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Anatomie du chaos (6): le règne sans partage de la vulgarité à roulettes

Publié le 06 août 2010 par Hoplite

Visconti, dans son adaptation du Guépard, montre admirablement comment à une aristocratie finissante dans l’Italie révolutionnaire Garibaldienne –et consciente de l’être, succède une bourgeoisie d’affaire arrogante et ambitieuse. Le prince don Fabrizio Salina mariant son neveu, le beau et cyniqueTancrède, à la très belle mais vulgaire Angelica, fille d’un bourgeois sicilien ambitieux et riche en est l’illustration magnifique : aux lions et aux guépards succèdent les chacals, les hyènes, dit le prince Salina: « Nous fûmes les guépards, les lions ; ceux qui nous remplaceront seront les chacals et les hyènes... et tous , guépards, chacals et moutons, nous continuerons à nous considérer comme le sel de la terre. »

Une des phrases clef du film est prononcée par l’opportuniste neveu du Prince Salina, Tancrède : « Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change », reflétant, dans sa pensée, l'aboutissement de toute révolution. La révolution correspond à une rotation, comme lors de la révolution de la Terre autour du Soleil, qui revient toujours à son point de départ. Tancrède dit encore : « Crois-moi mon petit oncle, si nous ne nous en mêlons pas, ils vont nous fabriquer une république ». ie, si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change se comprend donc en fait comme entrons dans le mouvement de peur que celui-ci ne nous dépasse et ainsi nous pourrons le diriger à notre guise.

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J’ai déjà parlé ici de ce chapitre lumineux de Nous autres, modernes, où Finkielkraut, relatant la réflexion utopiste de Kolakowski (« Comment être socialiste-conservateur-libéral ? »), montre que la seule figure aujourd’hui bannie par nos modernes est celle du conservateur.

« Partout la transformation est à l’ordre du jour, notamment chez ceux qu’on on appelle aux Etats-Unis, les néo-conservateurs. Le besoin de stabilité n’a plus droit de cité. Cette disposition d’âme se terre dans l’inavouable et la doctrine particulière qui s’en inspire est devenue un repoussoir universel. Si le conservatisme subsiste en effet, c’est à titre non de credo mais de péché. Péché qui consiste, pour la gauche, dans la défense des privilèges ; pour la droite, dans la défense des avantages acquis et pour l’individu hypermoderne, de droite comme de gauche, dans le goût des convenances, des formes ou pire encore, des uniformes.

(…) On aurait tort cependant de déduire de cette disparition que le conformisme est mort et que les défenseurs du statu-quo ont quitté la scène. Ils se bousculent au contraire, et ils triomphent. Qu’est-ce, en effet, que le statu-quo, de nos jours, sinon la mobilité perpétuelle ? Le progrès n’est plus un arrachement à la tradition, il est notre tradition même. Il ne résulte plus d’une décision, il vit sa vie, automatique et autonome. Il n’est plus maitrisé, il est compulsif. Il n’est plus prométhéen, il est irrépressible. Nous sommes soumis à la loi du changement comme nos ancêtres pouvaient l’être à la loi immuable. En tous domaines ou presque, l’obsolescence a eu raison de la permanence. »

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Je pensais à tout ça ces jours-ci en lisant la presse dite de gauche, c’est-à-dire en fait la presse consensuelle libérale-libertaire ou simplement progressiste…L’ardeur à présenter les faits d’armes du pitre Sarkozy en combat de la réaction ou du retour de je ne sais quel ordre conservateur et moral est tout simplement risible. Il faut être Besancenot ou je ne sais quel janissaire du Spectacle politicien pour voir dans cet homme autre chose qu’un Tancrède à talonnettes…


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