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Deux textes poético-loufoques de Patricia Laranco.

Par Ananda

 

-Qu’est-ce que tu fais ici ?

-J’attends.

-Tu attends…mais tu attends quoi ?

-Eh bien…j’attends que le temps passe !...Ou, plutôt, je le regarde passer – comme les vaches regardent passer les trains…C’est une occupation comme une autre. Et puis, elle ne fait de mal à personne.

Comme ça, il ne passe pas trop vite. Tu sais, le temps, il est comme ça : dès que tu ne le surveilles plus, il s'affole, il s’accélère ! Un petit peu comme les enfants : turbulent, si pas surveillé. Il faut donc que je reste là, à le surveiller, à le regarder. Il faut l’avoir toujours à l’œil ! On ne peut pas lui faire confiance.

-Ah bon ? Mais enfin…en restant là, planté, tu ne crois pas que tu perds plutôt ton temps ?

-Non,  c’est tout le contraire : j’en gagne. Regardes-moi un peu ce temps : il passe sous mes yeux, magnifique. Avec la majesté, la lenteur lourde, épaisse, huileuse d’un grand fleuve aux dimensions de bras de mer !

Je le sens : à certains moments, il a presque la consistance d’une pâte, d’une coulée de lave.

J’aime le sentir s’égrener…le regarder prendre son temps.

Je me concentre sur lui, je fais attention à lui…et ça le flatte !

-Alors, tu restes comme ça  à le guetter, sans rien faire d’autre ?

-Oui, mais c’est une façon d’allonger ma vie…car ça le ralentit !

-Mais, bon dieu, pendant ce temps-là, ta vie, elle passe, et tu n’en fais rien !

(sourire malicieux)-Certes …mais rien, c’est déjà quelque chose ! Surtout quand c’est un rien de cette sorte !

L’essentiel est d’être.

Et encore…Je me demande.

L’essentiel est d’être et d’avoir conscience qu’on est.

Et encore…Je me demande.

Oups ! Je me demande si l’essentiel n’est pas de se demander si l’essentiel est oui ou non d’être  et d’en avoir conscience

si l’essentiel n’est pas plutôt d’être étonné d’être, sachant qu’être est avoir manqué (de peu) n’être pas

si l’essentiel n’est pas plutôt de faire le constat de l’étrangeté d’être.

Pourquoi être et être ce qu’on est sont-ils à ce point indissociables ?

Quel est le rapport entre être et la sensation, la conscience que l’on a d’être ?

Pourrait-il exister une sensation, une conscience de n’être pas ?

Et puis…où réside le plus grand mystère…dans l’être ou le non-être ?

Et puis…le non-être…serait-ce une résistance à la tentation d’être ?

Et puis…si l’être était seulement une sorte de refus de n’être pas ?

Il y a toujours un préalable à n’être pas…c’est ne pas naître.

Alors, pourquoi  ne nait-on pas, pourquoi nait-on ? Ce n’est pas net.

Pour être honnête, n’est pas né encore celui qui connaîtra, qui vous dira ce qu’il en est, n’est-on pas là dans le brouillard ?

L’essentiel ? Être.

Aussi est-on. Même à tâtons.

Il faut qu’on soit.

Que la soif soit. L’assoiffement d’être.

Alors, je souhaites que je soies. Que les vers à soie soient aussi. De même que les vers de terre. Les vers luisants. Les vers à pied.

Les vers solides et solitaires.

Les vers à six pieds (de nez) sous terre. Les versets et les verres à taire.

Les verres et la verroterie

Le verre blanc et de couleur.

Soyons, en ce monde !

Soyons, dans ce putain de monde…soyons, dans ce grand con de monde !

Soyons. De plein fouet. De plain-pied. Les pieds bien plantés dans la terre (ou – variante – dans le plat).

Soyons…et, surtout, fossoyons !

L’essentiel n’est-il pas…

Mais encore ? Je me demande…

Je me demande si ce n’est pas « n’est-il pas » qui serait l’essentiel.

P.Laranco.


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