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Jeunes filles qui courent avec les lézards… Je comprends,...

Publié le 19 juillet 2010 par Mmepastel

Jeunes filles qui courent avec les lézards…

Je comprends, maintenant que je l’ai vu, pourquoi Picnic At Hanging Rock est un film culte. C’est un film d’horreur inhabituel car comme l’explique Vincent Canby à propos de ce film, “l’horreur n’a pas toujours besoin d’un homme dardé en habits du soir ou d’un cadavre démembré ou d’un docteur qui conserve un cerveau dans un bocal à poisson. Ça peut avoir lieu un jour chaud et ensoleillé, l’innocence de jeune fille et des allusions à leur sexualité inexplorée qui se combinent pour produire une euphorie si intense qu’elle devient transport, à un niveau au dessus de la vie ou de la mort. Une telle horreur est indicible non parce qu’elle est horrifique mais parce qu’elle reste en-dehors de des choses qui peuvent être facilement définies ou expliquées de manière traditionnelle.”

Jeunes filles qui courent avec les lézards…
Je comprends,...

En fait, l’histoire tient en quelques mots : en 1900, dans l’Australie victorienne, un pensionnat de jeunes filles corsetées et très bien éduquées organise pour la Saint Valentin un pique-nique en plein coeur du bush, au fameux site de Hanging Rock, rocher vieux d’un million d’années, forgé par de la lave en fusion, réputé pour ses serpents et ses fourmis rouges. Une fois sur place, une atmosphère étrange s’installe : les montres s’arrêtent, à midi pile ; alors que la plupart des jeunes filles alanguies s’ébattent sagement en lisant de la poésie, en ramassant des fleurs pour leurs herbiers, quatre d’entre elles partent explorer plus avant le fameux roc. Plus elles progressent dans leur ascension, plus leurs propos deviennent mystérieux et rares ; elles semblent comme envoûtées, philosophes et résignées à la fois, comme aspirées par la roche, telles de futures sacrifiées se rendant mécaniquement au lieu de leur exécution.

Seule une d’entre elles rentrera en catastrophe, la plus immature, la moins aventureuse et la plus apeurée, deux disparaîtront à jamais, et la quatrième sera découverte une semaine plus tard, intacte (mais sans corset ni souvenirs).

Je parie que Laura Kasischke a vu ce film tant il est proche des problématiques que l’on retrouve dans ses livres (notamment dans son dernier, La Couronne Verte). Des jeunes filles en fleurs sacrifiées à cause de leur curiosité, au seuil de la découverte de la liberté/émancipation qui se confond avec danger, mais ça on le sait depuis le Petit Chaperon Rouge, n’est-ce pas ?

Difficile de ne pas deviner le sous-texte sexuel : les jeunes vierges, toutes de blanc vêtues, montent vers la roche noire, dure qui darde, à midi, heure solaire s’il en est, quasi phallique même avec ses aiguilles dressées. Elles quittent la civilisation (elles ont commencé par enlever leurs gants, première libération, puis leurs bas, leurs chaussures) pour entrer dans un monde terrestre et ancien, le monde à la fois réel et mythologique des fantasmes et des désirs. Le voyage ne sera pas anodin. La seule rescapée, celle qui a réussi son initiation en quelque sorte, apparaîtra habillée en rouge à la fin de l’histoire auprès de ses camarades toujours en blanc, elles, toujours sous le joug d’une société qui leur impose le maintient avec une rigueur qui s’apparente à du sadisme (voir le personnage de Sarah) ; la confrontation sera brutale : les pensionnaires se jeteront sur elles, pleines de fureur, de haine, de jalousie, et sans doute aussi de frustration.

Miranda, la plus belle, la plus blonde (donc la plus pure, selon les critères séculaires) n’aura pas cette chance et sera la sacrifiée (en toute connaissance de cause, semble-t-il même), avec sa camarade, sorte de doublon-miroir, sur l’autel de la nature (agressée par les colons, soumise par les anglais ?) et deviendra un mythe. En partie inexplicable, comme les mortes de Virgin Suicides, pour lequel Sofia Coppola s’est inspirée du film de Peter Weir pour recréer l’atmosphère hamiltonienne (blondeur des cheveux, couleurs passées, soleil doré) mais tragique.

Pique-Nique à Hanging Rock est un conte d’été gothique et métaphorique, riche en images hantées, sous le soleil exactement.


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