La chorégraphe Trisha Brown et le chef d’orchestre William Christie s’aventurent dans une nouvelle lecture de deux oeuvres de Jean-Philippe Rameau (1683-1764): l’opéra-ballet Pygmalion (1748), en tête d’affiche au Festival d’Aix, mais également la tragédie lyrique “Hippolyte et Aricie” (1733) présentée sous forme de fragments choisis. Et le résultat est inégal.
En pr
emière partie les beaux extraits d’Hippolyte et Aricie illustrent l’incroyable variété de tons et de styles que maniait Remeau, entre la légèreté d’un intermède marin et les abîmes tragiques de la mort d’Hippolyte qui consument Phèdre . Dans la lecture de Trisha Brown, Phèdre et Aricie sont les seules parmi les personnages principaux de Rameau qui soient représentées. Je reste marquée par l’étonnante mezzo suédoise Karolina Blixt qui déploie dans le rôle d’une Phèdre amère et tourmentée, une voix puissante et dramatique.La chorégraphie fluide reflète un esprit joueur (les deux photos s’y rapportent). Le mariage entre la musique ornementale baroque et la danse contemporaine épurée fonctionne.
Les mouvements captent la résonance émotionnelle de la musique. J’en viens même à penser que les œuvres anciennes déploient une nouvelle vie lorsque leur complexité musicale est portée par la légèreté des mouvements simples.Trisha Brown applique la même recette à “Pygmalion” en deuxième partie, mais la formule ne prend pas aussi bien. Malgré sa bonne presse historique, l’opéra parait musicalement plus terne après “Hippolyte et Aricie”.
L’oeuvre dessine une trajectoire simple et courte, de l’amour désespère du sculpteur pour son oeuvre on arrive rapidement au miracle de Venus qui donne vie à sa sculpture. Le reste n’est qu’une longue incantation à l’Amour, portée pur l’essentiel par l’admirable ténor Ed Lyon.Cette célébration est le moment critique de la représentation: sans le support de la narration, la mise en scène est confrontée à la limite de l’épure. Quelques voltigeurs planent, les danseurs esquissent des jeux de groupe, même la chanteuse - sculpture est mise à contribution avec quelque difficulté, mais l’ensemble, éclairage et décors compris, semble soudainement manquer de relief. Et malgré l’entremêlée abondante de corps gris, je ressens une vague nostalgie des fastes d‘antan.
Je repars du Festival d’Aix avec la drôle d’impression que la nouvelle direction privilégie actuellement l’idée d’un grand spectacle par édition ( Don Giovanni cette année, la Traviata l’année prochaine) entouré de quelques spectacles originaux mais d’attrait confidentiel ou discutable et ceci au détriment du foisonnement joyeux et des projets d’envergure.
Les extraits de la première partie seront présentés dès septembre 2010 sous le nom de «L’amour au théâtre» dans le programme qui tournera à Lyon, Biarritz et Arcachon.
Vu le 19 Juillet 2010 au Grand Théâtre de ProvenceDirection musicale William Christie
Mise en scène, chorégraphie et scénographie Trisha Brown Costumes Elizabeth CannonLumières Jennifer Tipton HIPPOLYTE ET ARICIE (fragments)
Aricie Sophie Karthäuser
Phèdre Karolina Blixt
L’Amour, Une matelote, Une chasseresse, Une Prêtresse Emmanuelle de Negri Un suivant de l’Amour Ed Lyon PYGMALION Pygmalion Ed Lyon L’Amour Sophie Karthäuser La Statue Emmanuelle de Negri Céphise Karolina Blixt Nouvelle production du Festival d’Aix-en-Provence, en co-production avec le Holland Festival, Amsterdam et Athens Festival En collaboration avec les Arts Florissants et Trisha Brown Dance Company
- Le site de la Trisha Brown Dance Company
- Le site des Arts Florissants