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Jeu virtuel : un flou réel - Le comité pour lutter contre la dépendance a été créé sans cadre administratif et budgétaire précis

Publié le 17 août 2010 par Alain Dubois

Ce n’est qu’à l’automne que seront connus les interventions de prévention du comité d’experts, les modalités de recherche et le travail d’analyse des mesures d’ordre réglementaire, technique, économique et juridique pour contrer le jeu illégal. Dans les faits, les travaux du comité et le lancement du jeu en ligne se feront de façon concomitante.

Kathleen Levesque, journaliste, Le Devoir
Le comité d'experts sur le jeu en ligne créé le mois dernier par Québec et présenté comme un rempart essentiel de la lutte contre la dépendance, a été mis sur pied sans que le cadre administratif et budgétaire soit défini et sans que le mandat soit détaillé.

Comme l'a confirmé hier au Devoir le cabinet du ministre des Finances, Raymond Bachand, le flou autour du comité ne sera dissipé que cet automne. Les experts doivent se réunir une première fois en septembre, à la suite de quoi ils présenteront un plan de travail et un budget.

Au cabinet Bachand, on se défend qu'il y ait eu quelque précipitation que ce soit dans cette annonce, et ce, même si l'on reconnaît que les ficelles du comité n'étaient pas complètement attachées. On réfute également l'idée voulant que l'annonce servait à faire taire le plus rapidement possible les critiques, notamment celles émanant des 18 Directions de santé publique qui ont réclamé un moratoire sur le projet de Loto-Québec.

«C'était une information qu'on estimait importante à faire connaître à ce moment-là», a déclaré l'attachée de presse du ministre Bachand, Catherine Poulin.

Officiellement, M. Bachand avait décidé de devancer les travaux du comité à la suite de la recommandation de la protectrice du citoyen. Dans une lettre au ministre datée du 25 mars dernier, la protectrice Raymonde Saint-Germain recommandait qu'un comité puisse «aviser le gouvernement sur l'encadrement, les balises et le rythme d'implantation de l'offre publique de jeux télématiques».

L'intervention de Mme Saint-Germain ne se limitait toutefois pas à la création du comité. Elle soulignait les dangers liés au jeu en ligne, en plus du risque de voir augmenter l'offre globale de jeu. «Plus vite on peut rejouer et plus grand est le risque de devenir un joueur compulsif», écrit-elle.

Plus loin, la protectrice du citoyen proposait qu'une législation soit adoptée pour limiter les fonds provenant du jeu. Elle suggère 3 % des revenus.

Ce n'est qu'à l'automne que seront connus les interventions de prévention du comité d'experts, les modalités de recherche et le travail d'analyse des mesures d'ordre réglementaire, technique, économique et juridique pour contrer le jeu illégal. Dans les faits, les travaux du comité et le lancement du jeu en ligne se feront de façon concomitante.

Les experts établiront également leurs besoins financiers: chacun sera rémunéré pendant les trois ans de travaux en plus de faire appel, si besoin était, à une expertise externe. On ignore pour l'instant si ces éventuels contrats seront accordés par appel d'offres.

Les coûts du comité seront autorisés par le ministre Bachand, mais entièrement assumés par Loto-Québec. Mais ce serait une erreur de douter pour autant de l'indépendance des experts, affirme-t-on, tant du côté gouvernemental qu'au sein de la société d'État. «Une formule comme un fonds dédié sera développée pour assurer l'étanchéité entre le comité et Loto-Québec», a affirmé Catherine Poulin. «Loto-Québec ne s'ingère pas dans le fonctionnement et les décisions du comité», a tranché Marie-Claude Rivet, porte-parole de Loto-Québec.

Le comité sera présidé par Louise Nadeau, professeure de psychologie à l'Université de Montréal. Le nom de Mme Nadeau est notamment associé aux problèmes de consommation d'alcool. Elle préside l'organisme Éduc'alcool. Mme Nadeau est entourée de quatre autres personnes, dont deux universitaires, Sylvia Kairouz (Université Concordia) et Magali Dufour (Université de Sherbrooke), un fonctionnaire de la Sécurité publique ainsi que la directrice générale du Centre de réadaptation Ubald-Villeneuve.

Outre la formation du comité, plusieurs questions restent encore à éclaircir. Les informations sont données au compte-gouttes. Le taux de retour a été établi à 83 % afin de concurrencer les sites illégaux actuels. Loto-Québec promet des «jeux honnêtes», un «accès contrôlé et limité aux personnes majeures» et des «mesures de contrôle du temps et des montants joués» sans donner de détail pour l'instant.

Loto-Québec a une entente de principe avec la British Columbia Lottery Corporation et la Société des loteries de l'Atlantique afin de partager la même plateforme permettant le poker. La Colombie-Britannique et l'Ontario ont annoncé au cours des dernières semaines qu'elles prenaient elles aussi la voie du jeu en ligne.

Kathleen Lévesque, LE DEVOIR, 13 août 2010 , Québec
Transcription autorisée


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