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Partie à trois bandes, piercing à deux boules et révélation (Casanova 4)

Publié le 30 juillet 2010 par Marc Lenot

mag-robe-cache-sein.1280169458.jpgDans le cadre de Casanova Forever, le musée Pierre-André Benoît à Alès accueille (seulement jusqu’au 12 septembre) un trio qui s’est coopté, deux hommes et une femme, un triangle entre les pointes duquel circulent et se répondent messages de séduction et de connivence. Dans cette partie à trois bandes, c’est la femme qui introduit une rigueur lisse, dépouillée, propre, sa touche de folie ne se révèlant qu’au prix d’une grande attention. Ses robes transformables, monacales, au plus près du corps offrent parfois des surprises comme cette robe cache-sein au couvercle amovible à volonté, mag-robes.1280169489.jpgallaitement ou impulsion soudaine. Marie-Ange Guilleminot conçoit depuis des années des robes grain de beauté (homothétie parfaite, autant que je puisse en juger, de sa peau), des robes nombril (percées à l’endroit adéquat), des robes transpiration (élégamment tachées sous les bras), des chapeaux-robes et des collants-sacs à dos. En plus de ces transformations bien connues, et, mag-emotion-contenue-1.1280169438.jpgpour tout dire, qui ne surprennent plus guère et tournent un peu au gadget, son Émotion Contenue demande au spectateur (elle-même sur la photo), assis sur un tabouret instable, d’enfiler un bas noir sur son visage, d’accommoder de son mieux et odile-segui-chagrin.1280169524.jpgde tenter de discerner un visage incertain au bout du tunnel de vision.

Elle présente aussi ici un projet architectural de maison de poupées destinée à accueillir une collection de vilaines petites filles, exposées dans la salle voisine (Odile Ségui, Chagrin). Ce contrepied à ses robes, si froid, si moderniste, si oriental, est peut-être son rempart inconscient face aux deux hommes du trio qui, eux, ne parlent que de séduction et pour qui les robes semblent plutôt faites pour être ôtées prestement.

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Didier Trenet est l’initiateur de ce ménage à trois, ses dessins élégants, fins, délicats et déroutants foisonnent. Ainsi ce petit carnet, Collection des-astres, commande d’un amateur d’art répertoriant ainsi tous les artistes de sa collection (mais, dans cette version, seulement leurs prénoms; devinez), brûlé et découpé en forme de voûte céleste médiévale. Une grande salle blanche, tout en longueur fait se confronter deux dessins muraux sous le qualificatif de “l’apologie de la distance” : d’un côté, la Feinte, de Trenet, arbre à couilles et prépuce finement dessiné, rêve de botaniste ou fantaisie de
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greffeur, comme un symbole de fertilité universelle, d’union avec la nature. En face, à sept mètres, aussi rose que la Feinte est grise, l’ébauche stylisée d’une vulve, d’une fente, esquissée au mur en quelques traits à peine par Paul-Armand Gette. Là où Trenet parle de puissance, Gette parle de séduction, laquelle n’est jamais univoque. Impossible de voir les deux dessins ensemble, il faut tourner le dos à l’un pour profiter de l’autre, se mettre entre-deux, en terrain neutre (neutre, mais bombardé d’ondes de désir de chaque côté). Se dépatouillant tant bien que mal de l’historique Casanova, le dialogue des deux compères introduit le désordre, l’incorrect, l’impertinent là où leur sage commère se tient plutôt sur ses gardes, derrière ses robes immaculées et ses maquettes dépouillées.

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Outre les délicates petites compositions photographiques de Paul-Armand Gette (Faïza, avec mon reflet sur son corps) et les sculptures évocatrices de Didier Trenet, il faut aller dans le bâtiment voisin,
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Rochebelle, traverser la collection de robes de Marie-Ange Guilleminot ordonnées autour d’un portique de Didier Trenet (photo en haut), monter quelques marches et, dans une grande salle lumineuse, se confronter à deux immenses photographies de Paul-Armand Gette suspendues au plafond. L’aube du désir est une fente dans une masse qui n’est sans doute pas chair, mais plutôt rocher moussu ou écorce, et le
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regard s’y perd. De l’autre côté, de Marie R., on ne voit que la bouche, les lèvres humides entrouvertes et bien rouges, quatre dents luisantes, quelques poils follets et ce piercing à deux boules dans la lèvre inférieure. Ces deux sphères là sont un mystère, il faut les scruter comme le miroir des Arnolfini: ces miroirs convexes sont-ils une insertion auctoriale, une représentation de l’artiste en train de
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photographier, témoignant de sa présence alors qu’il n’est plus là ? Peut-on voir dans ce trouble reflet spéculaire Paul-Armand Gette ainsi immortalisé ?  Est-ce là le dévoilement de l’artifice, la révélation du scénario du tableau-photo en train de se faire, comme le fut (en premier) ce reflet dans la cuirasse d’une Madone de van Eyck, où on
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peut deviner non sans peine le peintre au travail ?

S’est-on éloigné de Casanova ? Je ne crois pas, si l’on songe au reclus de Dux écrivant ses Mémoires, en forme d’autoportrait menteur et camouflé. En tout cas, il est fascinant, au bout de toutes les séductions jalonnant ce périple, d’entrevoir, au détour d’un piercing, une réflexion sur l’instauration du tableau remontant aux Flamands du XVème siècle.

Photos Guilleminot 3 et Trenet 2 courtoisie du Frac Languedoc Roussillon; autres photos de l’auteur, excepté van Eyck. Marie-Ange Guilleminot, Didier Trenet et Paul-Armand Gette étant tous trois représentés par l’ADAGP, les photos de leurs oeuvres seront retirées du blog à la fin de l’exposition, et il ne vous restera plus que la poupée d’Odile Ségui et le bout de cuirasse de van Eyck…

Voyage à l’invitation du FRAC Languedoc Roussillon.


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