à chercher des poux dans la tête d'Eto'o. Mais Roger's peut dormir tranquille : son statut de héros demeure intact, le Cameroun étant éliminé dès le premier tour d'une compétition dont lui a atteint les ¼ de finales il y a 20 ans. Tant mieux pour lui si ça lui permet d'avoir de douces nuits, mais tout le monde n'a pas été dupe de son petit manège.

Les autres "anciennes gloires" : pas au niveau !

Patrick Mboma est considéré par beaucoup comme un candidat sérieux au poste de sélectionneur national. Pas mal pour lui, qui a soutenu publiquement la sélection de Rigobert Song, et qui a essayé de se trouver un job dans le staff en profitant de la querelle entre Eto'o et Milla. Pathétique. Tous les autres sont à l'avenant : J. A. Bell, Omam Biyick, Kana Biyick, Jean-Paul Akono etc., n'ont rien apporté en termes d'analyse réelle. Ils sont tous dans le jeu du positionnement individuel. Ajoutons qu'aucun d'entre eux n'a jamais fait ses preuves dans un contexte où le challenge n'est pas soumis aux rassurants aléas de notre bananeraie nationale. Nous les entendrons beaucoup ces prochains jours, car certains d'entre eux vont se jeter à corps perdu dans la curée dans l'espoir de s'en tirer avec un petit morceau à croquer. Outre cela, rien d'intéressant.

Les internautes, intermittents d'un spectacle pitoyable

Les forums consacrés au football camerounais sont bien fréquentés, en termes purement chiffrés. Car en ce qui concerne la qualité des interventions et la santé mentale de certains intervenants, il en faut de beaucoup. Ces lieux qui sont censés servir d'Agora sont infestés de toutes sortes d'individus, dont les profils vont de l'authentique schizophrène qui vomit sa bile à longueur de journée tapi derrière son clavier, à la petite frappe raciste qui se prend pour une Black Panther. Résultat : le débat fut pauvre, nonobstant quelques fulgurances de bon sens. Une grande partie de l'énergie a été gaspillé à monter en mayonnaise un soi-disant "cas Eto'o", au moment précis où il fallait au contraire réduire la pression sur le capitaine des Lions Indomptables. Sachant que la blogosphère camerounaise est très réduite et que les "grands sites" se contentent de faire soit de la compilation de dépêche, soit de la production textuelle de qualité très douteuse, on comprend vite que la préparation à cette Coupe du Monde n'a pas pu compter sur l'internet. Avec une webosphère de cette (basse) qualité, les Lions Indomptables n'ont pas besoin d'ennemis.

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Où sont donc passés les médias ?

De toute façon, au-delà du verbiage habituel qui permet de "faire du papier" (ou du pixel), les médias camerounais se sont illustrés par une pauvreté consternante dans l'analyse et dans l'interprétation des performances des Lions Indomptables. Certains d'entre eux ont fait pis. Pour des raisons peu avouables, ils ont monté en épingle une pseudo-affaire "Rigobert Song", n'hésitant pas à faire sur Paul Le Guen une pression malsaine sur ce sujet au nom, paraît-il, du "peuple camerounais." Or, ceux-là aussi vont se permettre de demander des comptes, alors qu'ils ont grandement contribué à pourrir l'atmosphère dans la tanière, en prenant résolument parti pour un clan dans sa guéguerre contre le reste du groupe. Privilège de ceux qui n'ont pas à répondre ? Cette impunité ne durera pas éternellement, et il va bien falloir un jour que la Presse camerounaise nettoie son arrière-cour.

La "Fédé" et sa tutelle

Pour une fois, les deux instances nous ont épargné l'affligeant spectacle de leurs bisbilles. Iya Mohamed et Michel Zouah ont signé la paix des braves, ce qui a permis à Paul Le Guen de bénéficier de conditions de travail quasi parfaites. FECAFOOT et MINSEP ont cependant leur part de responsabilité dans cette déroute : le contrat de Paul Le Guen qui lui permettait de passer le plus clair de son temps devant le micro de Canal +, les pressions "culturelles" exercées sur le sélectionneur national afin qu'il intègre Rigobert Song dans sa liste des 23 (signant par la même occasion l'absence de Bedimo, qui nous a coûté cher), l'éviction abracadabrantesque de Thomas Nkono au profit de Jacques Songo'o, qui amène dans ses bagages la titularisation de Souleymanou Hamidou, voilà autant de gaffes qui sont à mettre au passif des deux hommes forts du football camerounais.

Et Paul Le Guen, bien sûr

Monsieur Le Guen

Lors de votre arrivée, je vous avais adressé une lettre ouverte qui était parue à l'époque dans les colonnes de Camfoot. Je vous mettais alors en garde contre la "culture locale", et vous enjoignais de mettre à la retraite, au plus vite, certains cadres afin de former le plus rapidement possible la jeune garde. Vos premières décisions furent fortes et justes, et les résultats suivirent. Mais très vite, un certain nombre de facteurs (dont certains vous échappaient) vous ont obligé à mettre un frein à votre train de réformes. Ensuite, le calendrier vous tenant à la gorge, vous avez dû faire au plus vite, et il ne vous restait qu'une marge très réduite pour composer une équipe et lui donner une âme.

Votre principale erreur aura été de maintenir pendant trop longtemps un système de jeu inadapté aux caractéristiques de vos joueurs. Vous vous êtes également trompé sur le cas Makoun, qui aura fini par nous conduire à la défaite. J'ai lu sur votre visage ce soir que vous aviez enfin compris… Ah, Aboubacar Vincent à la place de Webo, et Joël Matip au lieu de Makoun, et il y aurait encore peut-être un futur possible. Mais, comme dit la chanson, il est trop tard. Il faut juste espérer que votre successeur regardait ce match, et qu'il connaît son travail. Il pourra vous remercier de la bonne idée que vous avez eue de nous amener Choupo-Moting, Joël Matip, Gaëtan Bong, Georges Mandjeck, Marcel Ndjeng et surtout Aboubacar Vincent. Merci pour cela.

Sinon, nous n'avons pas fini de pleurer. 


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