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Economie : les cocoricos mal placés de Sarkozy

Publié le 11 août 2010 par Letombe
Economie : les cocoricos mal placés de Sarkozy

La reconquête nationale n'est pas pour tout de suite. Quelques informations récentes illustrent les écarts entre discours et réalité. A l'étranger, un gros client tant attendu pour nos Rafales nationaux, le Brésil, se fâche contre les manoeuvres protectionnistes de la France en matière agricole. Et semble enterrer les espoirs de Dassault. En France, un fond américain rachète les vestiges de Péchiney avec l'aide du Fond Stratégique d'Investissement cher à Nicolas Sarkozy. Maigre consolation, les investisseurs étrangers retrouvent le chemin de la Bourse de Paris... Et quand l'URSSAF décroche 781 millions d'euros de redressements de cotisations sociales impayées, pas sûr que cela soit une bonne nouvelle pour l'argumentaire sarkozyen habituel...
Grand cocorico pour l'URSSAF
L'an dernier, l'URSSAF a récupéré 781 millions d'euros de cotisations impayées. L'organisme a surtout ciblé les grandes et moyennes entreprises. Le gouvernement se félicite et il a raison. On oublierait presque le discours officiel d'il y a deux ans et demi: la chasse à la fraude sociale visait les chômeurs et les assurés sociaux, pas les entreprises. En octobre 2007, Eric Woerth, alors ministre du budget, dévoilait un vaste plan contre la fraude sociale. Ses cibles étaient désignées sans équivoque: «à partir de fin 2007, des rapprochements de données entre services fiscaux et sociaux vont permettre de vérifier que les conditions de ressources sont bien respectées dans le cadre du versement de certaines allocations, comme les prestations familiales, le RMI ou encore la CMU-C (Couverture maladie universelle complémentaire).»  Ou encore, «le contrôle de la résidence fiscale des bénéficiaires de l'assurance-maladie pourrait être généralisé courant 2008.»  Woerth parlait même de créer un «répertoire national des allocataires de la branche famille». En novembre 2008, le gouvernement célébrait un premier bilan de cette chasse aux fraudeurs, six mois après avoir installé la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF). On nous parlait de 30 à 50 milliards d'euros à récupérer. De quoi résorber le déficit budgétaire de l'Etat... à l'époque ! De cette chasse-là, point de nouvelles. le gouvernement reste discret. Il n'a pas trouvé les milliards qu'il espérait. En revanche, les services de l'URSSAF ont bien travaillé : d'erreurs en fraudes manifestes, ils ont récupéré 70% de plus qu'en 2008 : 781 millions d'euros, moins 213 millions d'euros de trop perçus à restituer, soit un gain net de près de 570 millions d'euros. Les deux tiers des entreprises contrôlées ont été redressées. Les trois premiers motifs de redressement sont les rémunérations sans cotisations (primes, avantages en nature, etc), le non-respect des seuils d'exonération, et les déclarations de frais professionnels.
Cette bonne nouvelle est d'abord inquiétante pour l'argumentaire officiel de Sarkofrance : les fraudeurs ne sont pas là où l'on croit. Les plus gros fraudeurs sont ... les entreprises. Damned ! Il nous manque plus qu'à obtenir la liste des entreprises en infraction pour que le tableau soit complet...
Petit cocorico pour la Bourse
Depuis 2007, les actionnaires étrangers avaient relativement désinvesti la place parisienne. C'est une note de la Banque de France qui nous l'apprend : fin décembre 2002, quelques 42,5% du capital des sociétés françaises du CAC40 étaient détenus par des non-résidents. Ce taux n'avait cessé de progresser jusqu'en 2006, pour atteindre 45,7%. Puis il a baissé en 2007, et à nouveau en 2008. Les investisseurs étrangers boudaient la Bourse de Paris. Christine Lagarde pouvait s'inquiéter, avant de pousser un ouf de soulagement au printemps de cette année : l'an dernier, neuf grosses augmentations de capital ont permis de ramener le taux d'actionnariat étranger au sein du CAC40 .... à son niveau de 2002.
La France, terre chérie des boursicoteurs du monde entier ? On comprend mieux l'obstination, réelle, de Christine Lagarde, à refuser toute idée de taxation bancaire ou d'interventionnisme mal placé. A chaque coup de semonce, venant tantôt du Royaume Uni (cf. la taxe sur les bonus de traders, il y a tout juste un an), tantôt de l'Allemagne (sur l'interdiction des ventes à découvert, en avril dernier), Christine Lagarde a systématiquement botté en touche, avant de céder. Son argument ? Il faut attendre que ces mesures de régulation boursière soient adoptées au niveau mondial, ou à défaut au sein du G8, car sinon, on risquerait de pénaliser la place de Paris.
Pas de cocorico au Brésil
En octobre 2009, Nicolas Sarkozy en visite au Brésil chez son ami Lula nous annonçait la vente de 36 Rafales ! Miracle sarkozyen ! Jamais Dassault n'avait réussi jusqu'à lors à vendre l'un de ses avions chasse... à l'exception de l'armée française. Rapidement, on compris que Sarkozy s'était avancé trop vite. Depuis, le Brésil a sans cesse retardé sa décision : décembre, puis février, puis mai. Il y a un mois, Hervé Morin, le ministre de la Défense, attendait la bonne nouvelle d'ici la fin du mois de juillet. Nous sommes en août. Pour convaincre, la France a tout lâché : le prix, et même le transfert de technologie. malgré tout, ça coince toujours...
Or voici que Lula est mécontent de son ami Sarkozy. Le président brésilien l'a fait savoir lors d'une réunion du groupe Mercosur, début août. Mercosur, l'association latine-américaine qui regroupe Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay, critique l'attitude protectionniste de l'Union européenne en matière agricole. Et Lula soupçonne la France d'agiter ses partenaires européens. En mai 2010, la Commission européenne a décidé de relancer les négociations avec le Mercosur en vue d'un accord de libre-échange. Mais rapidement, une quinzaine d'Etats membres de l'UE, emmenés par la France, ont exprimé leur vive inquiétude pour leurs agricultures nationales. Et le 16 juillet dernier, le ministre français de l'agriculture répétait une variante de fameuse déclaration sarkozyenne du Salon de l'Agriculture de janvier dernier «l'environnement, ça commence à bien faire» pour expliquer la résistance gauloise: «On ne peut pas demander à nos agriculteurs de respecter des règles sanitaires et environnementales si les produits importés ne respectent pas rigoureusement les mêmes règles.» Bruno Le Maire faisait notamment référence au boeuf brésilien, quasiment bloqué à l'importation depuis deux ans et demi pour des raisons sanitaires.
Alors, Rafales français contre boeuf brésilien ?
Faux cocorico du FSI
Autre exemple, l'industrie. Depuis sa campagne de 2007, Sarkozy loue l'industrie, et entend lutter contre la désindustrialisation du pays. Il aimait Péchiney. Il l'a cité comme l'exemple d'un échec récent des politiques industrielles passées : rachetée dans le cadre d'une OPA hostile en 2003, Péchiney est devenu propriété d'Alcan (à son tour racheté trois ans plus tard) et renommé en Alcan EP.  Cinq mille salariés en France (sur 10 000 au total), 13 sites de production en France, l'entreprise est spécialisée dans les produits semi-finis en aluminium. Elle fournit des entreprises comme Alsthom (TGV), Airbus ou Peugeot. Son actionnaire est une multinationale australo-britannique, Rio Tinto. Depuis des mois, le Fonds Stratégique d'Investissement (FSI), le fond co-détenu par la Caisse des Dépôts et Consignations (51%) et l'Etat début 2009 pour incarner la relance industrielle du pays, travaille au rachat de l'entreprise. L'affaire est enfin conclue. Et certains n'hésitent pas à crier, à tort, cocorico.
Alcan EP restera sous contrôle anglo-saxon. Rio Tinto a cédé la majorité du capital à un fonds américain au doux nom de Apollo. Le FSI aura 10% de la filiale. Le FSI se félicite: pour Bertrand Finet, membre du comité exécutif du FSI, ce rachat marque la «renaissance d'un grand champion français». « Cet investissement permet de créer un groupe industriel autonome spécialisé dans le développement et la fabrication de produits d’aluminium intermédiaires à fort contenu technologique et doté de moyens nécessaires pour son développement ». On découvre aussi le rôle du FSI dans cette négociation. Dans le Monde, Finet précise: «Nous n'avons pas été associés à l'opération parce que nous apportons de l'argent, mais parce que nous garantissons l'acceptabilité sociale et politique de l'opération.»  Elsa Bembaron, sur son blog du Figaro, complète: «Péchiney redevient (presque) français.» Presque français ? Un concept à la mode. Quelles sont donc les garanties décrochées par le FSI ?  Le siège social de la nouvelle entité sera basé à Paris, trois sites français (sur 13) sont pérennisés (usines d’Issoire dans lePuy de Dôme, de Neuf-Brisac dans le Haut Rhin, et le centre de recherches de Voreppe en Isère) ; un investissement de 32 millions d'euros est prévu dans l'usine d'Issoire; et, si un jour l’entreprise devait être introduite en Bourse, la Bourse de Paris devra faire partie des places retenues. Rien sur l'emploi.

Sarkofrance

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