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Je ne veux pas perdre mon boulot

Publié le 03 août 2010 par Menear
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Au bout de la nuit lorsque le matin fut sur le point de commencer, les chiens chantèrent
C'est toi, monde pourri. C'est vous tous mes souvenirs, le monde : qui s'achève à présent.
« C'est vous mère et père qui n'aviez pas envie d'enfant. Père, tu as abandonné ma mère quand elle était enceinte de moi de trois mois. Mère, comme tu avais trop la trouille pour te faire avorter tu t'es contentée de me haïr toute ma vie parce que j'étais la raison pour laquelle ton amant t'avait abandonnée. C'est toi qui n'aurais jamais dû procréer.
« C'est toi, vie broyeuse de gratte-papier. C'est vous, patron, Bonjour, patron, je veux dire Monsieur, je vous en prie pardonnez-moi, Monsieur, je vous en prie je vous en prie pardonnez-moi, Monsieur. Je ne veux pas perdre mon boulot, car je n'ai trouvé d'autre sens à ma vie. Par conséquent je serai ce que vous voulez que je sois : je n'existerai pas. Je je, je ne n'existerai pas. Tout ce que vous voudwez, Patwon, mais je sais, Monsieur Patwon, que je fais jamais 'ien cowectement je suis juste bonne-à-'ien, une vieille pute imbécile, qui labou'ben son champ. Vous savez, je suis follement amouweuse de vous. Je ferais nimpo't quoi pour vous bécoter la bite, Patwon. Je ne devrais pas pa'ler comme ça. Je suis vilaine. Je suis twès twès vilaine. Ah pour suce vous êtes un bon patwon, Monsieur, passque vous savez comment me maltwaiter cowectement, et c'est tout ce que je méwite cowectement ; certains patwons dont je ne mentionnewai pas le nom – en fait ils se compo'tent comme si j'étais une waie personne. À vous on ne vous la fait pas, Monsieur.
« C'est toi, ville. Marché du monde, à savoir, de toutes les représentations. Puisque tu es la seule demeure que j'aie jamais connue, sans ta représentation ou déformation de moi je n'existe pas. À cause de toi, puisque chaque enfant a besoin d'un foyer, chaque enfant est dorénavant un esclave blanc.
« Ville, ma propriétaire. Quand tu attends de moi de la douleur, tu me jettes, parmi tes clodos et les proxo-crapauds qui brandissent des shooteuses pareilles aux chevaleresques épées des temps antiques ou romantiques. Quand tu attends de moi de la joie, tu me rends célèbre, car je suis le bébé, tu es mon seul parent, et la gloire et ton sein.
« Ville ma parente, car je n'ai d'autres parents.
« Laisse-nous tes enfants meutes de chiens sauvages vagabonder dans tes rues à la recherche du premier venu qui aura l'air mangeable.
« Pour nous, qu'est-ce que la pureté ? Qu'est-ce que l'idéalisme, monde ? Les entailles et les taillades de notre sang elles fendent les cieux de l'amour. Par conséquent ceci est notre histoire. Ce que vous appelez histoire et culture est la négation de notre sang qui gicle.
« Au revoir, Don Quichoote.
Les chiens hurlèrent.
Ce sont tes mots, ville. Pureté. Idéalisme. Ta vision est la vision de la fin du monde. Ton monde de propriétaires est le monde de la mort, hurlèrent les chiens.
Kathy Acker, Don Quichotte, Editions Laurence Viallet, trad : Laurence Viallet, P. 209-210.

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