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«L’Affaire Bettencourt-Woerth» : Nicolas Sarkozy parle… tout le monde s’en fout !

Publié le 16 juillet 2010 par Kamizole

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Le choix de la photo ne doit rien au hasard. Prise sur le perron de l’Elysée, elle date du 8 juillet 2010. Avec l’air pincé sinon carrément méchant qui lui est habituel depuis ces dernières semaines, il semble scruter le ciel, se demandant quelle calamité va encore lui tomber dessus. Redevenu la “loose” ? Avec mon mauvais esprit habituel, je n’ai pu m’empêcher de me demander s’il ne guettait pas le ciel pour le cas où les martinets qui sévissent sur Saint-Pandelon n’auraient pas eu idée de faire un détour au-dessus du 88 Fg Saint-Honoré (de leur présence) pour y lâcher leurs fientes… :)

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La seconde photo – du 6 juillet 2010 – est non moins étonnante… en tout cas pour qui connaît un tant soit peu la gestuelle pas forcément très classe… Voudrait-il nous signifier d’aller nous faire… voir ailleurs, qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Mais au fond, il y a bien de cela chez lui. Clio me fit remarquer au téléphone que sa dernière prestation télévisée n’était au fond destinée qu’à rassurer son seul électorat. Fermeté sur les retraites et le maintien du bouclier fiscal. Les Français, rien à secouer comme d’hab. Jean-Paul Huchon, cité par Libération (12 juillet 2010) «Sarkozy n’a pas répondu aux angoisses légitimes des Français» l’exprime parfaitement. Une troisième photo qui confirmerait presque : il suffit de changer les doigts.

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  • D’ailleurs, 20 minutes ne s’y est pas trompé : Sarkozy s’offre plus d’une heure de retour aux fondamentaux.
  • Autant le dire tout de suite : je ne l’ai pas regardée. Je ne suis pas du genre maso, je ne l’ai jamais supporté et c’est de pire en pire. Je me suis contentée d’extraits sur BFM-tv. En prenant quelques notes sur mon bloc. J’ai constaté immédiatement que Nicolas Sarkozy regardait rarement Pujadas (simple faire valoir) dans les yeux… “Franc comme eun âne qu’y r’cule” dirait-on en Sologne ! S’il y a bien quelque chose qui m’insupporte ce sont les gens qui ne regardent pas franchement les personnes à qui elles parlent. Ça et les poignées de main fuyantes, les bises en l’air. Tout ce qui n’est pas franc du collier.

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    Nicolas Sarkozy n’est d’ailleurs pas le seul. J’avais vu des titres d’articles indiquant que Laurent Wauquiez demandait à Mediapart les enregistrements du témoignage de Claire Thibout. Lors même qu’il savait pertinemment qu’ils n’avaient pas été enregistrés, les journalistes de Mediapart l’ayant clairement indiqué. Ce qui fut sans doute une erreur, quand bien même y aurait-il eu des témoins, différents à chaque fois. Il n’avait pas craint non plus d’affirmer sur Europe 1 que Plenel est un récidiviste.

    Récidiviste ? Pour faire court, il impute à Edwy Plenel «l’affaire Baudis»… Dont toute la presse et les chaînes de télévision ont fait ses choux gras à l’époque (mai 2003). Or, c’est Karl Zero dans son émission dominicale sur Canal + - «Le vrai journal» qui en cette occasion ne méritait nullement son nom ! – qui est à l’origine de cette embrouille peu reluisante où deux prostituées (Patricia et Fanny) et un travesti mythomane (Djamel, qui s’est suicidé en septembre 2003) accusaient Dominique Baudis d’avoir participé à des «soirées barbares» - viols et actes de barbarie et même complicité de meurtre - dans des bordels en compagnie du tueur en série Patrice Alègre.

    On se demandera longtemps le pourquoi de ces allégations dont le caractère mensonger a été heureusement démontré. De surcroît, leurs témoignages avaient été recueillis par un gendarme (Michel Roussel). On constatera bien évidemment un emballement médiatique mais avouez qu’il eût été difficile au Monde et à Edwy Plenel – qui s’en est d’ailleurs par la suite excusé auprès de Dominique Baudis – de ne pas traiter ce sujet. Mais, encore une fois, les «chiens de garde» de Sarko ne sont pas à un mensonge près.

    Si je me suis étendue sur le “cas Wauquiez” c’est que précisément j’ai vu un extrait de sa prestation sur BFM-tv et constaté que lui aussi baissait singulièrement les yeux en demandant à Mediapart de livrer les enregistrements. Sachant bien évidemment qu’ils n’existaient pas ! Quand je pense qu’il fut présenté comme «l’intello» de l’UMP, cela me fait doucement rigoler : que doit être le niveau du reste de la classe ?

    :)

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    Cela a réveillé un vieux souvenir (1996) quand Jacques Toubon était garde des Sceaux au moment où le procureur Laurent Davenas étant parti en vacances dans l’Himalaya, son adjoint en avait profité pour lancer une information judiciaire contre Xavière Tibéri et son fameux et très cher rapport sur la francophonie – copié-collé du travail d’un spécialiste mais bourré de fautes sans doute pour faire plus vrai ! Jacques Toubon avait alors affrété un hélicoptère pour essayer de rapatrier Davenas. Voulant ensuite justifier à la télévision cette entreprise abracadabrantesque, Jacques Toubon parla en regardant… ses chaussures !

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    Une dernière photo de Nicolas Sarkozy, toujours sur le perron de l’Elysée, datant sans doute du même jour que la première. Il ne scrute plus le ciel mais regarde en bas… Pointant son index sur le front. Il semble poser la question : «que vais-je pouvoir inventer ?». Mais c’est bien sûr : «je vais parler aux Français !». Hé ! hop… Sitôt dit, sitôt fait (ou presque).

    J’ai sans doute le très grand tort d’avoir la manie d’analyser photos et images. Ainsi, regardant le passage où Nicolas Sarkozy disait qu’Eric Woerth était blanchi – méthode Coué selon Charlie Hebdo : «il n’y a plus d’affaire Woerth» – après «la calomnie et le mensonge», je constatai un très léger sourire si tant est que l’on puisse nommer ainsi le rictus qui en tient le plus souvent lieu. Sans doute fort content de son petit numéro grandiloquent.

    Par l’effet d’un de ces nombreux télescopage des infos, le présentateur de BFM-tv ironisait sur une interview-fleuve donnée en même temps – si ce n’est le décalage horaire – «sur une télévision d’Etat, sans questions qui fâchent»… Il s’agissait bien évidemment du “leader Maximo” mais avouez que la Sarkozie et un journaliste béni-oui-oui associés au régime – fort démocratique – castrique, voilà qui ne manque pas de sel !

    :)
    Le SNJ-CGT de France-télévision n’y va pas par quatre chemins qui estime Pujadas «complaisant et incompétent» (Libération 13 juillet 2010) «une heure de communication sans opposition avec un journaliste KO debout face au Président, un journaliste complaisant, incompétent sur les dossiers traités, notamment sur les retraites, et laissant Nicolas Sarkozy avancer des contre-vérités».

    Nicolas Sarkozy n’a pas changé. Imperturbablement, il continue de croire dans la vertu magique de son Verbe, toujours aussi mensonger. Mais, ça ne le fait plus ! Tant va la cruche à l’eau qu’elle se casse et il aura tellement menti et promis sans tenir que de plus en plus rares sont désormais ceux qui accordent quelque crédit à tout ce qu’il peut dire. Il aura beau penser avoir sifflé la fin de la récré sur “l’affaire” et blanchi Woerth (et lui-même par la même occase). Sur le mode «circulez, ya plus rien à voir» (je le pensais avant d’avoir vu ce titre de Libération du 13 juillet). Peine perdue. Rien ne va plus. Le pompier pyromane ne parvient plus à éteindre le gigantesque feu d’artifices qui embrase la morne plaine. Il croit tirer de grosses salves d’artillerie mais ce ne sont que pétards mouillés.

    D’abord, 57 % des Français ne le croient plus selon un sondage du CSA pour Le Parisien-Aujourd’hui en France Sarkozy jugé peu convaincant par les Français (seuls 32 % des sondés l’auraient trouvé convaincant). C’est grosso modo la même proportion que ceux qui désavouent désormais sa politique depuis déjà pas mal de mois. Comme le souligne même Le Figaro Sarkozy n’a pas convaincu au-delà de son électorat analysant un sondage de l’IFOP. Les résultats différant quelque peu entre les deux.

    Toujours est-il que selon le CSA 62 % des sondés ne l’auraient pas trouvé convaincant sur ses réponses au sujet de l’affaire Woerth et 60 % selon l’IFOP. La proportion n’en reste pas moins écrasante ! Légère différence toutefois sur la question des retraites. Pour le CSA 55 % ne seraient pas d’accord avec les propositions en matière de réduction des déficits publics contre seulement 41 % pour l’IFOP et s’agissant de la réforme des retraites, les chiffres sont exactement inverses : 52 % favorables (IFOP) mais 53 % des sondés (CSA) l’auraient jugé peu convaincant… Ce qui est plus conforme avec les chiffres récents sur cette seule question.

    Ces chiffres recoupent un sondage express du même Figaro avant l’intervention télévisée de Nicolas Sarkzoy : à la question de savoir si l’affaire Bettencourt était terminée par le fait que l’IGF ait blanchi Eric Woerth, seuls 24 % répondaient «oui», 3 % «je ne sais pas» et un écrasant 73 % «non»… Un autre sondage express réalisé après sa prestation télévisée est tout aussi éloquent. A la question «Le chef de l’Etat vous a-t-il convaincu ?» 37 % répondaient «oui», 4 % «je ne sais pas» et 59 % «non»… Faut-il souligner que le lectorat du Figaro est essentiellement à droite ?

    Eric Woerth pouvait bien se dire «énormément soulagé» (20 minutes le 12 juillet 2010) et Nicolas Sarkozy considérer qu’il n’y avait plus d’affaire Woerth, je subodorai à juste titre – de médias ! - que de nouveaux rebondissements ne tarderaient pas à paraître au grand jour. Je ne parlai pas pour rien dans un précédent article de scandale “matriochka” : à peine Nicolas Sarkozy pouvait-il croire pouvoir respirer après la pseudo-rétractation de Claire Thibout – qui a transmis si rapidement à toutes les rédactions le PV de son interro-gatoire ? D’après Karl Lasque (Libération du 12 juillet 2010) Quand l’Elysée fait circuler les PV et ce que m’a narré Clio d’une vidéo «D’arrêt sur images» ce serait Claude Guéant qui aurait géré la divulgation des rétractations de Claire Thibout… – et les conclusions du rapport de l’IGF qui ne portaient au demeurant que sur un seul point, à savoir qu’Eric Woerth n’aurait donné aucune instruction portant sur un contrôle fiscal, que patatras ! Ça se corse…

    Non seulement les déclarations de Claire Thibout concernant le financement politique par les Bettencourt sont corroborées par des témoignages qui enfoncent le clou (Nouvel Observateur du 15 juillet 2010). Il s’agit de ceux d’une ex-secrétaire et de l’ancien majordome qui avait enregistré les conversations qui «appuient le témoignage de Claire Thibout sur les “enveloppes” que recevaient certains politiques chez les Bettencourt». Mais plus grave, Eric Woerth est à nouveau mis en cause par le Canard Enchaïné du 13 juillet 2010 dans une fort vilaine affaire.

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    Eric Woerth aurait “bradé” une parcelle de la forêt de Compiègne selon “Le Canard enchaîné” (Le Monde du 13 juillet 2010). Cette fois, il ne pourra pas prétendre n’être pas intervenu personnellement. Marianne2 Exclusif: quand Woerth bradait le domaine pour faire plaisir aux copains (article de Daniel Bernard du 13 juillet 2010) donnant le fac-similé de sa lettre à Antoine Gilibert – membre influent de l’UMP dans l’Oise – par laquelle il indique au dirigeant de l’hippodrome de Compiègne – qui porte le très odoriférant nom de «Putois»… Ça ne s’invente pas ! – que la cession d’une parcelle de 57 hectares de la forêt domaniale (dont l’hippodrome était jusqu’à présent simple concessionnaire : locataire) pouvait être réalisée «de gré à gré» - c’est à dire sans enchère ni mise en concurrence – «au prix du marché» - lors même que le prix arrêté par les services de Bercy : 2,5 millions d’euros est largement inférieur aux estimations normales qui sont de l’ordre de 20 millions d’euros !

    Ce nouveau rebondissement est à mettre en parallèle avec ce que nous apprenait dernièrement Paul Warquin dans l’Express du 7 juillet au sujet du «Haras qui rit de Florence Woerth»… Une vraie mine d’or qui apporte à nouveau de l’eau au moulin de Ségolène Royal quant à la collusion du pouvoir et des puissances d’argent. La France qui pue… non la sueur mais le fric !

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    J’espère avoir le temps d’y revenir en détail car cet article de l’Express – qui n’est pourtant pas un journal de gauche ! - dévoile tant de collusions entre Eric et Florence Woerth et le monde – huppé – des courses qu’il mérite que l’on s’y attardât.

    L’on ne s’explique pas autrement la défiscalisation des écuries (loi TEPA sur les PME votée en 2007 en même temps que le bouclier fiscal) et dont bénéficie bien évidemment Florence Woerth et ses richissimes associées de l’écurie Dam’s. La confusion évidente des intérêts de la filière hippique – Florence Woerth a siégé à France Galop de 2004 à 2007 – et de la libéralisation des paris en ligne plus que favorable au PMU.

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    Celle-ci fut réparée par un proche d’Eric Woerth, Hubert Monzat : cet ancien sous-préfet de Senlis – également dans l’Oise ! – de 1999 à 2002, «avait mobilisé les financements du prince Karim Aga Khan IV, propriétaire d’une prestigieuse écurie de chevaux, pour la rénovation de l’hippodrome et du château de Chantilly, ville dont Eric Woerth est le maire depuis 1995 (…) Ensuite, en juin 2007, Hubert Monzat a été recruté par Eric Woerth au ministère du Budget, avec le titre de conseiller spécial, et la mission de préparer la loi sur les jeux d’argent et les paris sportifs en ligne»

    Avant d’être nommé en juin 2008 directeur général de France Galop, la place ayant été fort opportunément libérée par Emmanuelle Bour-Poitrinal. Laquelle est ensuite devenue actionnaire de l’écurie Dam’s de Florence Woerth… C’est-y-pas beau tout ça ? Quand je vous dis que dans tous ces micmacs il y a matière à écrire un thriller de politique-fiction, plus vrai que nature !

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    S’il y a bien un “complot” quelque part – thèse de Nicolas Sarkozy et ses cadors de l’UM/Posture - c’est bien dans l’entrelacs de ces diverses magouilles et richissimes personnalités pour faire main-basse sur les biens publics, l’argent public – et l’argent du public : vous serez sans doute intéressés par le fait de savoir s’agissant des paris en ligne, que PokerStar France est dirigé par Alexandre Balkany (sûrement un sérieux gage d’honnêteté

    :)
    si le fils tient du père) et que Betclic a Minc comme actionnaire de référence… J’avais déjà eu l’occasion d’écrire que l’autorisation des paris en ligne ouvrait la voie à toutes les mafias.

    Si les gens sont assez cons pour croire qu’ils feront ainsi fortune, c’est à désespérer de l’entendement humain. Mais est-ce vraiment surprenant dans un monde et à une époque où l’argent devient «mesure de toutes choses» en lieu et place de l’être humain (Protagoras) ?

    Comme un bonheur ne vient jamais seul et que les scandales et polémiques générés par l’affaire Bettencourt-Woerth vont en général par deux comme les hirondelles quand bien même n’annonceraient-elles pas le printemps – il faudrait beaucoup de naïveté pour attendre de Nicolas Sarkozy un salutaire renouveau de la vie politique ! et une transparence financière – nous apprenions le 14 juillet 2010 que Florence Woerth aurait postulé auprès de deux banques suisses : en 2009, Florence Woerth aurait proposé ses services à deux banques suisses, dont le Crédit Suisse… Ce qui permet à Cédric Mathiot et Luc Peillon de titrer : La femme qui ne craignait pas le conflit d’intérêts… C’eût été effectivement un comble pour la femme du ministre du Budget «qui alors était en pleine guerre contre l’évasion fiscale, et les relations de Bercy avec la Suisse des plus crispées». L’avocat de Florence Woerth nierait les faits mais selon les journalistes «ils auraient été confirmés de très bonne source»

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    Apparemment, Florence Woerth – qui aurait des dents à rayer les planchers – ne s’embarrasserait guère de scrupules quant à la carrière de son mari. J’apprends que sortie de la même promotion d’HEC, selon une ancienne relation professionnelle elle serait «moins sympathique que son mari, pas moins ambitieuse, elle aurait même pris ombrage de son ascension»… Charmante femme ! Sa carrière s’étant déroulée entièrement dans la gestion de patrimoine, elle n’envisageait nullement d’en changer, fût-ce pour éviter un méga-conflit d’intérêts et n’a démissionné qu’in extremis de la société Clymène et encore, ce fut paraît-il plutôt rock n’roll : le 21 juin 2010 Eric Woerth annonce la démission de son épouse mais celle-ci réagit le lendemain sur Europe 1 en précisant qu’elle n’a pas démissionné et que son départ «relève de sa seule décision» laquelle interviendra le 23 juin 2010.

    Elle l’annonce dans une interview du Parisien, non sans expliquer qu’elle tire de cet épisode «une question de fond» : «une femme de ministre qui a des responsabilités peut-elle travailler ?»«Sans doute, mais pas n’importe où» concluent à bon droit les journalistes de Libération. Charmante femme, décidément. A la limite, je comprends qu’Eric Woerth ne l’ait pas vue d’un mauvais œil passer plus de temps à Genève qu’à Chantilly : enfin seul !

    :)

    Il faut le culot monstrueux de Nicolas Sarkozy pour oser parler de «mensonges» et «calomnies» distillés par des «officines ! (Libération du 14 juillet 2010). François Sergent peut donc écrire sur «L’involontaire ironie, un aréopage des meilleurs donateurs et dont Eric Woerth est toujours le «délégué» s’appelle le «Premier Cercle». On ne saurait mieux définir la proximité entre le pouvoir et les plus fortunés».

    A cet égard, je ne peux m’empêcher de penser à ce que démontre Hannah Arendt dans «Le système totalitaire» à savoir l’organisation de la société par de tels régimes en cercles concentriques et leurs relations avec l’idéologie mise en acte, en total déni de la réalité, les élites et les membres du parti ne croyant nullement aux foutaises proclamées par le chef – qu’ils protègent – l’important étant seulement qu’elles soient crues par la masse, bien évidemment décervelée. Entre les deux, une autre strate : celle des sympathisants ou autres membres de mouvements satellites – qui croient dur comme fer à ce que dit le chef et pensent qu’il est encore question de croyance et de conviction comme dans un parti politique traditionnel. En prise avec la société réelle et donc incarnant une certaine «normalité» ils font la synthèse entre le chef, le premier cercle et la population.

    J’ai bien peur que le «système Sarkozy» ne fonctionne de la même façon. Je rappellerai le magistral texte de Pierre Bourdieu paru dans le Monde diplomatique en mars 1998 L’essence du néolibéralisme - fort intelligemment sur-titré : «Cette utopie, en voie de réalisation d’une exploitation sans limite». Or, les utopies ne devraient jamais être mises en application car, étant par essence totalitaires (voulant tout expliquer à partir de leurs seuls paradigmes) elles chercheront toujours à faire plier la société de gré ou de force – et le plus souvent de force ! – à leurs présupposés idéologiques. Au détriment de la réalité.

    Nous voyons bien que Nicolas Sarkozy s’arqueboutant sur ses réformes sans vouloir dévier d’un seul pas au mépris des attentes des Français et des réalités : la triple crise financière, économique et sociale peut nous parler de son “pragmatisme” autant que cela lui chante… puisque tout ce qu’il fait porte précisément le sceau de l’idéologie par le déni des réalités auxquelles précisément le pragmatisme commanderait d’adapter sa politique.

    Qu’il y ait manifestement une bonne dose de maladie mentale dans son attitude ne fait aucun doute. Mais cela n’explique pas tout. Il est surtout une marionnette grotesque et à la limite pathétique manipulée à souhait par l’oligarchie – l’hyperbourgeoisie, celle des multimilliardaires du COUAC/40 qui est son modèle. C’est bien pour cela qu’il ferait rigoler un cheval en prétendant n’avoir aucune appétence pour l’argent ! Le fric et l’image sont les deux mamelles du sarkozysme. Du petit parvenu m’as-tu-vu bling-bling.

    On peut toutefois se demander si Nicolas Sarkozy ne risque pas de devenir plus encombrant qu’utile aux intérêts de cette caste maintenant que des pans entiers de ce système quasi mafieux de prise du pouvoir occulte par les grands décideurs économiques se dévoilent au rythme des «affaires» qui éclaboussent chaque jour un peu plus Liliane Bettencourt, Eric et Sophie Woerth, Patrice de Maistre, Nicolas Sarkozy, etc…

    J’ai rarement lu autant de choses sur les gestionnaires de fortune que depuis un mois et dans l’article de L’Express sur l’écurie de Sophie Woerth, c’en est un vrai festival. Sans doute leur nombre croît-il de façon inversement proportionnelle à l’appauvrissement de pans entiers de la population. Illustration supplémentaire de l’aphorisme de Montaigne : «Le profit de l’un est dommage de l’autre».

    S’il existe quelque «officine» c’est sans nul doute dans ce monde feutré et d’une extraordinaire opacité. Et encore ne m’aventuré-je pas dans le monde fort trouble du «Groupe de Bidelberg» non plus que de la «Trilatérale» ce qui m’entraînerait trop loin. Que j’aurais pour ma part tendance à qualifier de «Léviathan mondial occulte» a ceci près qu’aliéner sa liberté à celui de Hobbes avait pour justification de pacifier la vie sociale en évitant que «l’homme ne soit un loup pour l’homme» (homo homini lupus) alors que celui-ci est un loup qui nous déchire à belles dents de même que «le renard libre dans le libre poulailler» ultralibéral dévore les poules.

    J’aimerais bien savoir qui est ainsi dans le sarkollimateur : Mediapart, Edwy Plenel, Marianne, le Canard Enchaîné et l’ensemble des journalistes – y compris la Tribune de Genève qui continue à s’en donner à cœur joie ! – qui reprennent et commentent ces informations… Et sans doute également Le NouvelObs qui vient de débusquer (le 13 juillet 2010) un beau petit lièvre de derrière les fagots avec un document accablant pour Patrice de Maistre-Woerth : le document qui dérange. Il s’agit d’un “mémo strictement personnel et confidentiel” adressé à André Bettencourt par Patrice de Maistre – le gestionnaire de fortune de la milliardaire - le 29 septembre 2006 et dans lequel il expose qu’André et Liliane Bettencourt peuvent chacun faire deux chèques de 7.500 euros : à l’Association Nationale de financement de l’UMP (ANFUMP) et à l’association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy. Indépendamment de la contribution à la campagne présidentielle qui n’était pas à encore à l’ordre du jour…

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    Il apparaît donc que dès 2006, les Bettencourt auraient ainsi versé 30.000 euros de dons à l’UMP. Eric Woerth qui prétendait s’il m’en souvient ne pas connaître (ou à peine) Patrice de Maistre en sera pour ses frais car celui-ci aurait écrit noir sur blanc : «Nous avons convenu, avec Monsieur Woerth que vous pourriez faire déposer ces quatre chèques à son attention, à l’UMP 55 rue de la Boétie Paris 8eme». Un autre chèque de 7.500 euros aurait été «utilisé par Monsieur Renaud Donnedieu de Vabres».

    Cette nouvelle affaire dans l’affaire pose le problème de ce que l’on nomme la “création de partis satellites” qui selon la Commission nationale des comptes de campagne et de financement politique (Cnccfp) «a pour conséquence de faciliter le détournement de la loi». Lire à ce sujet sur Le Monde du 13 juillet 2010 “Dans l’affaire Woerth-Bettencourt, il reste beaucoup de questions”, une interview de Régis Juanico – trésorier du Parti socialiste - par Alexandre Piquard. L’homologue d’Eric Woerth pour le PS, tout en indiquant que ce genre de pratiques est interdite par les statuts et le fonctionnement du parti, signale qu’à l’UMP plusieurs personnalités auraient multiplié les partis satellites : Eric Besson, Jean-Marie Bockel, Jean-François Copé, François Fillon, Eric Woerth et Nicolas Sarkozy…

    Pas de chance pour le sieur Wauquiez ! En fin de matinée, je tombe sur un article de Sarkofrance sur Marianne2 qui fait parle des Frais de l’Elysée et financement de l’UMP : la vengeance de Chirac ? et qui entre choses fait le point sur les partis satellites de l’UMP. Et qu’y vois-je ? que Laurent Wauquiez a lui aussi créé son micro-parti maxi-fric (article de Thierry Dupont, L’Express du 1 juillet 2010)… et méga-scandale ? Reprenant mon travail en fin d’après-midi et cherchant sur Google actualités l’article de Sarkofrance que je n’avais pas enregistré, je tombe sur un tombereau ! Parce que non seulement Laurent Wauquiez est allé quémander à la City de Londres, mais plus encore il a commencé par nier – le mensonge est consubstantiel au sarkozysme – avant d’être obligé d’avouer Financement politique : Wauquiez dit non, puis oui (L’Express du 16 juillet 2010).

    Ça commence à faire un sacré barouf dans le Landerneau politique. «Nouvel Oxygène» qu’il appelle cette pompe à phynances… Pour moi, ce serait plutôt “de l’air ! du balai” ! Je rappellerais que le secrétaire d’Etat à l’Emploi, qui théoriquement devrait s’occuper des chômeurs ! a sans doute mieux à faire que d’aller chez les spéculateurs article de Mélanie Delattre (Le Point du 8 juillet 2010).

    Comment ne pas y voir le reflet de la palinodie permanente du discours sarkozyste : d’un côté Nicolas Sarkozy n’a pas assez de mots assez durs contre les spéculateurs (version pour la France qui se lève tôt) mais de l’autre, il caresse les marchés financiers – pour éviter une dégradation de la note ; cf le mot «rigueur» prononcé par Fillon au Japon et le ridicule «ri-lance» de l’Hagarde… rigueur refusée par Sarko le 12 juillet 2010 ! – et Wauquiez va faire le beau devant les spéculateurs de la City pour ratisser des fonds électoraux…

  • Nicolas Sarkozy et Eric Woerth ne sont pas au bout de leurs peines.
  • D’abord, première victoire, judiciaire celle-là : la Cour d’appel de Versailles vient d’infliger un camouflet au procureur Courroye – de transmission ? – qui souhaitait empêcher la juge de la 15° chambre correctionnelle de Nanterre Isabelle Prévost-Desprez de diligenter un supplément d’information dans l’affaire Banier pour enquêter sur les enregistrements pirates réalisés au domicile de Liliane Bettencourt par son ex-maître d’hôtel entre mai 2009 et mai 2010. Décision prise lors du renvoi sine die du procès de François-Marie Banier, soupçonné d’abus de faiblesse sur la milliardaire. Le parquet – le procureur Courroye avait fait appel de ce supplément d’information au motif notamment qu’une enquête préliminaire est «déjà en cours» sur l’origine des enregistrements. Or donc, Affaire Bettencourt : la juge Prévost-Desprez va pouvoir enquêter immédiatement (Libération du 13 juillet 2010).

    Elle pourra sans doute obtenir des éclaircissements sur les malversations imputables à Banier et Maistre, dans le cadre de la plainte de Françoise Bettencourt-Meyers mais ne pourra pas s’auto-saisir des dossiers portant sur le blanchiment d’évasion fiscale non plus que le financement illégal de partis politiques. N’en déplaise à Arnaud Montebourg qui estime “inévitable que le PS saisisse lui-même la justice” (dépêche AFP du 14 juillet 2010) j’ai lu que la prescription en matière de contentieux électoral sur le financement – en l’occurrence la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy – était de 3 ans. Et de toute façon, le Président est intouchable pénalement !

    A défaut que le Conseil constitutionnel puisse prononcer un «empeachement», une commission d’enquête parlementaire s’imposerait pour faire toute la lumière… mais du Diable ! la «transparence» revendiquée par Nicolas Sarkozy restera de l’ordre des effets d’annonce. Les parlementaires de l’UMP freineront des quatre fers. Bis repetitas de l’enquête sur les sondages de l’Elysée (feuilleton de l’été 2009).

    Il restera à savoir si les enquêtes préliminaires diligentées par le parquet de Nanterre vont déboucher sur la saisine d’un juge d’instruction. Ce qui semblerait hautement souhaitable. Les juges d’instruction étant indépendants du pouvoir, contrairement aux procureurs qui dépendent hiérarchiquement du garde des Sceaux. Et donc, bien entendu de l’Elysée, sachant combien les ministres de François Fillon sont de simples potiches. Fort chères ! L’indépendance de Courroye est d’autant plus mise en cause qu’il est cité dans les fameux enregistrements comme un «ami».

    J’ai entendu hier soir sur i-télé une longue entrevue d’Eva Joly – ancienne juge d’instruction et aujourd’hui député européenne d’Europe-Ecologie – qui a repris les critiques développées dans une interview parue dans Le Monde du 15 juillet 2010 “Philippe Courroye souffre comme Nicolas Sarkozy du syndrome de la toute puissance”, à savoir d’une part sa proximité avec le pouvoir et le fait qu’il soit au centre même du conflit d’intérêt et d’autre part que les procureurs ne disposent pas de tous les moyens d’investigation que peut utiliser en toute liberté un juge d’instruction, y compris pour lancer des commissions rogatoires internationales. Significatif : pour opérer une perquisition dans le cadre d’une enquête préliminaire les policiers doivent obtenir l’autorisation des personnes mises en cause… Le temps de faire disparaître des preuves ?

    Nous saurons très rapidement car, nouveau coup de théâtre nous apprenions hier que quatre des protagonistes importants de l’affaire Bettencourt dont Banier et Maistre ont été placés en garde à vue au siège de la police financière. Outre ces deux personnes, sont également entendues Me Fabrice Goguel, ancien avocat fiscaliste de Liliane Bettencourt ainsi que Carlos Vejarano, gérant de l’île d’Arros (Seychelles) qui aurait demandé 2 millions d’euros pour ne pas révéler à qui appartiendrait réellement cette «île fantôme»… Banier pourrait en être le véritable propriétaire, l’ayant reçue de Liliane Bettencourt par l’intermédiaire de sa fondation.

    Le 13 juillet, le NouvelObs révélait par ailleurs que Liliane Bettencourt a donné cinq millions à Patrice de Maistre. Don manuel effectué devant notaire. Elle aurait par ailleurs réglé les quelques 3 millions d’impôts relatifs à cette donation. Maistre lui aurait demandé cette somme pour acquérir un nouveau voilier de 21 mètres : «un très joli bateau à voile dans lequel je pourrai partir en croisière»

  • Ben voyons ! L’impudence de ces gens-là est (mal) proprement monstrueuse.
  • N’oubliez jamais que c’est nous, les sans-grade, les besogneux, les petites gens «les mange pas cher» selon Thomas Bernhard, qu’ils osent qualifier d’assistés ! Si jamais vous avez bénéficié d’une telle largesse, merci de le signaler, des fois que vous auriez la recette.

    :)

    Je crois n’être ni populiste ni démagogue – ni encore moins facho ! - à condition toutefois qu’il ne soit pas illégitime – pourquoi pas illégal ? - de s’insurger contre de telles pratiques des possédants au regard de ce que subit la majeure partie de la population – pauvres et classes moyennes de plus en plus fragilisées – et qui vont morfler encore plus grave avec la rigueur qui va s’abattre sur nous avec les sérieux «coups de rabot» annoncés.

    Je n’envie nullement les personnes fortunées ni surtout ce qui semble faire le sel de leur vie. Je souhaite seulement plus de justice sociale – les écarts de revenus sont aujourd’hui aberrants – et me situerai toujours du côté des plus faibles.

    Voilà à peu près tout ce que l’on peut dire aujourd’hui de l’affaire «l’affaire Bettencourt-Woerth» et de ses derniers rebondissements. L’avenir proche nous dira elle sera le feuilleton de l’été 2010 ou si le pouvoir parviendra à ses fins : un enterrement judiciaire de première classe. Mais comptez sur moi – et beaucoup d’autres : nous ne lâcherons rien !

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