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“Strategic & Economic Dialogue” sino-américain : quels enseignements pour l’UE ?

Publié le 24 juin 2010 par Jblully

Un récent rapport de la CCIP, « Quelle politique commerciale pour l’Europe après la crise ? »*, appelle à un aggiornamento de la politique commerciale de l’Europe pour mieux faire face aux enjeux mondiaux et occuper sa place de première puissance commerciale.

A l’occasion du second round du “Strategic & Economic Dialogue” (S&ED) sino-américain, quels enseignements peut-on justement tirer pour un échange sino-européen plus efficace et pertinent ? Le second round du S&ED sino-américain s’est tenu les 24-25 mai à Pékin, sur fond de crise majeure et après un hiver de vives tensions. Malheureusement, il n’a eu aucune résonance internationale, encore moins “au niveau de l’humanité”, contrairement aux déclarations du conseiller d’État chinois, Dai Bingguo.

Primo, dans sa formule initiale (Strategic Economic Dialogue), exclusivement centrée sur les questions économiques, Hank Paulson, voulait que le Trésor américain et le Département d’État alignent leurs positions et parlent d’une seule voix. Avec l’administration Obama, l’économique et le stratégique sont de nouveau cloisonnés. En effet, on retourne aux vieilles divergences de vues et de priorités entre le Trésor américain, en faveur du “smoothing talk”, et le Département d’État, en faveur du “hard talk”.
Au sein de l’UE, les pays discutent, avec la Chine, chacun selon ses propres intérêts économiques nationaux, parfois même au détriment des intérêts des autres pays membres. La convergence des intérêts et l’unité du discours, face à un pays comme la Chine, devraient passer par une politique industrielle, voire économique, commune.

Secundo, le cadre bureaucratique très pesant, avec 200 responsables et spécialistes américains, tranche avec le principe d’efficacité voulu par H. Paulson. Ce cadre bureaucratique ne laisse présager aucun résultat concret à la suite de ce second round.
Les Européens devraient s’inspirer de cette expérience en s’interrogeant sur l’organe européen à qui nous devrions confier les négociations avec la Chine, et quel discours tenir ? Dans les faits, les relations avec la Chine comportent trois dimensions : bilatérale, régionale et globale. Traiter, l’ensemble des sujets dans une même négociation, comme dans le cadre du S&ED, est source supplémentaire de confusion et d’ambiguïté. Les Européens devraient alors désagréger les sujets de négociation et les échelonner dans le temps, en y mettant un brin de “Realpolitik”.

Tertio, le S&ED sino-américain a été, d’emblée, vidé de sa substance en évacuant les principales questions de désaccord. Par conséquent, les omissions dans le document final sont nombreuses et notables : refonte des institutions mondiales, question monétaire, crise européenne, développement et l’aide internationale, question nord-coréenne, prolifération nucléaire, questions du Tibet et de Taiwan et épineux dossier des droits de l’homme. L’essentiel des 26 points du document a trait aux questions de l’énergie et aux secteurs de l’environnement.
Les Européens ne devraient pas céder devant un ordre du jour établi selon les intérêts de la Chine pour, au final, faire valoir les intérêts d’un seul pays ou une seule industrie, comme dans le cas des États-Unis. Les négociations devraient porter sur un “package” fixé conjointement. Autrement dit, des négociations constructives d’égal à égal.

Au demeurant, les actions recommandées par le S&ED sino-américain n’ont aucune valeur contraignante et dépendent du bon vouloir des Chinois. En outre, Pékin ne souhaite pas les lier directement aux pressions américaines. C’est le cas précisément de la réévaluation du yuan et du modèle de croissance chinois.

Aujourd’hui, nous n’avons aucunement besoin de dialogues de convenance avec la Chine. Si nous regardons de près les véritables sujets de discorde, il n’y en a pas un sur lequel les intérêts du reste du monde soient complètement alignés avec ceux de la Chine.

L’UE devrait s’adapter à la situation actuelle avec un peu plus de réalisme que dans le passé. Les États-Unis et la Chine ne sont pas de fervents adeptes du multilatéralisme et recourent souvent à la voie, plus discrète mais redoutablement efficace, du bilatéralisme. Les visions hégémoniques de ces deux pays devraient pousser l’UE à l’action. Les Européens ne peuvent se permettre le luxe de rester spectateurs, ils ont le devoir “de s’inscrire dans une posture de puissance de long terme”. Il est vrai que les États-Unis et la Chine sont deux économies complémentaires sur le plan productif, mais les déséquilibres qu’ils génèrent ont des conséquences mondiales.


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