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Une voix d’un autre temps

Publié le 21 mars 2010 par Europeanculturalnews
Une voix d’un autre temps

Vivica Genaux (c) Harry Heleotis


L’ensemble Europa Galante, spécialiste de la musique baroque, a été invité avec son chef d’orchestre Fabio Biondi et la mezzo-soprano Vivica Genaux par l’OPS (l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg) à Strasbourg.

La soirée entièrement dédiée aux œuvres d’Antonio Vivaldi était un enchantement : De la musique baroque, manifestement interprétée avec beaucoup de joie de vivre et une grande envie de faire de la musique. La soliste Vivica Genaux, née en Alaska, vit actuellement en Italie. Avec sa voix qui semble appartenir à un autre temps elle a ensorcelé le public. Elle chantait les arias, plus que périlleux pour le commun des mortels, avec une aisance sans égal. Avec sa voix douce et chaude dans les aiguës aussi bien que dans les basses elle déclencha des manifestations d’enthousiasme chez un public conquis. Sa technique lui permettant d’utiliser sa voix comme un instrument, est impressionnante. Chaque nuance, aussi infime soit-elle, sort clairement. Chaque son, aussi court soit-il, est parfaitement audible, comme par exemple dans les innombrables trilles où les gammes montantes ou descendantes forment des frisottis, des boucles ou de petites coquilles de façon quasi photographique. La voix de Genaux forme un tout avec l’orchestre qui est d’une harmonie telle, qu’on a du mal à croire que 15 musiciens ET une cantatrice se produisent sur la scène.

La comparaison avec un feu d’artifice de musique baroque est bien trouvée. « Pyrotechnics » est le titre du CD enregistré par Europa Galante avec Vivica Genaux sous la direction de Fabio Biondi. Le feu d’artifice d’une voix qui, et c’est tout à l’honneur de la cantatrice, ne sonne jamais artificielle. On a plutôt l’impression que le don de s’exprimer de cette façon a été mis dans le berceau de l’artiste, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde : A sa façon inimitable, avec une sensibilité vocale sans égale, elle sait exprimer la joie débordante, la soif de vengeance ; elle sait se donner du courage et se perdre dans un chagrin d’amour. Tant et si bien que la traduction du texte est superflue : on comprend et on ressent parfaitement quels sentiments et émotions Vivaldi voulait exprimer dans ses arias. Il est impossible d’imaginer d’entendre chanter cette artiste sans avoir la chair de poule. A moins qu’il s’agisse d’une personne sourde, ou alors totalement dépourvue de sentiments.
Vivica Genaux est un cadeau du ciel pour tout ensemble de musique baroque, comme Europa Galante est un cadeau providentiel pour toute soliste. Que les deux se sont trouvés est avant tout un cadeau merveilleux pour le public.

Fabio Biondi est en même temps le premier violon de son ensemble qui joue – le violoncelliste, le luthiste et la claveciniste mis à part – debout. Sa joie irrésistiblement contagieuse entraîne tous les interprètes. La merveilleuse image des musiciennes et musiciens, qui, tout sourire, s’entraînent, s’encouragent et se soutiennent mutuellement restera gravé dans les esprits pendant encore très longtemps. Grâce à l’interprétation de Biondi, l’œuvre de Vivaldi gagne en couleurs, car le chef d’orchestre Biondi, soutenu par son ensemble, sait exprimer toutes les nuances de la palette : du noir le plus opaque au blanc éclatant en passant par des scintillements dorés jusqu’au pourpre profond.

Entre ces deux concerts, donnés le même jour, Genaux se préparait pour la prestation suivante en coulisses. Ce soir-là, les musiciennes et musiciens avaient l’occasion de montrer que non seulement ils aiment faire de la musique mais qu’ils la pratiquent au plus haut niveau. C’était la soirée de toutes les performances, au niveau de l’interprétation aussi bien qu’au niveau de la création. Quelques uns des morceaux qu’on pouvait entendre n’ont encore jamais été enregistrés, ce qui signifie, qu’il n’existe pas de référence pour les œuvres en question.
Les duos exigeants pour violons, les accompagnements furieux des violoncelles, sans oublier la tendre voix du clavecin, si typique pour cette musique, ont donné une belle occasion aux musiciennes et musiciens de faire valoir leur savoir-faire exceptionnel. La basse sublime, s’ancrant profondément dans l’ouïe formait un contraste merveilleux avec le luth, tout en finesse. Celui-ci a été particulièrement mis en valeur dans le supplément, un morceau de l’opéra « La Tenaide ». Cette œuvre a permis au public de prendre toute la mesure de la sensibilité musicale de l’ensemble, puisque c’étaient les pizzicati, donc les pincements de cordes, qui accompagnaient l’aria dans son intégralité. Un véritable écrin pour la voix de Genaux, qui se posait tel un collier de perles sur les chuchotis des instruments à cordes.

Les arias, écrits par Vivaldi pour différentes cantatrices, connaissaient leur heure de gloire pendant les jeunes années du compositeur dans toute l’Europe. Des années plus tard, son style étant de moins en moins demandé en Italie, Vivaldi déménagea à l’âge de 63 ans à Vienne pour tenter de réussir à la cour de Charles VI. Mais l’empereur décéda en 1740, l’année de l’arrivée de Vivaldi, ce qui était un revers sérieux pour le compositeur. De santé fragile, sans perspective d’un succès proche, Vivaldi mourra dans la misère en 1741 à Vienne. Le fait que, parmi les petits chanteurs qui devaient chanter le Requiem pour la circonstance, se trouvait un certain Joseph Haydn, alors âgé de 9 ans, était peut-être une sorte de passation de relais prévu par le destin. Penser qu’aujourd’hui Vivaldi fait partie des compositeurs baroques les plus joués au monde, et se souvenir de sa fin malheureuse peut rendre mélancolique. Ce qui est réconfortant par contre, c’est le fait que sa belle musique, la musique qui touche les cœurs, est immortelle.

Europa Galante et Vivica Genaux font dores et déjà partie de cette catégorie – la preuve en est cette soirée à Strasbourg !

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker


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