Magazine Info Locale

Land without words – un pays sans parole

Publié le 05 juin 2010 par Europeanculturalnews

Un pays sans paroles

En 2005, l’écrivain Dea Lohner a fait un voyage en Afghanistan. Ses impressions et expériences ont trouvé leur expression dans l’œuvre « Pays sans paroles », en anglais « Land without words ».
Dans le cadre du « festival premières », la metteure en scène allemande Lydia Ziemke a monté la pièce sur la scène du TNS à Strasbourg.

Land without words – un pays sans parole

Lucy Ellinson in "Land without words" (photo: Claire Schirck)


Le monologue nous donne un aperçu de l’état émotionnel et de la gestion psychologique et thérapeutique de ce voyage. C’est un récit de guerre qui nous touche de très près, aussi et surtout, grâce à l’excellente prestation de l’actrice Lucy Ellinson, plus que convaincante parlant de son impuissance et du grand-huit émotionnel ressenti pendant le séjour à Kabul.

A vrai dire, la pièce commence avec l’aveu d’être incapable de trouver des mots face aux horreurs et actes épouvantables dont Lohner a pu être témoin. Le décor simple, sans rapport aucun avec Afghanistan ou Kaboul montre que l’écrivain ne parle pas que de ce qu’elle a vécu en Afghanistan, mais qu’il s’agit plutôt de la position des artistes, femmes et hommes, face à la guerre, quel que soit l’endroit où elle ait lieu dans le monde.

Quels moyens d’expression subsistent quand l’horreur, la misère, la peur et la violence vous rendent muet ? Quand est-ce que l’on est subjectivement incapable de faire de l’art, quelle qu’en soit sa forme, tout simplement parce que la lutte quotidienne pour la survie est plus importante que tout le reste et que la pression psychologique devient insupportable ?

Cette artiste peintre se bat, elle lutte avec ses impressions et elle a tous les maux du monde de transposer ses émotions sur la toile. Face à la guerre, sa palette n’est plus que brune et noire, la couleur blanche, jadis étincelante ne s’y trouve plus.
Encore et toujours elle monologue sur la théorie de l’art pour montrer en même temps ouvertement son désespoir et des gouffres intérieurs qui se sont ouverts en elle pendant les évènements à Kaboul. Jusqu’à la fin elle doute des possibilités de l’art, plus que cela, même, puisque, d’après elle, la peinture n’est pas capable ne serait ce que d’approcher approximativement la douleur, la violence et la misère.

Ellinson, grâce à la mise en scène concluante de Lydia Ziemke, réussit à rendre les spectatrices et spectateurs concernés, elle les fait réfléchir.
Sa poitrine dénudée, au début encore immaculée, blanche, est vers la fin couverte de terre noire et collante : Une métaphore très imagée qui montre au sens propre du terme, à quel point le terrorisme défigure l’être humain. Sur la scène, plongée dans une lumière sombre, ne se trouve qu’une table étroite et haute qui pourrait presque faire penser à un établi qui sert également de lit à l’actrice. Plus rien dans son environnement ne dégage de la chaleur et de la protection. Toute dimension humaine a disparu.
Le texte de Lohner incite, face à de telles impressions, à réfléchir différemment sur les catégories habituelles des l’art et de leur conséquences. On est pratiquement obligé d’inventer une nouvelle structure de pensées, ou du moins modifier celle qui existe concernant l’art, sa production et sa perception. Après cette pièce, il n’y a aucune chance de retourner dans sa compréhension de l’art, bourgeoise et confortable et de faire semblant que la violence, la misère et la haine ne fassent plus partie de nos catégories de réflexion.
Il nous faut accepter et tolérer qu’en dehors des frontières européennes, la misère et la guerre continuent à faire partie du quotidien et que l’art, du moins pour l’auteur et la metteure en scène, n’a pas sa place dans un contexte pareil.
La fin de la pièce n’est conciliante en rien et c’est une bonne chose. Un travail encombrant mais en même temps passionnant qui mérite d’être montré et joué sur beaucoup de scènes. Peut-être même en Afghanistan, quand à la place de la guerre, l’art pourra revendiquer ses droits.

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Europeanculturalnews 53 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine