VINCERE de Marco Bellocchio

Avec cette évocation d’une page méconnue de l’histoire personnelle du dictateur italien Benito Mussolino, Marco Bellocchio adopte un nouveau point de vue, un nouvel angle pour filmer et analyser le fascisme, dans sa fureur déraisonnée, ses folles envolées stupides et ardentes, aussi disproportionnées que la folie amoureuse. Ces feux des passions, posés en parallèle, partageant le même objet de dévotion (à savoir le Duce), construisent la critique et le regard de Bellocchio sur ce monstre, chef d’orchestre, manipulateur, séducteur, détruisant l’Italie comme il a détruit Isa Dalser, cette femme éprise, possédée par un élan passionnel- le pays étant symbolisé par cette figure féminine naïve, prête à tous les sacrifices, finalement trahie, laissée à terre. La forme et le souffle donnés à l’ensemble par le cinéaste a tout de la représentation théâtrale, entre opéra et tragédie, où l’on (se) joue des sentiments pour mieux contrôler les esprits, des cœurs pour vampiriser les corps. Avec ce portrait d'un Mussolini en a(i)mant destructeur attirant les foules et les individus, le cinéaste expose le phénomène fasciste, de ses débuts inoffensifs aux grands ravages des conclusions, dans un jeu de domination virulent où contrôle sur autrui et froide cruauté composent le ballet furieux d’une œuvre passionnée et passionnante.