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La désindustrialisation, un processus peu visible

Publié le 03 juillet 2010 par Rcoutouly

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En ces périodes où la crise et l'inquiétude sont scrutés à la loupe, minute par minute, il est bien trop rare que l'on s'intéresse aux explications à l'origine de nos Crises. L'une des explications tient au phénomène de la désindustrialisation, phénomène souvent connu, mais aussi minoré ou oublié.


Phénomène souterrain, qui n'apparaît en lumière que lors du temps court que constitue la fermeture d'une usine. Les Médias  en parleront pendant ce bref moment, évoquant la souffrance des salariés, mais sans s'intéresser trop ni aux racines du processus, ni à ses conséquences à terme.

Pour le caractériser, plutôt que de long discours, prenons trois lieux significatifs du processus à l'oeuvre:

premier lieu : une usine, la compagnie du savon de Marseille installée dans le quatorzième arrondissement de la ville.

Quelle est son histoire?

"l'entreprise résume parfaitement l'évolution de l'industrie du savon à Marseille. C'est d'abord, dans les années 1850, une petite usine de bougies installée dans un quartier champêtre de Marseille. L'arrivée de la lampe à pétrole et du bec de gaz oblige l'établissement à se reconvertir, et à la fin du XIXe siècle apparaît la savonnerie Leca, qui devient ensuite la savonnerie J.B. Paul.

En 1909, alors que les concentrations se multiplient, l'usine unit ses forces à celles des huileries Antonin Roux. La savonnerie Antonin Rous et J.B. Paul subsiste ainsi pendant un demi-siècle avant que la vogue des savonnettes n'entraîne son rachat en 1969 par un groupe américain qui scinde à nouveau ses activités, revendant l'huilerie à Lesieur et la savonnerie à Unipol. L'entreprise devient propriété de l'Union Général des Savonneries qui crée "le Chat", avant de passer entre les mains d'un lessivier allemand et de fusionner avec uns société nantaise pour devenir la Compagnie du savon de Marseille, son appelation actuelle." (source françois Thomazeau)

Il ne reste plus que deux savonneries à Marseille alors qu'il y en avait au début du XXe siècle plus de 90.

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L'état de leurs bâtiments montre qu'il ne s'agit plus d'industries ultra-moderne dans lequel on investit. En réalité, il s'agit ici de niches particulières de produits de luxe dans lequel une poche industrielle. survit.

Leur histoire montre le processus de désindustrialisation en oeuvre. Parti d'un capitalisme familial franco-français, l'entreprise est rachetée par des grandes compagnies internationales qui l'utilisent au mieux de leur intérêt propre. Ici, ce qui les intéresse, c'est une image de marque, une "marque de fabrique" qui garde une valeur importante. Et c'est sans doute pourquoi on garde les bâtiments en l'état, sans y investir beaucoup. Ceux-ci se dégradent car l'entreprise mère ne veut pas mettre de l'argent dans une usine dans lesquels les coûts de production sont élevés. Cette entreprise multinationale préfère investir dans de nouvelles usines ultra-modernes installés dans les pays émergents où la main-d'oeuvre est beaucoup moins chère tout en étant de plus en plus compétente.

Jusqu'au jour, où elle décide de fermer cette usine. Les personnels sont en mis au chômage brutalement. C'est le coup de projecteur médiatique et dramatique.

Le processus que je viens de décrire est à l'oeuvre dans l'ensemble des filières industrielles. Seuls résistent les grands groupes français qui gardent parfois quelques usines phares (Renault par exemple) et quelques secteurs clés (Aéronautique) où le processus n'a pas démarré.

deuxième lieu : un port à conteneur, le port ouest de Marseille.

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Celui-ci reçoit un trafic de plusieurs centaines de milliers de conteneurs par an (équivalent à la taille d'un conteneur de 20 pied). 

Quand on imagine ce trafic de conteneurs grandissant d'années en années, on  imagine un trafic dans les deux sens : Marseille exportant des conteneurs pleins autant qu'elle en importe.

Et bien, non, directement lié au déséquilibre de la balance commerciale, la moitié des conteneurs en provenance d'Asie repartent vides d'Europe. 

Pour deux conteneurs achetés par les pays européens, un seul est vendu par l'Europe. La proportion suffit à comprendre le phénomène à l'oeuvre : l'Europe achète ailleurs ses produits, elle s'appauvrit et ferme au fur et à mesure ses usines.

troisième lieu : plan de campagne, une des plus grandes zones commerciales d'Europe

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Ici, dans ce lieu de "la France moche", se vend tout ce que les ménages marseillais achètent. Et les produits présents sur les étalages proviennent d'où? De Chine, du Vietnam, d'Indonésie, ...

Pratiquement jamais du Japon, des Etats-Unis et du reste de l'Europe. 

Le processus d'appauvrissement est ici à l'oeuvre.  Des chômeurs, renvoyés après la fermeture de leur usine, viennent acheter des produits fabriqués par leur concurrent asiatique. Ils utilisent, pour payer, leurs allocations chômage financées par la Nation. Celle-ci s'appauvrit donc à chaque fois qu'un achat a lieu. 

Ce processus à l'oeuvre n'est pas seulement un processus économique aux conséquences sociales et humaines importantes, il est aussi un processus d'appauvrissement environnemental global puisque la mondialisation industrielle permet de continuer à consommer des ressources naturels non renouvelables, épuisables, parce qu'il contribue au dégagement de carbone et de produits néfastes dans notre environnement.

Comment alors enrayer ce processus? Faut-il d'ailleurs l'enrayer? Que faut-il proposer pour sortir de cette dynamique infernale qui nous appauvrit chaque jour un peu plus, cela sera l'objet d'un prochain article.

Pour aller plus loin:

La Croissance, une idée bien fatiguée

La mondialisation, au coeur de la crise financière

L'endettement, un problème écologique?


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