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Lecture (sciences) : Dr Louann BRIZENDINE : LES SECRETS DU CERVEAU FEMININ, Le Livre de Poche, 2006.

Par Ananda

 

Dans ce livre, Louann Brizendine, une neuropsychiatre américaine très au fait des découvertes scientifiques les plus récentes, nous apporte bel et bien la preuve que « le cerveau a un sexe ».

C’est la science qui, par le biais de l’étude des comportements (animaux et humains) et grâce au progrès de l’imagerie cérébrale (IRM), parle.

Ici, point de théories fumeuses, imprécises, indémontrables et cependant trop sûres d’elles-mêmes : des expériences, biologiques, génétiques ou éthologiques. Leur rigueur. Leur part de doute. Les éléments nouveaux qu’elles apportent. Les pistes qu’elles ouvrent.

Conclusion : le cerveau « unisexe » est une vue de l’esprit. Si les fonctionnements masculin et féminin sont tous les deux les résultantes de complexes jeux d’interaction entre les structures du cerveau et les hormones sexuelles, ils ne le sont sûrement pas de la même manière. Ainsi, « Du fait des fluctuations qui débutent dès l’âge de trois mois et durent jusqu’à la ménopause, la réalité neurologique d’une femme est moins constante que celle d’un homme », « Dans le centre du langage et celui de l’audition [à l’intérieur du cerveau] les femmes ont 11% de neurones en plus. L’hippocampe, principale plate-forme des émotions et de la formation de la mémoire, est […] plus volumineux dans le cerveau féminin, tout comme les réseaux de circuits du langage et de l’observation des émotions chez autrui ». Par contre, « Chez les hommes, […] l’espace cérébral consacré aux pulsions sexuelles est deux fois et demie plus important, et le centre de l’action et celui de l’agressivité sont de plus grande taille ».

La testostérone (hormone mâle) induit, très nettement, une moindre capacité à la communication, alors même que les œstrogènes (hormones féminines), en « imprégnant le cerveau féminin » massivement à la puberté, poussent filles et femmes vers l’obsession des liens sociaux et des « échanges avec les autres ». Les hommes, plus actifs, moins communicatifs, plus « sexuels » que les femmes ? C’est donc vrai ?

Le cerveau féminin semble « programmé » pour la relation proche, l’attachement stable. C’est, d’ailleurs, ce « formatage » repérable au plan neurobiologique qui explique, d’après les savants, le remarquable don que possèdent les femmes pour « désamorcer les conflits » et leur difficulté à supporter qu’une relation se brise.

L’ « agilité verbale » des femmes dépasse aussi sensiblement celle des hommes.

Voilà qui tendrait à apporter de l’eau au moulin d’une théorie dont j’avais entendu parler, et selon laquelle, chez les humains dépouillés de leurs poils, la conversation aurait pour principale fonction de renforcer le lien social (à l’instar de l‘épouillage chez les singes sociaux).

De plus, les femmes possèdent davantage de neurones-miroir que les hommes.

L’attention à l’autre est donc vraiment chevillée au corps de la femme (ou plus exactement, à sa tête). On comprend donc un peu mieux pourquoi les femmes parlent si fréquemment d’ « amour ». Leur exigence de lien et leur faculté de neutraliser les conflits font d’elles le ciment basique de tout groupe humain, le garant de son équilibre, et, sans doute, de tels facteurs jouèrent- ils un rôle de premier plan dans la survie des groupes originels d’hominidés, puis d’Homo Sapiens.

Ce captivant livre offre un voyage dans « les phases de la vie d’une femme ».

Ce qu’il faut, avant toute autre chose, garder fermement à l’esprit, c’est que, comme Louann Brizendine le souligne si bien, « les hormones sont capables de déterminer quelles activités intéressent le cerveau. Elles aident à orienter certains comportements – maternels, social, sexuel et agressif ».

C’est, bien entendu, à la naissance de nos bébés que cela nous apparaît le mieux : « On pensait tous les bébés programmés pour regarder les visages ». Mais non ! « Les filles naissent programmées pour la contemplation mutuelle, pas les garçons ». La raison ? « Dans l’utérus, elles ne reçoivent pas [à la huitième semaine de grossesse] le flux de testostérone qui va réduire les centres de la communication, de l’observation et du traitement des émotions ».

« Au cours des trois premiers mois de la vie, un bébé fille va voir ses capacités de contact visuel et d’observation mutuelle des visages s’accroître de plus de 400% tandis que celles du garçon n’augmentent pas ». La faute à la testostérone qui, d’ailleurs, pour certains savants, serait aussi responsable des formes d’autisme et du refus de communiquer qui les accompagnent, syndromes qui atteignent essentiellement les individus de sexe masculin.

Contrairement aux affirmations péremptoires de la psychanalyse, cette avidité de contact visuel chez le bébé fille ne traduit nullement « un besoin de symbiose avec la mère », mais, beaucoup plus « bêtement », « un don inné pour l’observation […] capacité propre à un cerveau qui est plus mûr à la naissance et se développe avec un ou deux ans d’avance sur le cerveau masculin ».

Et il est bien vrai que les femmes sont observatrices et attentives.

Ne leur attribue-t-on pas, depuis des millénaires, le don de l’ « intuition féminine » ?

On a souvent dit les petites filles plus dociles et obéissantes que leurs frères. Encore une fois, cela est dû à leur bien moindre degré d’imprégnation par la testostérone. Elles comprennent plus vite les consignes éducatives des adultes parce que leur plus grand sens de l’observation des visages de ces derniers les y portent bien plus que dans le cas des petits garçons, plus portés, en ce qui les concerne, à « explorer leur environnement ».

Pour ce qui est de l’empathie, les gamines sont de véritables championnes ! A un an, elles sont déjà très « réceptives à la détresse » d’autrui. L’auteur en vient à s’interroger sur le pourquoi de cet état de fait. La réponse est simple, et elle nous l’assène : notre cerveau, que nous le voulions ou non, que ça nous plaise ou non, est toujours un « cerveau de l’âge de pierre », qui n’a pas évolué depuis « un million d’années », et, « si vous pouvez saisir les expressions et les nuances dans la voix, vous êtes capable de pourvoir aux besoins d’un tout petit. Vous pouvez prévoir ce qu’un mâle plus costaud et plus agressif s’apprête à faire ». Il est fort probable que, depuis les premiers temps de l’humanité, les femelles, poussées par la conscience de leur moindre force physique, étaient, à l’intérieur des groupes humains, amenées à se « regrouper » entre elles pour se protéger des éventuels coups de colère des mâles et, par conséquent, se trouvaient dans l’obligation de renforcer leurs liens. De toute façon, c’est clair, Louann Brizendine insiste encore là-dessus : dès son plus jeune âge, le sexe féminin démontre aux savants sa fonction pacificatrice ; toutes les observations convergent pour pointer le fait que « Les filles […] préfèrent éviter les conflits, car la discorde fait obstacle à leur besoin d’être connectées, de susciter l’approbation… ». Esclave du regard des autres…on reconnait bien là la femme. Là est certainement un des plus grands obstacles à sa « libération » telle qu’elle est voulue par le féminisme et la modernité. Ce besoin semble si fort, si ancré, si primordial qu’il peut lui faire accepter tous les sacrifices. A la lumière de ce qu’on sait, bien des choses laissent à penser que les premiers groupes d’hominidés puis d’Hommes devaient plus que tout redouter le déchaînement destructeur potentiel de l’agressivité masculine. On se prend à imaginer la vie de ces lointains ancêtres : rude, exposée, dangereusement démunie, l’Homme ne pouvant guère compter que sur son intelligence et sur une cohésion sociale qui ne souffrait aucune faille… En ces temps, on ne pouvait se permettre le « luxe » de la bêtise destructrice entre membres d’un même petit groupe. Un peu comme chez nos plus proches parents actuels, les chimpanzés bonobos, on devait absolument contrer sa dangerosité potentielle par le moyen d’une force de régulation, en l’occurrence féminine. Il fallait surtout protéger les petits d’Homme, tellement dépendants, sans défense, et à la croissance si longue, si précaire. L’Homme est un être, au fond, terriblement fragile, son méga-cerveau extraordinairement complexe, unique en son genre, le condamne à une vulnérabilité extrême, à une maturation beaucoup plus lente que celle des autres mammifères et il ne peut, de toute évidence, constituer son humanité que par le langage et le jeu social. Voilà qui, on le sait, prend du temps et mobilise l’attention, la vigilance maternante de sa mère, et de l’ensemble du groupe. Si la mère veut qu’on s’occupe bien de son enfants et qu’on la soutienne au maximum dans sa tâche de l’élever, elle a tout intérêt à se concilier les bonnes grâces des autres membres du groupe et à nouer, avec eux, de forts liens de proximité. Le mâle, par contre (tout au contraire), sera porté infiniment plus vers la compétition (et cela se retrouve dans les comportements « archaïques » que conservent les tout petits garçons), sans doute afin d’avoir, par le biais de la domination, accès au plus grand nombre de femelles fécondables.

Maturations sociale, verbale et relationnelle plus accentuées que celles des garçons vont constituer, toujours selon les diverses recherches relayées par Louann Brizendine, en quelque sorte, le leitmotiv de l’enfance de la femme qui, fillette, s’intéressera, lors de ses jeux, toujours essentiellement à leur aspect et à leur fonction socialisateurs, cependant qu’à l’opposé et de façon on ne peut plus révélatrice, « quand les garçon s’amusent, ce ne sont pas les relations […] qui les intéressent, mais le jeu […] lui-même ». Dit autrement, pour les filles, la priorité, c’est « avec qui je joue », alors que pour les garçons, c’est « à quoi je joue ». Serait-ce à dire que, pour le sexe féminin, les activités seraient soit nécessité, soit prétexte à relations, à établissement et maintien de lien ? Et ce phénomène pourrait-il expliquer, entre autre, la rareté des génies de la science, de l’art et de la pensée dans les rangs féminins ? Un génie, ce n’est pas seulement quelqu’un de doué, c’est aussi, et peut-être avant toute chose, un passionné, un « obsessionnel », une sorte de « possédé » monopolisé par ce pourquoi il est doué, ce qui le préoccupe. Einstein ne pensait qu’à la physique, Gödel qu’aux mathématiques, Michel-Ange qu’à sa peinture (il en oubliait de dormir). Les féministes ont longtemps martelé que c’était la société, dans sa profonde misogynie, qui était la seule et unique responsable du fait que les femmes aient donné à l’humanité un nombre si limité de génies. Evidemment, on ne peut pas nier le manque d’encouragements et le poids des préjugés qu’elles subissent, dès lors qu’elles veulent « sortir de leur rôle ». Pourtant les choses sont peut-être, tous comptes faits, bien plus complexes qu’il n’y paraît. Les autistes Asperger, par exemple, manifestent souvent de singuliers dons, accompagnés de tendances obsessionnelles marquées. Se pourrait-il que le génie ait un lien avec un plus fort taux de testostérone ? Ce qui apparait en tout cas clairement à la lumière de ce dont nous entretient le Dr Louann Brizendine, c’est que les garçons sont plus aptes à se concentrer sur des activités non liées au relationnel, à se passionner pour ces dernières. En ce qui concerne les filles (puis les femmes), tout se passe comme si elles se laissaient « piéger » par leur cerveau et par leurs hormones qui les « enferment » dans des préoccupations d’ordre relationnel et des demandes affectives. Et c’est un fait, bien souvent, la demande affective des femmes, c’est de la glu ! Le sexe (chez l’homme) et l’affectivité, le besoin de lien (chez la femme) seraient-ils, en quelque sorte, des freins à l’intelligence ?

Louann Brizendine est formelle : « Des études réalisées sur des primates non humains fournissent d’autres preuves du caractère inné de ces différences entre les sexes » : le blocage expérimental des œstrogènes chez les guenons durant leur puberté infantile désamorce chez elles l’ « intérêt habituel envers les petits », et l’injection de testostérone à des fœtus primates de sexe féminin aura quant à lui toutes les chances de faire de ces malheureuses des « guenons manquées » avides de jeux brutaux malséants.

Pour autant, la neuropsychiatre ne nie en rien, chez l’Homme, la part de l’acquis, compte tenu des cultures qu’il a développées. Voici, à ce sujet, son point de vue : « A l’évidence, la nature a la plus grande part dans l’établissement des comportements propres à chaque sexe, mais l’expérience, l’exercice et les interactions avec autrui peuvent modifier les neurones et le câblage des circuits cérébraux ».

N’oublions pas non plus, surtout, l’extraordinaire plasticité cérébrale (ou encore neuroplasticité), qui permet à la Bête, mais surtout à l’Homme, une gamme infinie d’adaptations, de récupérations !

Ainsi, voyons-nous que « Les attentes des adultes vis-à-vis des comportements des filles et des garçons jouent un rôle important dans la constitution des circuits cérébraux des enfants ». Constatation non négligeable (où, là, les féministes trouveront leur compte) !

A l ’adolescence, « Le cerveau de la jeune fille est le site d’un bourgeonnement, d’un élagage et d’une réorganisation des circuits neuronaux » (qui a d’ailleurs son équivalent dans le cerveau masculin au même âge). Un nouvel afflux d’œstrogènes a lieu, et les hormones « parcourent ses voies ». L’action des œstrogènes et de la progestérone sur des centres cérébraux de premier plan, l’hippocampe, l’hypothalamus et l’amygdale, excite la « réactivité émotionnelle » ; une ère de « tensions » s’installe. « L’hippocampe connait des variations hebdomadaires de sensibilité au stress qui vont se poursuivre jusqu’à la ménopause ». Ayant « horreur des conflits relationnels », l’adolescente réagit à tout cela en se créant des « réseaux sociaux protecteurs », encore et toujours ! Sa sociabilité varie selon les étapes de son cycle menstruel. Humeurs en dents de scie, bonjour (« souvent, femme varie » ?). Un impératif vital pour elles : « s’apaiser ». Par bonheur, « le flux d’œstrogènes dans le cerveau va activer l’ocytocine », qui est l’hormone (non sexuelle) de l’attachement et du bien-être « qui déclenche l’intimité et est déclenchée par elle ». C’est là qu’apparait en pleine lumière le rapport de la femme au langage. Par rapport aux garçons/hommes, les filles/femmes parlent plus tôt et plus vite, cependant que leur vocabulaire est plus varié et que certaines aires verbales de leur cerveau sont plus développées. Déjà, « Même chez nos cousins primates, il existe de grandes différences dans la communication vocale entre mâles et femelles ».

C’est ainsi que, pour l’adolescente, puis pour la femme, le bavardage « entre filles » est essentiel. La relation, souvent étroite, réconfortante entre les femmes se « scelle » par le langage. Plus étonnant encore, « la conversation active [dans ce cas] les centres [cérébraux] du plaisir », surtout « lorsqu’elles partagent des secrets de nature sentimentale ou sexuelle ». Le Dr Brizendine va jusqu’à dire, même, que « du fait d’un afflux considérable de dopamine et d’ocytocine […] A part l’orgasme, aucune gratification neurologique n’est aussi grande ». Echanges de petits secrets…et même « potins » : c’est le bonheur. En face, la tendance de la prime enfance se confirme aussi : « La plupart des garçons n’éprouvent pas le même désir de communication verbale ». A tel point d’ailleurs que « Cette différence peut aussi être à l’origine de la déception que les femmes éprouvent vis-à-vis d’un mari ou d’un compagnon qui ne recherche pas le contact avec les autres et n’a pas envie de grandes conversations ».

On l’a vu, le rapport de la fille au langage est particulier. Mais un autre rapport lui est également particulier, celui au conflit. Là, Louann Brizendine se montre claire, nette et précise, autant que catégorique : « Les études montrent que, sur le plan moléculaire et neurologique, les filles sont motivées pour résoudre et même pour prévenir les conflits avec les autres . Le cerveau féminin a pour but de maintenir la relation à tout prix. […] Quand la relation est menacée ou détruite », le niveau de sérotonine, de dopamine, d’ocytocine « baisse considérablement et le cortisol (l’hormone du stress) prend le relais  ».

« chaque mois le cycle menstruel rafraîchit et recharge certaines parties du cerveau féminin », c’est maintenant avéré. La phase ostrogénique (première partie du cycle) augmente de 25% « les connections dans l’hippocampe », de sorte que « Les idées sont plus claires, la mémorisation […] meilleure, la pensée plus rapide… ». Et pour cause… »L’une des parties du cerveau les plus sensibles aux œstrogènes, l’hippocampe, est un relais important du traitement de la mémoire verbale ».

Mais la puberté, nous le savions déjà, réveille bien des démons, parmi lesquels il faut compter

les « comportements irréfléchis » (dont nous possédons maintenant l’explication dans le non achèvement du processus de myélinisation des connexions reliant l’amygdale en surchauffe au cortex préfrontal, siège du contrôle des émotions) la dépression, l’agressivité (causée par l’augmentation des hormones androgènes). A cette faveur, il y a lieu de signaler un phénomène très troublant : agressivité et pulsion sexuelle semblent en effet étroitement liées. Pour preuves : « Quand les niveaux d’androgènes sont faibles, non seulement l’agressivité diminue, mais il en va de même pour les pulsions sexuelles . C’est le cas chez les adolescentes qui prennent la pilule, car sous l’effet de ce contraceptif, les ovaires sécrètent moins d’androgènes. Hommes et femmes produisent de la testostérone, mais chez l’homme la production est dix fois plus importante et les pulsions sexuelles sont donc plus fortes ». Et s’il fallait voir là l’une des raisons pour lesquelles la sexualité a toujours été une source de méfiance pour les sociétés humaines , qui, dans toutes les cultures, s’efforcent de la contrôler, quand, dans certains cas, elles ne la déclarent pas « maudite » ?

Mais venons-en maintenant à un sujet d’importance, celui de l’amour.

Premier constat de la neuropsychiatre : « En matière de rapports amoureux, les premiers calculs sont inconscients et ils diffèrent considérablement » selon le sexe. « Chez toutes les espèces, comme Darwin l’a noté, les mâles sont faits pour courtiser les femelles, et les femelles choisissent parmi leurs prétendants ». Avec cela, « Au cours de l’évolution […] notre cerveau a appris à repérer les partenaires les plus sains, les plus capables d’engendrer notre progéniture et ceux qui, par leur implication et leurs ressources, seront le mieux à même de la protéger ». Tout cela s’est établi au cours de (et par) la sélection naturelle et, selon des « scientifiques qui étudient les mécanismes de l’attirance envers un partenaire chez les humains, nous avons là affaire à un véritable « câblage cérébral ». En conséquence, rien d’étonnant à ce que le psychologue Buss ait découvert qu’au sein de chacune des 37 sociétés humaines qui ont été ses objets d’étude durant plus de cinq ans (« des Allemands de l’ouest aux Taïwanais en passant par les pygmées et les Eskimos ») « les femmes sont moins intéressées par le physique séduisant d’un mari potentiel que par ses ressources matérielles et son statut social ». De plus, il semblerait qu’elles auraient intérêt « à choisir pour partenaire à long terme un homme qui va vraisemblablement rester avec elles, les protéger ainsi que leurs enfants, et améliorer leur accès » aux  diverses ressources. Toujours d’après Buss, « Dans le monde entier, les hommes préfèrent prendre pour épouses des femmes séduisantes, entre vingt et quarante ans, d’un ou deux ans en moyenne leur cadette [contre, pour les femmes, un choix d’homme de trois ans et demie en moyenne leur aîné]. Elles doivent de préférence avoir la peau claire, le regard vif, des lèvres pleines, des cheveux brillants et de jolies courbes », ces critères étant « tous de puissants marqueurs visuels de la fertilité ». Nous y voilà, pas de mystère : les hommes, au sens propre, désirent et cherchent de la « chair fraîche ». Tant pis pour les récriminations des féministes et pour l’idéalisme des romantiques de tout poils : la jeunesse, la bonne santé signent la « disponibilité reproductive » et, à eux seuls, constituent des « appels » ! Il en va de même pour la « taille fine » (qui plaide en faveur d’une absence de grossesse) et de la « bonne réputation » (une partenaire fidèle garantit au mâle qu’il est bien le père de sa progéniture ; en outre des « compétences maternelles » l’assurent que cette dernière sera correctement élevée). Mais, chez l’un comme chez l’autre sexe, l’approche amoureuse passe par la confiance. Les femmes étant beaucoup plus impliquées que les hommes dans le processus reproductif, on comprendra, chez elles, à cette occasion, l’emballement des « circuits cérébraux » de la « méfiance naturelle ». Dans quelle mesure le partenaire potentiel s’impliquera-t-il ? « Conséquence de cette méfiance accrue : le cerveau féminin typique admet moins facilement que le cerveau masculin être emporté par l’amour ou par la simple excitation d’une relation sexuelle ». Le jeu du chat et de la souris. Que comprennent si mal les hommes. Il s’agit de tester, de se protéger.

Qu’est-ce qu’un cerveau amoureux ?

Là-dessus, le résultat des recherches est éloquent, voire édifiant. Depuis toujours, la sagesse populaire met dans le même sac amour et folie. On est tenté de croire qu’elle a mis dans le mille étant donné que « les circuits de l’état amoureux » forment un « système de motivation , qui diffère de l’aire cérébrale de la pulsion sexuelle ». Formulé d’une autre façon, « les circuits cérébraux qui sont activés […] équivalent à ceux d’un drogué en manque », ce sont « les mêmes que pour les états de faim, de soif, de délire et d’obsession » !! Il s’agit donc de « dépendance » en bonne et due forme, d’une addiction qui se prolonge, en début de relation, « de six à huit mois ». Le sentiment est fusionnel, extatique, du fait de la sollicitation du « circuit cérébral de la récompense ». Toute séparation se solde par un état de manque physique et cérébral, alors que les contacts entre les corps « libèrent de l’ocytocine dans le cerveau », cette même ocytocine qui est reconnue pour activer « les circuits cérébraux de la confiance ». Le syndrome « je l’ai dans la peau », en somme !

Il est également reconnu par les spécialistes que « Les liens émotionnels et les attachements à l’égard de nos premières figures nourricières durent toute la vie. Elles deviennent partie intégrante de nos circuits cérébraux par le biais du renforcement produit par la répétition des expériences émotionnelles ou physiques des soins prodigués, ou par leur absence ».

Après les émois de la vie amoureuse, dans le meilleur des cas, la vie de couple, qui voit (c’est l’IRM qui le montre) s’éteindre les circuits de la récompense/ faim au profit de ceux du lien/attachement. Ce « réseau de l’attachement » serait, aux dires des savants et de leurs expériences, « un système cérébral à part ». «Après tout, il serait difficile, voire impossible, de s’occuper des enfants si chacun continuait à ne penser qu’à l’autre ». La Nature fait bien les choses. Autre illustration de ce que je viens à peine d’écrire : les expériences des chercheurs ont mis en relief que « les femmes […] vont repousser les avances et les manifestations d’affection et de désir lorsqu’elles sont stressées ». Explication : le cortisol bloque dans le cerveau l’action de l’ocytocine. Sans doute, « la perspective de neuf mois de grossesse, puis des soins à donner à un enfant dans des conditions stressantes » joue-t-elle un rôle dans de tels mécanismes.

Qu’en est-il du fonctionnement cérébral féminin dans son aspect sexuel ? Le livre nous éclaire ici aussi : au contraire des hommes, les femmes ont un besoin aigu de mise en condition, à savoir de désactivation complète de l’amygdale si elles veulent parvenir à l’excitation sexuelle, celle-ci ne montant  qu’ « au moment où son cerveau [celui de la femme], à l’inverse, se met en veille ». C’est ce « délicat rapport entre le psychologique et le physiologique » qui a si longtemps « rendu [Pour leurs amants – et pour les chercheurs-] l’orgasme féminin insaisissable ». Mais, à l’heure actuelle, non seulement « Nous savons que le clitoris n’est pas un pénis miniature » (et pan, dans les gencives de Freud !) mais de plus, les scientifiques ont dûment et solennellement établi que tout orgasme féminin était clitoridien, le vagin se trouvant relié au clitoris et celui-ci, pour sa part, se trouvant relié directement « aux centres cérébraux du plaisir ».

Reste un problème : la fonction de l’orgasme féminin est peu claire. La seule chose sûre, c’est qu’il « n’est pas nécessaire pour que la femme tombe enceinte ». Néanmoins, on peut penser qu’ « il pousse la femme à rester allongée après l’amour et donc à recevoir le sperme en elle, ce qui accroit ses chances de concevoir » et l’« On sait depuis longtemps que les contractions musculaires et la succion utérine associées à l’orgasme féminin font franchir au sperme la barrière du mucus utérin ».

Assez étrangement, une expérience a démontré qu’il existait une « relation entre l’orgasme féminin et la symétrie corporelle chez l’homme ». De source certaine, on sait, plus généralement, que chez l’humain, « les individus symétriques sont en meilleure santé physique et mentale que les autres » et que, si l’on veut aller encore plus loin, dans la nature, la « symétrie corporelle » signale la « qualité génétique ». La beauté physique d’un homme attire les femmes et leur attire aussi des orgasmes, que même la contraception ne suffit pas à déclencher. Encore un indice que notre cerveau est resté bloqué à l’âge de pierre !

J’ai souvent constaté que, tandis que les hommes, en dehors de leurs recherches de sexe ou de maternage, avaient une nette tendance à fuir la compagnie des femmes, ces dernières appréciaient la présence masculine … tout en me demandant si une telle attitude avait des fondements purement sexuels, ou si elle résultait d’un dressage social (ainsi que l’affirment les féministes). Eh bien, en fait, la science nous donne une réponse sans équivoque, quoique, tout de même, subtile, qui ne tient qu’en un seul mot : phéromone.. « Chez la femme, juste avant l’ovulation, le nez et les circuits cérébraux sont particulièrement sensibles aux odeurs, y compris aux effets imperceptibles des phéromones mâles. Les phéromones sont des substances chimiques sociales émises par la peau et les glandes sudoripares des humains et des animaux […] présentes dans la sueur des hommes. Elles […] influencent les désirs, entre autre le désir de sexe […] Il suffit d’une phéromone en petite quantité : un centième de goutte de sueur a un effet puissant ». « en période pré ovulatoire », une phéromone « en suspension dans l’air », l’androstadiénone, a le don de mettre les femmes de bonne humeur, et ceci pour plusieurs jours d’affilée ! Par ailleurs il est avéré qu’ « A partir de la puberté », seuls les cerveaux de femmes (« et non les cerveaux masculins ») se montrent « capables de détecter » cette phéromone.

Certaines études génétiques portant sur les êtres humains ont montré que « près de 10% des pères supposés ayant participé à ces études ne sont pas les pères biologiques des enfants qu’ils pensent avoir engendré ». Autre fait plutôt étonnant : « Les femmes qui ont des aventures à l’extérieur retiennent moins de sperme avec leur partenaire habituel – leur mari, la plupart du temps. En revanche, elles éprouvent plus d’orgasmes et retiennent plus de sperme pendant les rapports aves leurs amants ». Moralité (si j’ose employer ce terme) : « les femmes ne sont pas plus construites que les hommes pour la monogamie ». Simplement, elles sont soumises à infiniment plus de contraintes, liées à la nécessité vitale de mettre leur famille à l’abri, sous la protection d’un partenaire stable et le plus engagé possible (lequel n’est pas forcément séduisant et plus avantageux au plan génétique).

Chez les deux sexes, « c’est la testostérone » et elle seule qui déclenche l’appétit sexuel, par excitation de l’hypothalamus, ce qui n’empêche que la différence des taux de testostérone chez l’homme et chez la femme est un gouffre, qui « durera toute la vie » et qui explique l’agressivité bien supérieure de l’homme. Il existe toutefois une hormone qui inverse « en partie » l’action de la testostérone : la progestérone, que l’on injecte même, dans certains cas, aux délinquants sexuels « pour faire diminuer leurs pulsions ». Quant aux œstrogènes, s’ils « n’accroissent pas les pulsions sexuelles », ils « culminent «  de concert avec la testostérone au milieu du cycle menstruel.

« D’un point de vue biologique, les femmes consacrent moins d’espace mental [que les hommes] à la question du sexe », ce qui s’explique par la moindre dimension de leurs centres cérébraux affectés à cette fonction. La biologie le confirme avec force : aux hommes, l’obsession du sexe, aux femmes, celle des émotions. La différence est vraiment criante, trop criante pour qu’on puisse la nier.

De la maternité, l’auteur nous révèle qu’ « elle modifie littéralement le cerveau, de manière structurelle, fonctionnelle, et, sur de nombreux plans, de manière irréversible ». D’abord, surprise : « Tout au long de la grossesse, [le cerveau des femmes] est imprégné par les neurohormones que produisent le fœtus et le placenta ». Corps et cerveau maternels sont « baignés » par la progestérone calmante et l’ocytocine, déclencheuse de bien-être, à des « niveaux élevés », ce qui contrebalance les abondantes hormones de stress que fœtus et placenta sécrètent, dans le but de rendre la mère « vigilante » . Au moment de l’accouchement, l’ocytocine, très active et très présente, active « de nouveaux récepteurs «  et «  des millions de nouvelles connexions entre les neurones ». Elle est là pour agir sur l’état d’esprit de la mère, pour l’attacher à son bébé. Une fois celui-ci né, l’attachement se renforce par le contact physique continu  entre enfant et mère, lequel entretient la sécrétion d’ocytocine ; se met alors en place un « cerveau maternel » dont les principales caractéristiques sont une « vigilance aiguisée », ainsi qu’une pulsion de protection et une concentration extrême sur la progéniture. L’auteur nous livre une constatation troublante : « sur une image IRM, l’amour maternel ressemble beaucoup à l’amour tout court ». Les deux formes d’amour sollicitent « les mêmes aires du cerveau activées par l’ocytocine ».

Elisabeth Badinter avait nié, dans l’un de ses livres, l’existence de l’instinct maternel. Il semble que les recherches menées par les éthologues tendent à lui donner raison, puisque « les chercheurs sont en train de découvrir chez l’être humain des correspondances entre l’importance du lien mère-fille et la qualité des soins et la force de l’attachement maternel dans la génération suivante ». A ceci, L.Brizendine ajoute : « Chez les humains, le maternage n’est pas nécessairement une activité destinée à être solitaire, ni restreinte à la mère biologique ». Témoins, les primates non humains proches de l’Homme chez lesquels « les femelles sont rarement des mères à temps plein » mais bien plutôt « alternent les soins à la progéniture avec leur « travail » […] de recherche de nourriture, les repas et les repos » et les « cultures où les femmes pratiques la chasse » et peuvent le faire tout simplement parce que des femmes de la génération précédente sont « disponibles pour s’occuper des enfants ». Ce qui importe pour ces derniers, c’est que quelqu’un s’occupe d’eux « et que ce soit une personne affectueuse et rassurante » . Quoiqu’il en soit, constate Brizendine, « les femmes sont de meilleures mères dans un environnement prévisible. D’après la primatologue Sarah Hrdy, les humains sont devenus des « reproducteurs coopératifs » dans des structures où les mères ont toujours pu compter sur d’autres femmes pour dispenser des soins allomaternels à leur progéniture ».

Ce qui est probablement le plus remarquable et les plus intéressant chez le cerveau féminin, c’est son caractère éminemment « sensible ». « Les scientifiques pensent » que la femme doit cela à son plus grand nombre de neurones-miroirs. En tous les cas, aucune « nuance émotionnelle » ne lui échappe. Elle est surdouée pour « traquer […] les signaux non verbaux des pensées intimes d’autrui » et cela lui est fort utile pour « mieux anticiper les besoins physiques des enfants » non encore « en âge de parler » de même que pour « Atteindre le cerveau masculin », toujours un peu « handicapé » côté rapidité émotionnelle.

De même, nous faut-il savoir que « les filles éprouvent plus de sensations viscérales et de douleur physique que les garçons », du fait que, comme nous le montre l’IRM, « les zones qui repèrent les sensations viscérales sont plus développées et plus sensibles » dans son cerveau.

La grande vulnérabilité  au stress  et à la douleur des femmes, bien entendu, se paie : en ce qui les concerne, l’angoisse est facilement éveillée, fréquente et, avec la dépression, elle constitue, là aussi dans toutes les cultures humaines, la sinistre et grise compagne des années de fécondité . Ces dernières prennent fin, en moyenne, vers 50 ans, après la « chaotique » phase de périménopause qui s’échelonne entre deux à neuf ans , et la ménopause fait du cerveau de la femme, sans conteste, « une machine plus assurée et plus régulière », nettement « moins encline à se préoccuper des besoins des autres » en raison de la « chute des œstrogènes » et de la « baisse de l’ocytocine ».

« En règle générale, c’est seulement des dizaines d’années après la  ménopause que le processus naturel du vieillissement commence à altérer les fonctions du cerveau féminin », « Les pertes cellulaires su cortex » étant « plus précoces chez les hommes ». Le Dr Brizendine, à cela, va chercher une explication dans le fameux rôle des grand-mères et l’aide précieuse qu’elles apportent aux « femmes plus jeunes » dans la lourde tache qui est celle d’élever leur progéniture. A cet égard, nous apprenons que, même dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, « environ un tiers des femmes dépassent » l’âge de quarante ans  pour, dans nombre de cas, devenir sexagénaires ou septuagénaires ». C’est peut-être à ces braves mamies que l’on doit l’augmentation de la population humaine, dès le paléolithique supérieur.

L’ouvrage se conclut sur une réflexion portant sur les effets qu’exerce la vie moderne sur le « cerveau féminin » : allongement important des « phases de la vie féminine », disparition des familles élargies donc atténuation, sinon disparition, de l’effet-grand-mères, nécessité de concilier carrière et maternité.

Si elle persiste et signe (avec raison, car comment ne pas s’en apercevoir ?) en réaffirmant que « biologiquement parlant, le cerveau unisexe n’existe pas », le Dr Louann Brizendine (avec non moins de raison) déplore le fait que, cependant que « notre câblage cérébral n’a guère changé depuis un million d’années, les défis que nous rencontrons aujourd’hui […] n’ont plus rien à voir avec ceux qu’ont connu nos lointains ancêtres ». Je suis pleinement d’accord avec elle : le nœud du problème se situe là ; dans une culture nôtre qui dépasse notre propre nature ; dans une culture qui va peut-être trop vite dans son évolution.

En tout cas, nous le réalisons tout au long de ce livre, les recherches nous en apprennent de plus en plus sur la « nature humaine ». A bien des égards, elles confirment les plus anciennes « intuitions ».

Ceux qui disaient les femmes bavardes, hyper-sensibles et sujettes aux sautes d’humeur le faisaient-ils seulement au nom de la misogynie ?

Ce livre met en perspective l’ensemble de nos connaissances actuelles sur notre nature. Comme tous les animaux, nous sommes concernés par « le biologique ».

Aucun sexe n’y échappe. A chacun ses atouts. A chacun ses carences, ses défectuosités. A chacun son incomplétude.

A chacun ses peurs à gérer : pour l’homme, celle de l’émotion ; pour la femme, celle du conflit.

A chacun ses problèmes à résoudre : pour l’homme, celui de la violence, de la destruction ; pour sa compagne, celui d’une société où, encore dans une large mesure, elle peine à se faire entendre et à œuvrer pour ses propres intérêts et selon ses vues.

P.Laranco.


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