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La République des Coups en Douce

Publié le 28 juin 2010 par H16

Il y a quelques semaines, j’avais évoqué – avec un buzz modéré – la discrète mise en place de sociétés publiques de corruption au travers d’une loi très peu discutée ou amendée, et passée totalement inaperçue. Cette fois-ci, c’est Maître-Eolas qui a levé la semaine dernière un autre lapin qui a réussi à trotter sous le radar grâce à la Coupe du Monde…

Pour rappel, la première loi-ninja, aboutissant à la création des Sociétés Publiques Locales, permettra aux élus locaux d’exploiter « des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d’intérêt général », en utilisant le code du commerce, ce qui dispense des contrôles et garde-fous bien enquiquinants pour éviter les détournements de fonds et les gabegies grossières de l’argent public.

Et bien évidemment, cette loi s’est vue ratifiée par les deux chambres en deux temps, trois mouvements et zéro article dans la presse française, qui, rappelons-le, ne vaut même plus le papier sur lequel elle est imprimée. Journalistes, si vous me lisez, votre carte de presse est une blague.

Pour la seconde loi-ninja, débusquée par Maître-Eolas, il s’agit en fait d’un amoindrissement fort commode de la loi sur la prise illégale d’intérêt.

Sans rentrer dans une description complète que l’avocat star du web fait bien mieux que moi dans son billet ou qu’on peut découvrir aussi sur Les Mots Ont Un Sens, on peut en résumer la teneur ainsi : avec le changement proposé, l’élu qui détourne silencieusement des fonds publics pour son parti (i.e. un tiers dans lequel il n’a pas d’intérêt personnel direct) ne peut être poursuivi.

Actuellement, ping, il se fait taper sur les doigts, ne passe pas par la case 20.000€ et termine parfois en prison ou doit fuir le pays pour aller branquignoler à droite ou à gauche et revenir, triomphalement, quelques années après lorsque l’affaire s’est tassée. Avec la nouvelle loi, il aura le droit à un petit bisou de son parti, et … c’est tout.

Une loi pour favoriser les détournements de fonds publics au profit des élus locaux, une autre pour faire en sorte que les partis puissent croquer une part du gâteau sans soucis légaux : vraiment, la République Irréprochable de Sarkozy ressemble de plus en plus à celle d’un Chavez, d’un Poutine, ou d’un Mugabe en pleine forme.

A la limite, je préférais la République Reprochable de Pompidou, la République Pas Top de Giscard, la République des Magouilles de Mitterrand, ou la République Corruptible de Chirac : à l’époque, les crises ministérielles avaient ce petit panache, cette hauteur qui leur donnait un parfum de merdage républicain pas trop voyant.

Maintenant, avec la crise économique, financière et sociale généralisée, alors que les recettes du pays ressemblent plus à celle de Tante Julie qu’à des rentrées fiscales, ajouter les bidouilles scandaleusement grossières de l’équipe en place pour s’en mettre plein les fouilles avant l’effondrement final, ça tient d’un cynisme olympique ou d’un irréalisme autruchien cultivé au rang d’art.

Corruption !

Car parallèlement à ça, on apprend que Woerth, qui patauge déjà dans les affaires de Bettencourt jusqu’au nombril, aurait eu il y a quelques temps une longue discussion avec l’héritier Peugeot, suite à un vol de lingots d’or, dont la valeur estimée à 500.000 euros aurait subitement été divisée par trois quelques jours plus tard, retrouvant ainsi le « bon » chiffre en accord avec l’ISF de Robert Peugeot.

Le ministre nie farouchement toute magouille à ce sujet. Et puis, comme il a lui-même remis la Légion d’Honneur à Peugeot récemment, on ne peut qu’être absolument certain de la probité de ce dernier : la Légion, de nos jours, est distribuée avec parcimonie à des personnes bien précises, comme, par exemple et au hasard, le conseiller en patrimoine de Bettencourt, et aussi par Woerth.

Et les coïncidences ne doivent pas faire douter, ne doivent provoquer aucune question. De la même façon qu’un bus qui explose au Pakistan et qui aurait un lien avec la présidence est une pure fable, l’hypothèse que nos ministres, tous autant qu’ils sont, n’arrêtent pas de tremper dans des petits arrangements entre amis, cette hypothèse est ridicule.

Et puis ce sont bientôt les vacances, et l’été qui s’annonce déjà ensoleillé, chaud, très chaud et plein de rebondissements joyeux sur les plages de sable fin.

Ridicule, vous dis-je.


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