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Les personnages face aux émotions de l'auteur.

Par Manus

Les personnages face aux émotions de l'auteur.

clown

Plus intensément que d'habitude, il m'arrive en ce moment d'être en porte-à-faux avec mes personnages.  Je commence seulement à intégrer qu'ils ont une personnalité propre, qu'ils sont dotés d'émotions qui les caractérisent chacun particulièrement.

Cette fois, je me retrouve en difficulté avec eux.

L'histoire suit son cours, bien entendu.  Je retravaille chaque paragraphe, ajuste la narration, perfectionne les personnages dans leurs réactions et comportements.

Or, depuis quelques jours, je vis une sorte de décentrage.  Comment dire.  Une façon d'être qui conduit à éprouver la nécessité vitale de se ressourcer; de plonger au-dedans de soi pour se récupérer et se ramener à se tenir debout.  Un besoin de consolider mes fondations qui s'estompaient, provocant par là même un état d'ivresse.  

Je marchais, depuis peu, comme un matelot sur un bateau ivre.

Ce tangage, fort désagréable par ailleurs, m'a immédiatement alerté : il était urgent pour moi de m'arrêter dans le temps et l'espace, et de partir à la recherche de ce que je suis intrinsèquement.  

Pas de panique à bord du paquebot; ce sont des états qui m'arrivent ponctuellement dans la vie, et que j'ai l'habitude de gérer.

Je plonge donc dans mes flots.  Après avoir bu quelques tasses, eu des maux de ventre d'avoir goûté cette eau tiède, je finis par situer dans ce trouble, mes fondations flottant un peu plus loin.

Rien que les apercevoir, m'emplit d'une joie profonde, d'un espoir provenant on ne sait d'où, mais issu des entrailles de mon être, m'entraînant immédiatement par ces courants vers le rivage.

Je constate avec un certain étonnement que ces fondations avaient toujours été là.  Fidèles à elles-mêmes.

Ce n'était que moi qui m'en étais éloignée.

Les pieds sur la terre ferme, j'observe l'horizon.  Et je vois défiler, extirpés de mon roman, le vieillard, un trentenaire brûlant de colère, une jeune femme désorientée, une autre, plus mûre, en harmonie avec elle-même et la vie, quelques autres; tous marchent sur les flots, pieds nus, et avancent vers moi.

Comment aurais-je pu deviner qu'ils ne pouvaient marcher que sur les eaux, sans oser fouler la terre, si moi je n'étais capable de les rendre à eux-mêmes ?

Entre terre et ciel, ils m'attendaient depuis plusieurs jours.

Ils ont eu raison, de ne pas me brusquer, je les aurais détruits, en leur conférant des émotions que ne sont pas les leurs, en les dénaturant, finalement, en ne les respectant pas, puisque moi-même, je m'étais oubliée, je ne me respectais plus.

Le rouge me monte aux joues.  Fallait-il en arriver là, subir leurs regards, pourtant bienveillant, pour comprendre que j'étais à la dérive ?

Entre ciel et terre.

C'est tout l'art d'être.  Les yeux portés vers les cieux, mais les pieds ancrés dans la glaise.

Il est temps pour moi d'aller les rejoindre; 

j'ai de la chance.

Sans le leur avoir demandé, ce sont eux qui viennent à moi, et me prennent par la main, pour que je les accompagne dans leur vie.

Mais il faut être forte pour cela.  Et digne d'eux.

Demain, à l'aube, la mer luira sous les couleurs de l'astre levant; banquise silencieuse, je sais dorénavant qu'ils n'y seront pas, et que nous serons prêts pour avancer ensemble.

Panthère.


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