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Voyager avec la musique – voyager pour la musique – en tournée avec l’OPS

Publié le 18 mars 2010 par Europeanculturalnews
Voyager avec la musique – voyager pour la musique – en tournée avec l’OPS

OPS avant le décollage (c) MP

A Strasbourg, trois grands bus attendent sur le parking du PMC, la maison de l’OPS. L’après-midi de ce mois de mars est glaciale. Il fait décidément bien trop froid pour la saison. Dix minutes avant l’heure fixée, je suis déjà installée dans le bus. Puisque j’ai choisi de m’assoir dans l’une des premières rangées, j’ai l’occasion de saluer tous ceux qui montent après moi dans le bus. Je les connais tous de vue, les musiciennes et musiciens de l’OPS, mais j’ai tout de même du mal à les reconnaître, car dans la salle de concert je les vois en « tenue de travail » – petite robe noire, ou robe longue pour les dames, queue de pie pour les messieurs. Ce jour-là, bien emmitouflés, ils portent des vêtements d’hiver de toutes les couleurs.
Ne serait-ce que le convoi impressionnant indique qu’un ensemble important est sur le point de partir : 108 personnes voyagent avec la musique, dont 4 journalistes (hommes et femmes), un chef d’orchestre, un pianiste, le directeur de l’orchestre, quelques femmes et hommes travaillant pour la direction et cinq personnes détachées pour s’occuper de la scène. L’avion doit nous emmener tout droit à la capitale slovène, Maribor. De là, samedi prochain, nous allons continuer à Zagreb, en Croatie pour retourner à Strasbourg le lendemain. Ce programme est bien chargé avec les 2 concerts : pour l’OPS et son chef d’orchestre Marc Albrecht mais aussi et surtout pour le soliste, le pianiste Nikolaï Tokarev. Tokarev avait joué le difficile concerto n° 1 pour piano et orchestre de Rachmaninoff deux jours avant le départ et devait le jouer encore deux fois pendant la tournée.

Celui qui pense qu’un tel voyage n’est qu’une petite escapade pour changer d’air, se trompe. Le fait qu’il fallait donner 3 concerts en 4 jours (si on compte le « coup d’envoi » à Strasbourg) n’est qu’une dimension d’un tel voyage. L’autre dimension qui constitue un défi à elle seule, est la simple « gestion » d’autant de personnes qui pour la plupart sont individualistes. Des musiciennes et musiciens ne ressemblent en aucun cas à des robots qui fonctionnent tous de la même façon. A ce moment précis, nous ignorons encore, que le premier de ces défis nous attendait déjà le pied ferme.

Marc Albrecht nous rejoint au moment de l’enregistrement à l’aéroport d’Enzheim, Nikolaï Tokarev et sa compagne sont déjà arrivés. Après un petit bonjour général, nous passons les contrôles de sécurité pour monter dans l’avion charter. Quelques unes des dames doivent se déchausser pour faire scanner leurs chaussure – à cause des parties métalliques dans les semelles nous explique-t-on – et, une fois dans l’appareil, de nouveau les chaussures aux pieds, tous gagnent leurs places respectives. Les violoncelles, les violons, les flûtes et d’autres instruments pas trop volumineux sont mis directement à bord de l’avion. Tout ce qui est trop encombrant pour être transporté de cette façon est envoyé en Slovénie et en Croatie par un camion appartenant à l’OPS. Une fois les ceintures de sécurité bouclées, et les instructions des hôtesses de l’air attentivement écoutées – on attend ! La tour de contrôle tarde à donner le feu vert pour le décollage. Elle nous envoie plutôt deux techniciens, qui discutent pendant un certain temps avec le commandant de bord. Au bout d’un moment, Monsieur Patrick Minard, le directeur de l’OPS cherche à connaître les raisons de ce retard. Une vis à l’extérieur de l’appareil ne serait pas conforme aux normes de sécurité, et si jamais ce n’était pas possible de la changer, ce serait nous qui changerions – d’avion !Une légère inquiétude se fait sentir, mais le premier concert à Maribor n’aura lieu que le lendemain. Nous avons donc suffisamment de temps devant nous – plus qu’assez, car finalement cette vis est changée et nous décollons en direction du sud.

L’aéroport de Maribor est tout petit. Nous franchissons les quelques mètres qui nous séparent du bâtiment de l’aéroport à pied. Nous sommes étonnés d’arriver dans un espace relativement petit où il n’y a que quelques bancs en métal ; point de tapis roulant. Quelques minutes plus tard nous saurons pourquoi : Un petit charriot, conduit par deux ouvriers en bleus de travail et gilets réfléchissants apparaît devant la porte vitrée. Une fois arrivés dans la petite salle, les ouvriers posent les valises une à une sur les « bancs » que nous croyions destinés aux voyageurs fatigués. Si ce procédé semblait dépassé, il était pourtant efficace : En un rien de temps, tout le monde était en possession de ses bagages et le voyage pouvait continuer : Il fallait monter dans un bus pour rejoindre notre hôtel.

Voyager avec la musique – voyager pour la musique – en tournée avec l’OPS

hôtel Habakuk - le logis d`une partie des musiciens (c) MP

A Maribor, 2 hôtels étaient réservés, l’un pour les instruments à cordes, qui forment la plus grande partie de l’orchestre, et un deuxième pour le reste. Le reste, c’étaient les instruments à vent, le harpiste, le percussionniste et les journalistes.

L’hôtel Habakuk au pied du Pachern (en slovène : Pohorje) a immédiatement fait l’unanimité. Les pistes de ski juste derrière l’hôtel étaient éclairées quand nous sommes arrivés à l’hôtel vers 20 heures. En voyant les diverses réactions, notamment celles des jeunes messieurs, j’ai vite compris, que personne ne s’attendait à se trouver ici en plein milieu d’un centre international de sports d’hiver. La décision fut vite prise : La matinée libre du samedi devait servir à…faire du ski ! Un homme – une parole, beaucoup d’hommes – beaucoup de skieurs ! Et en effet, le lendemain matin, les pistes du Pohorje étaient peuplées par des visiteurs peu communs, ravis de s’adonner pendant quelques heures à cette activité non-musicale.

L’après midi, en revanche, la tension est monté subitement d’un cran, car des rumeurs commençaient à circuler : La scène de la salle de concerte de Maribor serait trop petite pour que tout l’orchestre puisse y prendre place. Et en effet, peu de temps après le début des travaux d’installation, les membres de la régie, spécialement venus pour ça, devaient faire le constat, que tout l’ensemble ne pourrait être installé sur la scène. Donc, ce soir-là, pendant la suite de Korngold, 6 musiciens avaient le droit de se mêler au public dans la salle pour regarder leurs collègues musicinnes et musiciens à partir d’un autre « point de mire ». Pendant la symphonie, 12 membres de l’orchestre étaient au repos « forcé ».

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répétition dans la salle de concert à Maribor (c) MP

Pendant la répétition, la nervosité de tous était palpable. Le grand ensemble de l’OPS n’est pas habitué de jouer dans une salle qui ne peut accueillir que 6 fois plus d’auditrices et auditeurs que le nombre des membres de l’orchestre. Et une très courte répétition d’une heure, pendant laquelle on ne pouvait revoir que de petites parties des œuvres, y compris le solo de Tokarev, n’était pas vraiment propice non plus à détendre atmosphère. Mais le soir même, on pouvait constater que l’on avait à faire à de grands professionnels : Le programme si astucieusement concocté par Marc Albrecht fut joué avec autant d’intensité que de sensibilité et le public de Maribor était totalement conquis. La plus grande partie de ce public ne connaissait sans doute ni la suite de Korngold, l’illustration musicale de l’œuvre de Shakespeare « Beaucoup de bruit pour rien », ni son unique symphonie. Le concerto pour piano de Rachmaninoff et l’ouverture du troisième acte de Lohengrin de Wagner en revanche étaient d’autant plus connus. Avec cette œuvre, Marc Albrecht renvoyait à ses succès à Bayreuth où il fut acclamé entre 2003 et 2006 comme chef d’orchestre du « Hollandais volant ». C’était un mélange magnifique, surtout grâce aux beaux entrelacs rythmiques et mélodiques entre les différentes œuvres.

Là tension ressentie avant le concert s’était envolée d’un seul coup et non seulement chez les musiciens. Même nous, faisant partie de la corporation des « scribes », nous étions enchantés de ce beau succès et convaincus qu’il serait la base solide pour la suite des évènements dont tout le monde puisse être fier et ravi à l’avenir. Par conséquent, l’ambiance à l’hôtel pendant le dîner – comme d’habitude très tardif chez des musiciens d’orchestre – était plus que joyeuse. Tellement joyeuse, que, pendant le transfert à Zagreb, certains ont prolongé leur nuit dans le bus.

La première impression de la ville de Zagreb avec ses 800.000 habitants et l’ambiance qui y régnait étaient totalement différentes. L’hôtel Westin en plein centre ville pouvait accueillir tout le monde, et la salle de concert était d’un point de vue taille comparable à celle de Strasbourg. Cette fois-ci il y avait assez de place pour tout l’ensemble et assez d’espace pour le son merveilleux que l’OPS produit sous la baguette magique de Marc Albrecht.

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Nevenka Fabian-Vidakovic notre adorable guide à Zagreb (c) MP

Jusqu’à la répétition il ne restait que peu de temps pour visiter la ville, mais les journalistes avaient beaucoup de chance : Une adorable habitante de Zagreb, liée d’amitié à l’une des journalistes justement, avait eu la gentillesse d’organiser une visite en « accéléré », suivie d’un petit repas. Les valises à peine posées dans les chambres, nous avons pris le tram pour nous rapprocher du centre-ville. Ensuite nous avons exploré à pied le marché à trois niveaux, où se bousculaient sur les étales toutes les merveilles de la Dalmatie du sud, qui peut être considérée comme le potager de Zagreb. Ensuite nous avons rendu visite à la cathédrale au capitole pour finir notre promenade avec une halte au restaurant « Masklin i lata » (ce nom désigne deux outils très anciens du monde paysan) où on nous a servis des spécialités de la mer adriatique. Juste assez de temps pour nouer de nouvelles amitiés, pas assez pour déguster le dessert et boire un petit café, car les musiciennes et musiciens étaient déjà en train de répéter. Et puisque le programme prévu à Zagreb avait subi des modifications, personne ne voulait rater la répétition. Il fallait donc prendre la direction du « Lisinski-Hall » au pas de course. On avait fait la demande à Marc Albrecht de jouer l’œuvre contemporaine du compositeur zagrebois, Berislav Šipus à la place de la suite de Korngold. C’était très osé, car la préparation avait été réduite au strict minimum, et l’orchestre recevait donc seulement sur place les dernières indications concernant la dynamique de l’œuvre en question. C’était touchant d’observer le compositeur, âgé de 52 ans pendant cette répétition. Très tendu, il avait du mal à rester assis sur sa chaise et il était visiblement très ému quand il a remercié l’orchestre pour son travail.

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l´annonce du concert de l´OPS au Lisinski-Hall à Zagreb (c) MP

Pendant la petite heure de pause entre la répétition et la représentation, la plupart des membres de l’orchestre se sont retrouvés à la cafeteria de la salle de concert, ensuite, il fallait se changer et intégrer l’espace de musique. Nouvelle soirée, nouveau concert, nouveau bonheur ! Et le bonheur leur a encore souri! En 2002, Šipus a retravaillé entièrement son œuvre qu’il avait écrite à l’âge de 26 ans uniquement pour instruments à cordes. Cette œuvre donne un aperçu des larges possibilités qu’offrent les instruments à cordes et elle fait étroitement coexister la dimension dramatique et la dimension lyrique. Après la densité scintillante du début, Šipus étale, tel un caléidoscope, les échantillons de son les uns après les autres pour tisser avec des Clusters une tapisserie de couleurs acoustiques différentes. Cri et écho, discours et réplique, murmures et acclamations à haute voix nous font penser aux différents états d’être dans lesquels nous pouvons nous trouver, intentionnellement ou pas, et que nous devons gérer. Par moments pleine de tensions, sombre et secrète, vibrante pour les nerfs, cette œuvre s’insérait avec ses basses tempétueuses sans problème aux autres morceaux de la soirée. Avec la large élaboration d’un thème présenté par les altos, Berislav Šipus a prouvé qu’il maîtrisait parfaitement l’art de la fugue, puisqu’il faisait traverser en s’entrelaçant ce même thème tous les instruments à cordes – même s’il appelle lui-même cette partie de sa composition seulement « quasi une fugue ». Les applaudissements après la fin furieuse de l’œuvre n’étaient pas seulement destinés au compositeur qui, devant son public, remerciait encore une fois Marc Albrecht. Le public acclamait aussi l’OPS qui a réussi cet examen de passage haut la main. La brillante interprétation de Rachmaninoff de Nikolaï Tokarev et la symphonie de Korngold ainsi que le supplément de Lohengrin proposé par l’OPS sous la direction de Marc Albrecht correspondaient exactement aux attentes du public. Des applaudissements qui ne semblaient pas vouloir prendre fin en étaient la preuve. La bataille fut livrée – et elle fut victorieuse !

Autres pays, autres mœurs, c’est bien connu ! Mais quand on y est confronté, c’est tout de même parfois surprenant. En quittant la salle, les sons Wagnériens encore plein les oreilles, des sons bien différents cherchaient à se frayer un chemin dans notre appareil auditif : Place à la danse du samedi soir ! Et du coup, on avait fait de la place à un groupe de musique de six personnes ! Un plus grand contraste avec ce qu’on venait d’entendre est à peine imaginable. Mais, manifestement, ce genre de manifestation amuse beaucoup les Zagrebois. Ce sont surtout des couples d’âge mûr qui s’adonnent aux danses de salon, pour voir – et être vus, et pour finir leur soirée de concert de cette façon pour le moins…… inhabituelle !

Un moment calme le lendemain matin autour d’un petit-déjeuner prolongé, un retour harmonieux, cette fois-ci sans retard : la tournée de l’OPS en Slovénie et en Croatie touchait à sa fin. Ce qui reste, ce sont des impressions pleines de musique et de femmes et d’hommes qui partagent une même passion. A Maribor et à Zagreb, l’OPS a laissé sa carte de visite musicale de très haut niveau, c’est certain. Mais il a rempli aussi une fonction : Il a été l’ambassadeur artistique de cette merveilleuse ville européenne qui peut ainsi prouver à l’étranger qu’elle abrite bien plus que les institutions européennes.

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker


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