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Réaménagement du Centre Ancien de Pointe-à-Pitre : Dans combien de morts ?

Publié le 01 juillet 2010 par Halleyjc

J’ai conservé le titre de l’article de Madame Michel ROBIN-CLERC, Expert près la Cour d’Appel de Basse-Terre, paru dans la Nouvelle Semaine, tout simplement parcequ’il parle au coeur et à la mémoire des Pointois.

Robert DESGRANGES dans un bel effort de mémoire racontait dans la Rebue de la Société d’Histoire de la Guadeloupe, l’émotion ressentie lors des fameux incendies de la Pointe, sinistres marqués par le manque de moyens de lutte.

Mon Grand-Père gagna d’ailleurs un procès contre la Municipalité après la destruction de sa pharmacie dans l’incendie de l’hotel des Antilles. Michelle ROBIN-CLERC dit les choses d’aujourd’hui.

Réaménagement du Centre Ancien de Pointe-à-Pitre : dans combien de morts ?

Michèle Robin-Clerc Architecte DPLG Docteur en Aménagement et Urbanisme Spécialisée en Architecture et Urbanisme Risques Majeurs

Auteur de la thèse : « Une analyse architecturale et urbaine de l’agglomération de Pointe-à-Pitre et des Abymes en Guadeloupe du pointe de vue des risques majeurs et du développement durable »

Dès 9 h 30, ce jeudi 24 juin 2010, une épaisse fumée s’élève du centre ancien : « Il y a le feu à Pointe-à-Pitre ». Mon cœur se met à battre : ma mère qui est très âgée y habite et se rend dans tous les magasins pour faire ses courses.Son petit pas mal assuré la porte à peine, que ferait-elle au fond d’un magasin en feu ? Trouverait-elle la sortie, elle n’y voit pas bien non plus. Je me précipite, ma mère va bien elle est chez elle, les pompiers arriveront plus tard, le camion qui porte la grande échelle reste coincé dans les rues étroites par les voitures garées irrégulièrement des deux côtés qu’il faut déplacer à bras d’hommes : dans ces rues en effet le stationnement n’est permis que d’un côté et dans les faits, en raison du laxisme de la municipalité ou de la pression de je ne sais quel lobby, ces places interdites deviennent des places gratuites où restent garées tout le jour des « voitures ventouses ». Heureusement nous ne sommes pas vendredi sinon l’accès par Bergevin serait embouteillé par les usagers et les marchands du marché aux légumes. Les pompiers arrivent enfin, ils mettront 2 heures pour éteindre un incendie qui n’a pu être arrêté à temps faute d’un accès rapide. L’immeuble sera entièrement détruit. La chance cette fois est que ce bâtiment occupe un angle et n’est pas profond, ainsi les personnes ont pu sortir à temps sur la rue Saint-John Perse et la rue de Nozières.

Le 21 décembre 2007 les victimes sont prises au piège dans une parcelle de 45 m de profondeur au fond de laquelle il y a un mur. Comment cela est-il possible ? Il y a une disposition « scélérate » dans le Plan d’Occupation des Sols de Pointe-à-Pitre qui permet que le rez-de-chaussée commercial occupe toute la surface de la parcelle. Ainsi les îlots (carré de bâtiments compris entre 4 rues) sont entièrement construits au rez-de-chaussée. Ce qui est triste c’est que cette même année 2007, Pointe-à-Pitre Ville d’art et d’histoire pavoise. Elle a obtenu le 1er prix au 13e Ruban National du Patrimoine pour la restauration de l’ancien presbytère, devenu Pavillon de la ville. Rubans noirs ?

L’incendie, c’est donc jeudi. Le lendemain, vendredi, le Ministre de la Culture Frédéric Mitterrand est à Pointe-à-Pitre : il ne verra pas les cendres encore chaudes. On lui organise un petit parcours qui part de ce fameux Pavillon de la Ville, puis emprunte la rue Bébian aux maisons rénovées pour finir à l’Hôtel de Ville. Cela ressemble fort aux crèches modèles montrées aux étrangers dans les régimes communistes et aux petits enfants frais et bien nourris qui agitent des drapeaux en Corée du Nord sur le passage de Kim-Jong.En 1958,

André Malraux, illustre prédécesseur de Frédéric Mitterrand, avait été reçu à Pointe-à-Pitre. Le maire d’alors choisit de lui montrer la pire face de sa ville, les bidonvilles qui en mangeaient la frange Nord. S’ensuivit la Rénovation Urbaine de Pointe-à-Pitre, ou RUPAP, de 1960 à 1985 ; l’opération, conjointe entre l’Etat et la Ville, a concerné 107 hectares, 2 500 familles, 18 000 personnes. Le budget en a été de 250 millions de francs pour les infrastructures et de 1 milliard de francs pour les superstructures.Il aurait fallu être audacieux et proposer à notre Ministre le « parcours des incendies », ce n’est pas bien difficile, et lui dire le nombre de morts pour les plus terribles. Chemin faisant lui expliquer les graves problèmes urbains que rencontre le Centre Ancien, les énormes moyens financiers et politiques qu’il faudrait pour le sécuriser, et lui dénombrer les types d’actions à entreprendre en ce sens :

Les mesures d’urgence :

-Interdire effectivement le stationnement des deux côtés dans les rues trop étroites.

-Changer la règle urbaine et interdire que le rez-de-chaussée commercial n’occupe la totalité de la parcelle.Les mesures à plus long terme :

-Nettoyer les cœurs d’îlots, enlever la partie en fond de parcelle des rez-de-chaussée commerciaux et ôter toutes les vieilles constructions en bois qui peuvent alimenter un incendie. Planter ces cœurs d’îlots.

-Remplacer les bâtiments brûlés, les parcelles en friche ou abandonnées, lorsque c’est possible, en tout ou partie, par des espaces verts. Un grand projet :

-Un Boulevard Maritime, de Bergevin au Carrefour Blanchard, qui permettrait la desserte de la ville et l’accès des secours en cas de catastrophe.Il faut savoir que toutes ces mesures, si elles permettront de sauver des vies en cas d’incendie, seront aussi salutaires en cas de séisme majeur.

Monsieur le Ministre, si vous lisez cet article, revenez à Pointe-à-Pitre et demandez à ce que je vous fasse visiter le centre ancien. Je sais que vous comprendrez l’urgence et que vous trouverez alors les chemins et les moyens de la Rénovation de cette ville, cinquante ans après votre illustre prédécesseur.


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