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Regina Spektor et la mort au Montreux Jazz festival

Par Theoma

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Je l'ai clamé haut et fort ! J'avais un billet pour aller voir le 7 juillet dernier Regina Spektor et Ben Harper au renommé festival de jazz de Montreux. Un moment de détente bienvenu après une journée de tristesse dédiée à un ami très cher, Cédric, qui aurait eu 36 ans ce même jour s'il n'en avait pas « décidé » autrement.

20h15, Regina arrive sur scène avec ses deux musiciens. Elle tente de parler... elle ne semble pas trouver les mots. Je pense qu'elle est émue par l'accueil du public, par ce lieu mythique. Soudain, j'aperçois une place vide sur scène sous les projecteurs. L'artiste, d'une voix à peine perceptible nous explique :

«Mes amis, mes bons amis, Dan est mort hier à Montreux. Mon cher Dan, qui voulait tant jouer pour vous ce soir. Ce concert, nous le lui dédions, lui qui n’avait que deux amours: sa famille et la musique…»

Le public est sous le choc. Le lien se fait dans nos têtes. Le touriste américain qui s'est noyé la veille dans le lac Léman n'est autre que Daniel Cho, trente ans, violoncelliste et directeur artistique de Regina Spektor. Il n'en fallait pas plus pour ouvrir les vannes. Je pleure avec elle un ami perdu.

Les morceaux les plus tristes de son répertoire sont chantés par une femme en larmes complètement anéantie. Cette expression d'incompréhension, de désespoir et de colère était et sera encore la mienne, la vôtre et la sienne.

Au milieu du concert, les deux musiciens s'effondrent. L'un deux chante l'air préféré de son collègue et ami. Après les étranges rappels, Regina continue seule au piano. Elle souffre, elle craque, la peine inonde tout. Je suis de plus en plus mal à l'aise. J'ai envie de monter sur scène pour lui dire d'arrêter d'essayer de chanter, qu'elle se donne le droit de pleurer, de crier. J'ai envie de partir. Elle au moins a eu la bonne idée de ne pas se maquiller. Je sais, ce n'est pas drôle (mais vous n'avez pas vu ma tête...)

Au dernier salut, je quitte la salle épuisée et mitigée. Si je respecte le courageux choix d'avoir voulu chanter malgré tout afin d'honorer la mémoire de Daniel Cho, je ressors encore plus mal qu'en entrant. Même si la voix est magnifique et que la personne semble belle, même si j'ai encore plus envie d'assister à un de ses « vrais » concert, je me demande si ce choix était le bon. J'ai eu le terrible sentiment d'être une voyeuse, d'assister à un évènement des plus intimes, non pas un concert mais un enterrement, celui d'une personne que je ne connaissais pas.

J'ai eu la sensation d'être l'otage d'une cérénomie funèbre. Je sais que rien n'était calculé et que l'initiative partait d'une bonne intention mais chanter exigeait de cette artiste exceptionnelle bien trop de souffrance. Égoïstement, je lui en voudrais presque de m'avoir fait partager cette peine. Je n'en avais pas besoin.

La vie était bien triste ce 7 juillet.

Par Theoma - Publié dans : J'écoute en ce moment - Communauté : Les lectures de Florinette
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