Magazine Beaux Arts

David Lynch

Publié le 08 mai 2007 par Marc Lenot

à la Fondation Cartier, jusqu’au 27 Mai.

Avouerais-je que j’y suis allé sans grand enthousiasme et avec quelques préjugés ? Et que j’en suis sorti dérouté, gêné, toujours pas fan, mais parfois séduit.

Les photos de Distorted Nudes m’ont plus mis mal à l’aise que vraiment fascinées, trop évidentes, trop grossières, et la multitude de petits dessins griffonnés ici et là n’ont d’intérêt que pour des amateurs inconditionnels. Mais j’ai été proprement estomaqué par certains des grands tableaux. Ils sont placés de telle manière que vous ne pouvez pas reculer, vous êtes coincé entre le tableau et la vitre, impossible de prendre du recul, de reprendre son souffle, de s’échapper. Le cadre doré immense (3m sur 1.5m) et la paroi de verre vous enferment, les piliers de suspension vous interdisent toute diversion, vous devez rester devant ce tableau, le nez dessus, tout contre la toile. Et si ça n’était que la toile ! mais c’est aussi un homme grandeur nature ou presque, son pantalon, sa veste éclaboussés de sang, ses excrétions, ses sécrétions, sa matière juteuse, dégoulinante, giclante, et son âme qui s’envole, sans ombre.Le tout sur un fond neutre, carré, froid, banal. Le titre : This man was shot 0.9502 seconds ago (ci-contre photographie Patrick Gries).

Et il y en a trois autres, de même taille, qui, de la même manière, vous contraignent à entrer, à cesser de respirer, à vous coller le nez dessus. Sur un fond qui évoque le catalogue de la Redoute, des personnages tentent de communiquer : Do you want to know what I really think ? Non, répond-elle. Et nous, face à ces personnages aux têtes indistinctes et aux vêtements trop réels, nous ne pouvons plus bouger. Plus loin, des textes épigraphiques qu’on ne peut déchiffrer qu’avec application, un rocher noir orné de sept yeux inquiétants (”seven is a beautiful number” yeah !), et Sally, dont le visage, à force d’être aimé, devient bleu au dessus d’un lit de roses (Bob loves Sally until she is blue in the face).

Plus loin, ses petits tableaux sombres, son obsession avec sa maison, quelques formes, quelques lettres, une énigmatique violence, des souvenirs d’enfance. Les photos du sous-sol, plus simples, moins “esbrouffe”, sont peut-être la partie la plus solide de l’exposition : des usines, des tuyaux, des yeux, comme ci-contre. Là seulement, David Lynch fait preuve d’humilité, de densité, à mon sens.

Enfin, l’installation du fond recrée en grandeur réelle un de ses dessins, couleurs crues, mobilier kitsch et chaussures de luxe. Trop, c’est trop.

Mais lisez aussi ceci, ceci, ceci, ceci, tous plus enthousiastes que moi, et celui-ci avec un beau texte sur l’autoportrait photo de Lynch.

Toutes oeuvres (c) David Lynch


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