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"My Blueberry Nights"

Publié le 11 décembre 2007 par Jb
Note : 6,5/10
Le nouveau film de Wong Kar Wai nous procure, à de nombreuses reprises, des impressions de déjà-vu.
Bien sûr, d’habitude ce sont des acteurs chinois, qui s’expriment en langue chinoise, qui peuplent les œuvres du réalisateur. Cette différence mentionnée, My Blueberry Nights évoquera énormément à l’habitué de l’univers de WKW : effets de mise en scène (plans serrés, usage répété – et un peu lourd – des ralentis, thèmes musicaux obsessionnels), effets esthétiques (couleurs chaudes et contrastées, rouge, jaune et bleu notamment), décors et ambiances (cafés, buvettes, rues désertes, la nuit), et surtout thématiques (amours déçues et chassés-croisés sentimentaux, nostalgie et désir paradoxal de changer de vie).
My Blueberry Nights a le mérite de pousser le "dispositif" WKW à ses limites. De toute évidence le réalisateur piétine un peu dans son inspiration, il espérait peut-être se "relancer" en décadrant et déterritorialisant ses intrigues et ses acteurs.
Il n’en est rien donc, on reste en terrain archi-connu, d’ailleurs WKW lui-même le sait qui en vient à glisser dans son film un clin d’œil autoréférentiel qui sonne comme un aveu : on entend ainsi le thème magnifique de In The Mood For Love dans une version country jazz. Le message est clair : je suis empêtré dans ma propre perfection et mes propres obsessions, aidez-moi à m’en sortir !
C’est sans doute de ce point de vue que My Blueberry Nights est le plus pathétique : car l’impossibilité de passer à autre chose, de tourner la page, la complaisance dans la nostalgie, qui vire à l’élégie, n’est-ce pas précisément le syndrome dont sont atteints tous les protagonistes des films de Wong ? Or voici que, dans une mise en abyme à la fois cruelle et ironique, le spectateur constate que c’est désormais le cinéma de Wong lui-même qui en est victime.
On l’aura compris, ce nouvel opus ne fait que creuser un peu plus profond un sillon déjà tant labouré par le passé. De Chungking Express, My Blueberry Nights prend le côté un peu fleur bleue et nunuche et plusieurs éléments du décorum : ce ne sont plus les ananas en conserve, c’est la tarte à la myrtille, ce n’est plus le snack tenu par la jeune protagoniste mais le café tenu par Jude Law ; de Happy Together, My Blueberry Nights prend le "trip" à l’étranger (c’était l’Amérique Latine), l’ambiance un peu road movie ; de In The Mood For Love, My Blueberry Nights reprend donc la musique à un bref moment puis, plus largement, la réflexion autour d’une relation qui se termine, de la brisure de cœur que cela provoque, de l’impossibilité éventuelle de s’en remettre.
Mais cela reste finalement moins abouti que dans les trois films cités, tout simplement parce que cela perd en originalité et parce que rien ne vient transcender et transfigurer ces thèmes. D’où, in fine, un film qui se laisse voir, avec des bons moments, une réalisation léchée, des acteurs intéressants (notamment Rachel Weisz et Nathalie Portman), mais qui n’apporte rien, ne fait rien de mieux, ressasse.
Dans les œuvres précédentes, la part de romantisme à la limite du cliché ne gênait pas ; ne gênaient pas non plus les considérations presque niaises sur : peut-on survivre à une histoire d’amour passionnelle ? peut-on aimer à nouveau lorsque l’on a tout donné à quelqu’un qui vous a finalement trahi ? peut-on refaire sa vie, et si oui par quoi faut-il en passer ? Ici, cela finit par être un peu convenu et agaçant.
Wong Kar Wai est donc dans une impasse. Saura-t-il se renouveler, ou s’avèrera-t-il que le sublime In The Mood For Love lui a fait atteindre une perfection à la fois formelle, esthétique et narrative qu’il ne pourra jamais égaler ? A suivre…

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