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L'erreur Karzaï

Publié le 17 août 2010 par Unmondelibre

L'erreur Karzaï Malou Innocent et Ted Carpenter – Le 16 août 2010. Aux Etats-Unis, au milieu de débat grandissant autour de la question de savoir si l’Amérique doit rester en Afghanistan, un point d'accord est que le président afghan Hamid Karzaï est à la fois le personnage central de la guerre et son maillon faible.

Les récentes controverses embarrassantes entre Karzaï et Washington - y compris la tentative de ce mois par le leader afghan d’entraver des enquêtes anti-corruption, soutenues par les USA, à Kaboul - révèlent un modèle troublant dans la politique étrangère américaine. Les dirigeants américains ont en effet une tendance à acclamer des dirigeants étrangers véreux comme les sauveurs de leur pays, pour mieux les critiquer publiquement plus tard pour ne pas répondre aux nobles attentes de l'Amérique.

Dans ses rapports avec l’imprévisible et douteux Karzai, Washington reproduit le modèle de « l'exaltation suivie du rejet de responsabilité » qu'il a suivi il ya cinq décennies avec le dirigeant sud-vietnamien Ngo Dinh Diem. Cet épisode célèbre avait produit des résultats désastreux.

L'erreur Karzaï

En Octobre 1954, le président Eisenhower écrivait une lettre à Diem en soulignant l'objectif de « développer et de maintenir un État fort et viable, capable de résister aux tentatives de subversion ou d'agression. » Pour les dirigeants à Washington, le soutien au Sud-Vietnam avait été jugé indispensable pour prévenir l'expansion du communisme. Et ils pensaient que Diem était l’homme de la situation.

Le secrétaire d'État adjoint aux Affaires d’Extrême-Orient, Walter Robertson proclama dans un discours 1956: « L'Asie nous a donné en le Président Diem une autre grande figure, et le monde libre tout entier est devenu plus riche pour son exemple de détermination et de courage moral. » Le sénateur Jacob Javits (N.Y., républicain) salua Diem comme « l'un des vrais héros du monde libre. »

À la fin des années 1950, toutefois, les fonctionnaires des États-Unis devinrent de plus en plus préoccupés par le style politique autocratique et le népotisme de Diem. Pire : l'appui du peuple vietnamien au gouvernement de Diem parmi s’érodait.

Le président Kennedy hérita de ce dilemme. Promettant dans son discours inaugural de « soutenir tout ami, s'opposer à tout ennemi » pour assurer le succès de la liberté, le nouveau président était déterminé à prendre une position ferme au Vietnam. Mais l'impopularité et l'inefficacité grandissante de Diem posèrent un problème majeur pour la politique des États-Unis.

Cinq décennies ont passé et Washington rencontre une situation étrangement similaire Afghanistan. Tout comme le succès au Sud-Vietnam avait été jugé essentiel pour atténuer la menace communiste, le succès en Afghanistan est considéré comme essentiel à la guerre contre le terrorisme. Et encore une fois l'Amérique est liée à un dirigeant très douteux avec lequel les responsables américains ont perdu leurs illusions.

Comme dans le cas de Diem, les décideurs américains n’ont initialement pas tari d'éloges à l’endroit de Karzai. En 2002, le dirigeant nouvellement installé en Afghanistan était un invité d'honneur au discours sur l'état de l'Union, et en 2004, le président George W. Bush parlait de Karzai comme d’un homme « d'honneur, de courage et de compétence » et promettait « l’engagement sans faille » de l'Amérique pour aider son pays à réussir.

Mais comme dans le cas de Diem aussi, les allégations de corruption et le mépris apparent de Karzai pour les normes démocratiques - et son impopularité croissante auprès de son peuple - ont atteint le point qui fait que les autorités américaines réagissent avec colère. En Novembre 2009, Karl W. Eikenberry, ambassadeur américain à Kaboul, avertissait carrément ses supérieurs que Karzaï « n'est pas un partenaire stratégique adéquat. »

Il fait peu de doute que si l’Amérique pouvait trouver un remplaçant plus crédible, elle se débarrasserait de Karzai. Mais la leçon de l'expérience avec Diem a sans doute induit de la prudence. En 1963, l'administration Kennedy son accord tacite à l'armée sud-vietnamienne pour un coup d'État contre Diem. Mais le renversement et le meurtre de Diem firent que rendre la mission américaine déjà fragile au Vietnam encore plus intenable. Les dirigeants américains craignent probablement un résultat similaire en Afghanistan s’ils encourageaient les adversaires de Karzaï à le renverser.

Les dirigeants américains doivent surmonter des habitudes contre-productives profondément ancrées. Non seulement les décideurs politiques ont tendance à surestimer l'importance stratégique des petits pays du tiers monde pour la sécurité nationale américaine, mais ils voient aussi des clients politiques étrangers à travers le prisme des idéaux américains. Ngo Dinh Diem n'a jamais été un démocrate authentique, encore moins un « héros » du monde libre. Il y avait un autocrate corrompu ordinaire.

La même chose semble être vraie de Hamid Karzai. Les décideurs sont frustrés parce qu'il n'a pas répondu aux attentes de l'Ouest, mais ces attentes ont toujours été complètement détachées de la réalité de l'Afghanistan. Il est nécessaire que les dirigeants américains apprennent que, s'ils ne veulent pas avoir à se salir avec de très imparfaits clients étrangers, les États-Unis doivent se montrer beaucoup plus sélectifs quand à leurs lieux - et leurs raisons – d’intervention.

Malou Innocent et Ted Carpenter sont analystes au Cato Institute à Washington DC.


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