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[Critique] Destroyer of The Void de Blitzen Trapper

Publié le 20 juin 2010 par Cuttingpapers

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Article écrit par Sam Mark le 20 juin 2010

Blitzen Trapper - Destroyer of The Void

On a beau dire que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes, encore faut-il que le cuistot soit bon.
Dans le cas contraire, la mixture s’avère rance et imbuvable.
Les vieux pots en ce moment, ce sont les années 70-80.

Tout le monde s’y vautre allègrement, essayant de recapturer les sons et les vibrations de ces époques.
Que ce soit dans le rock, la pop, l’électro ou la folk, pas mal de groupes s’en vont rechercher des formules magiques dans des vieux vinyls plus ou moins oubliés, comme en de vieux grimoires.
Les résultats varient. Soit le groupe accouche d’un truc informe vaguement singé ou lessivé dès la naissance, soit il apporte quelque chose de neuf à l’exercice, soit il créé l’illusion avec un album dont on ne saurait vraiment dire à quelle époque il a été enregistré.
Et Destroyer of The Void de Blitzen Trapper est de cette catégorie : impossible d’être formel quand à son année de production…

A tel point que j’aurai souhaité l’acheter en vinyl, le planquer discrètement entre un Creedance Cleerwater et un Dylan, et attendre que quelqu’un tombe dessus en me demandant de quoi il s’agit.
Pour moi, Destroyer of the void est un fantôme. Une résurgence sonore lointaine, un Hollandais Volant dans lequel seraient montés les esprits jeunes de Bowie, Dylan, Neil Young et consorts. C’est un album hanté dans lequel, au détour de chaque chanson se déroule une partie de ping-pong sonore : « Tiens, ça me rappelle telle chanson » ou « Tiens, celle-ci aurait pu être chantée par untel », etc…
Attention ! Je ne dis pas ça de manière péjorative, bien au contraire. J’ai pris beaucoup de plaisir à écouter l’album, et à faire d’incessants aller-retour entre lui et ses réminiscences.

Celui-ci commence par un titre éponyme, dans lequel on croise nos premiers fantômes et non des moindres : ceux de Bowie et Queen. Rien que ça.
Dans ce titre à tiroir un brin baroque dont le début peut rappeler des passages de Bohemian Rhapsody, et qui vire à la chanson pop Bowiesque époque Life On Mars.
Piano, chœur who-hoooo, petits solos de guitares proprets, le tout pendant trois minutes, avant une courte pause et un basculement limite hard-rock qui reviendra se jeter dans la pop.
On attaque donc par un morceau à tiroirs, qui est une belle introduction à ce qui suivra après.

Laughing lover est une chanson pop-rock sympa qui fait transition avec la folk type Americana que seront Below the hurricane et The man Who Would Speak True.
Dans la première, fermez les yeux et vous imaginerez de vertes prairies après l’orage. On est à mi chemin entre America et le Led Zep de Bron Yr Aur… Dans la seconde, portée par de discrets orgues, la guitare et l’harmonica et la voix de Eric Earley, on a tout simplement envie de prendre sa voiture et de rouler dans de grands espaces.

Retour à des sons plus rocks sur Love & Hate, qui là encore, rappelle Bowie.
Heaven and Earth est elle, particulière. Portée par un piano mélancolique, elle oscille entre tristesse et espoir et devient de fait la plus belle ballade de l’album. En même temps que son pivot.
Dragon’s song est un nouvel appel à prendre la route, et The Tree nous fait rencontrer un nouveau fantôme de taille.
De taille car la chanson rappelle, ni plus ni moins que Dylan. C’est absolument dingue ! Certaines intonations, la manière de chanter, le son, tout fait ici illusion à tel point que l’on se demande si il s’agit d’une reprise, d’un tribute, ou de Dylan lui-même qui aurait investi le corps de Earley.

Les trois avant-dernières chansons nous font retrouver les mêmes sensations éprouvées depuis le début de l’album, qui se clôt sur une Sadie, belle comme un coucher de soleil.
La voiture roule vers le lointain, accompagnée d’un piano, tandis que les paysages défilent, et que des visages familiers apparaissent en surimpression. On rêvasse, on respire un grand coup en basculant la tête en arrière tandis que sur un dernier petit solo de guitare, l’écran plonge peu à peu vers le noir…

En 12 pistes, les Blitzen Trapper nous emmènent dans une ballade à travers le temps.
Une ballade chargée d’émotions, d’atmosphères et de paysages empruntés aux grands espaces US.
Ils nous assaillent de bouffées nostalgiques, quand, autour d’un feu de camp ils invoquent comme dans un rituel magique des visages de monstres sacrés, et que Eric Earley se fait polymorphe…
Destroyer of the void appartient à cette époque comme il aurait pu appartenir à une autre.
Un album hanté, habité et à écouter d’urgence.

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