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La dérive sécuritaire fait imploser la droite et offre un boulevard à Dominique de Villepin

Publié le 24 août 2010 par Hmoreigne

 A trop avoir voulu se rapprocher du Front national, Nicolas Sarkozy partage aujourd’hui le sort d’Icare.Les coups de boutoirs répétés contre les valeurs de la république ont fini par mettre au ban de la classe politique et d’une partie de son propre camp, le Chef de l’État lui-même.La manœuvre sécuritaire de l’Elysée a tourné au fiasco. Adieu Austerlitz, bonjour Waterloo.Le champs de ruine qui se dessine à droite offre sur un plateau un destin à Dominique de Villepin.Le rival exécré a désormais l’opportunité d’apparaître comme le nouveau champion d’une droite traditionnelle, morale, viscéralement républicaine et surtout lassée des excès de Nicolas Sarkozy.

Après un temps d’hésitation qui aura ressemblé à une éternité, la société française piquée au vif par des observateurs étrangers médusés de voir émerger une xénophobie d’État dans la patrie des droits de l’homme réagit enfin. A gauche déjà depuis un certain temps, mais maintenant aussi à droite, les personnalités se manifestent pour se désolidariser du président de la république et d’une politique sécuritaire qui, qu’on le veuille ou non, renvoie aux mauvais souvenirs du pétainisme.

En l’absence d’une déclaration solennelle de la Première secrétaire du PS qui aura préféré la voie risquée du silence - l’histoire tranchera- au motif de ne pas vouloir apporter de l’eau au moulin du Sarkozysme, c’est à Dominique de Villepin qu’a échoué la charge de sonner le tocsin.

Dans une tribune au titre explicite-”La honte sur notre drapeau “-, publiée dans Le Monde en date du 23 août l’ancien Premier ministre souligne le caractère juridiquement inapplicable de la menace de déchéance de nationalité, promue mesure fer de lance du dispositif sécuritaire présidentiel.

Pouvait-on faire comme si la parole présidentielle, entre moulinets et éructations guerrières, ne valait pas la peine qu’on s’y attarde ? L’ancien chef de la diplomatie française juge que non, que même abîmée, elle engage au-delà du président tout le pays.

Se taire, c’est déjà être complice. Il appartient à chaque Française, à chaque Français, de réagir en conscience, quels que soient son âge et sa condition et où qu’il se trouve, à Paris ou en province, pour marquer à sa façon son refus de cette dérive inacceptable” écrit Dominique de Villepin dans un moment qu’il considère sans doute de la même veine que celui de son discours à l’ONU contre la guerre en Irak.

Ralliez-vous à mon panache blanc clame l’ancien Premier ministre qui appelle à un sursaut républicain au-delà des clivages gauche-droite. Étrange moment que ce face à face entre un ancien ministre qui nous avait, le temps d’une déclaration à l’ONU, fait sentir fiers d’être français et, un Nicolas Sarkozy qui n’a de cesse de véhiculer une image dégradée et dégradante de notre pays.

Déjà proclamé homme à abattre par la gauche, Nicolas Sarkozy est désormais promis au même sort par une partie de la droite. La condamnation par Benoît XVI de la politique du gouvernement à l’égard des Roms a incontestablement contribué à faire sortir une partie d’élus de droite de leur silence gêné.  

Christine Boutin, présidente du Parti Chrétien-Démocrate (PCD) a évoqué l’hypothèse d’une séparation de son mouvement d’avec l’UMP, auquel il est allié. François Bayrou marque aussi ses distances. “Prendre pour cible, à grand spectacle, une communauté tout entière, ultra minoritaire, pour plaire à une partie de l’opinion, c’est grave et dangereux“, a déclaré le dirigeant du Modem alors que de son côté Force ouvrièrerelève au sujet de la question des Roms, “une rupture avec les principes de la République“. Signe que le vent tourne Rachida Dati, consciente sans doute de ne plus rien avoir à attendre de l’Elysée, s’affranchit de son ancien mentor en dénonçant “l’amalgame entre immigration et délinquance” .

Mais, c’est dans la société civile que la vague de raz le bol prend de l’ampleur. On ne manquera pas à cet égard de lire le billet à tripes de Richard Moyon sur Mediapart (cliquez ici ). La multitude de commentaires postés à la suite du texte confirme que son auteur, unenseignant, co-fondateur du RESF, a su offrir à une majorité silencieuse les mots et la détermination qu’elle attendait dans son refus de la xénophobie.

La rupture, si souvent promise, est aujourd’hui au rendez-vous mais, au détriment de M. Sarkozy. C’est en tout cas ce que souhaite clairement Richard Moyon qui écrit :”Mais puisqu’un président de la République en perdition a cru habile de flirter avec le racisme pour se refaire une popularité, il faut qu’il soit défait sur ce terrain. Massivement, définitivement. Qu’il soit publiquement désavoué par les millions de femmes et d’hommes qu’il voudrait reléguer au rang de français de seconde zone et par toutes celles et ceux qui travaillent avec eux, vivent avec eux, les aiment et en sont aimés et font des enfants avec eux“.

Dans ce paysage très assombri, il n’y a bien que Brice Hortefeux et Eric Besson pour retrouver des couleurs. Interrogé lundi matin par l’excellent Bruno Duvic sur France Inter (cf vidéos ci-dessous) Eric Besson aux antipodes de Dominique de Villepin a sans complexes résumé la ligne de défense et l’enfermement idéologique du gouvernement : “nous avons le droit le plus respectueux des étrangers en France”.

Est-ce que selon vous les Roms posent en France un problème spécifique de sécurité?” interroge le journaliste de la station publique. “Partiellement, oui” répond Eric Besson qui rejetant tout amalgame indique “qu’il existe des Roms qui se comportent bien” avant d’ajouter : “depuis quand le rappel à la loi est stigmatisant ?

Sordide rhétorique dont un simple exercice suffit à démontrer la perfidie. Il suffit pour cela de remplacer le terme “Roms” par “arabes” ou “juifs“. “La honte sur notre drapeau” évoquée par Dominique de Villepin apparaît alors pleinement

Crédit photo : capture d’écran. Visite de Benoît XVI en France (2008)

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