Magazine Europe

Insolite: Le caboulot U Rotundy

Publié le 10 mai 2007 par Strogoff
En fait on est tombé de dessus par hasard. On s'en revenait d'une visite culturelle des monuments de Prague dans le cadre des portes ouvertes des journées du pâtre et moine (patrimoine, oui je sais, mauvaise blague, l'année dernière je vous avais fait le pas très moine, oui je sais, bon ok mais c'est fini, rassurez-vous, pour l'année prochaine chais plus quoi mettre). Bon, et comme on s'en revenait de là-bas, on (et surtout moi) avait une petite soif. L'on se trouvait dans la rue "Karoliny Světlé", juste au niveau de l'église "Svatého Kříže Menšího" (Sainte Croix Mineure, parce qu'il existe une autre Sainte Croix, mais majeure cette fois) qui est en fait une rotonde (plutôt qu'une église) du XI ème siècle, reconstruite en 1865, et où l'on peut encore voir des restes de peintures gothiques originelles (couronnement de la Vierge Marie, XIV ème siècle), et qui fut sauvée (la rotonde, pas Marie) de justesse de la démolition lors de l'assainissement de la ville (de Prague). Bref... tout en passant nous vîmes une enseigne, alors l'on se dit en voyant la vitrine, "tiens, et si on allait boire un coup là dedans, ça sent sympa à vue de nez". Ma chérie d'amour me fit fort justement remarquer qu'ils y tournaient de la "Staropramen" (prononcez S T A R O P R A M È N E), et que d'habitude, la "Staropramen" (celle qui goutte sur l'futal quand on l'amène) n'est pas ma tasse de thé. Bon, ben oui, c'est vrai, mais bon, hein, le bousingot a l'air sympathique, alors essayons, hein, que diable, soyons curieux, ouverts d'esprit, tolérants, aventuriers, fous... Nous posâmes fessiers, sacs, appareil photo, et couvre chef, puis arriva LE serveur. Il était classique, Tchèque, ni agréable ni désagréable, ni plaisant ni déplaisant, ni constipé ni déconstipé, genre le serveur insipide, morne, plat d'humeur, qui devait être né comme ça, élevé comme ça, grandi comme ça, sans goût ni couleur, noir et blanc et qui restera comme ça encore longtemps, mais de plus en plus maussade, terne et flétri. "Bonjour patron, ils souhaiteraient un coca et une petite bière, mais petite, la bière. Merci." Et oui, petite, par prudence, me référant aux précédents propos d'à propos de ma chérie sur la "Staropramen", celle qui goutte sur l'futal quand on l'amène.
Nous fûmes servis prestement, sans un mot, sans ronchonnement, genre ni voilà, ni voici, ni s'il vous plaît (à Bruxelles), rien. Bon, ben pas grave, hein, de toute façon on est venu pour visiter, mettre un pied dedans comme dirait le malchanceux, et on ne va pas s'éterniser non plus, voire revenir. Pis on commença à regarder autour, les gens, le cadre, la déco, le mobilier, les luminaires, les journaux, tout ce qui passait à portée de vue... T'as vu dis-donc, c'est comme à l'époque de la chienlit bolchevique, ces fumiers... Ouah trop fort, regarde-voir le vieux tuyaux de poêle..." Et c'est vrai, que ça faisait relique d'antan, le vrai bon vieux caboulot du coin d'la rue qu'on y venait chercher sa bière dans un "džbán" (une cruche à bière) pour la déguster à la maison en famille, qu'on s'en jetait "une" sur le comptoir le temps de la fabuleuse manoeuvre (remplissage du "džbán"), qu'on s'allumait une cibiche puante "made in Czechoslovakia" dont l'épaisse fumée âcre allait colorer les murs et les rideaux de la pièce pour des décennies. Dingue, nous commencions à trouver l'endroit sympathique, plaisant, accueillant et convivial (malgré le loufiat chagrin). Sans dec, même la "Staropramen", celle qui goutte sur l'futal quand on l'amène, n'était pas si mauvaise, bien fraîche comme il faut. Pis l'on regarda la carte des délices. Et là, on n'en crut pas nos yeux lorsqu'on vit les prix. Les petits trucs, dans les 100gr, les miams pour accompagner la bière:
- "sekaná" (meat loaf, pâté de viande hachée),
- ou "tlačenka" (genre de presskopf, pâté de tête),
- ou "šunkový salám" (à likoum, et alikoum salam, genre de mortadelle de Lyon avec des bouts de jambon dedans) pour 20 CzK (0,70 €).
D'habitude c'est entre 35 et 50 CzK (1,23 et 1,75 €) surtout en plein centre de Prague. Ah oui, tiens, parenthèse. Compte tenu de la fluctuation monétaire entre la CzK (Couronne tchèque) et l'€ (Euro eurolandais), je vais à chaque fois vous donner le taux de change utilisé dans mes conversions afin que vous ne soyez pas surpris dans le cas où vous viendriez à comparer ces montants quelques mois plus tard, qui sait ce qu'en sera le taux. Tiens, encore l'année dernière j'utilisais 1 € = 30 CzK et 100 CzK = 3,33 €. Ben aujourd'hui on est à 1 € = 28,5 CzK et 100 CzK = 3,51 €. Fin de parenthèse.
Puis après les miams à bière, des trucs un peu plus balaises, pour amateurs délicats:
- "Romadur a horčice" (genre de munster hautement aromatique, servi avec de la moutarde, je conseille vivement),
- "Hermelín" (genre de calendos beaucoup moins vertueux que le normand, mais mangeable quand même),
- "matesi" (harengs à l'huile, sans arrêtes, sans peau et sans écailles. Sans dec!),
- "ďábelská klobása" (bratwurst bien piquante) pour 25 CzK (0,88 €).
Là aussi, les prix habituels dans ce quartier varient entre 35 et 50 CzK (1,23 et 1,75 €).
Puis les vrais repas du jour, 100gr de viande, plus accompagnement (ok, ça fait lège pour certains, mais c'est la norme ici):
- "knedlo, zelo, vepřo", 62 CzK (2,18 €)
- goulache hongrois avec "knedlík", 63 CzK (2,20 €)
- côte de porc en sauce avec "knedlík", 65 CzK (2,28 €)
D'abord vous trouverez rarement du typiquement Tchèque dans ce quartier, c'est plutôt cuisine BCBG, genre italienne, française, "internationale" comme ils disent, avec des frites, la même cuisine qu'à Paris, Berlin, Rome ou Londres... euh non, pas Londres, alors Madrid... Avec des prix à partir de presque raisonnables jusqu'à totalement indécents. Mais si jamais vous arrivez à trouver les plats tchèques ci-dessus, ils seront généralement plus chers de quelques couronnes, 75 à 110 CzK (2,63 à 3,86 €).
Et maintenant, le chapitre des "tenez-vous bien", les top-discount. Parce que là, c'est incomparable, jamais vous ne trouverez mieux en plein centre de Prague, à Prague 1, hein?:
- "utopenec" (littéralement le "noyé", saucisse de viande marinée dans du vinaigre, comme un cornichon),
- ou "sulc" (genre de presskopf, mais différent de la "tlačenka", avec vinaigre et oignons fraîchement coupés), 15 CzK, soit seulement 0,53 €.
En France on ne vous en vendrait pas, car rien que le lavage des couverts reviendrait plus cher.
Et pour terminer, la bière. Bon, ok, c'est de la "Staropramen", celle qui goutte sur l'futal quand on l'amène, mais à 12 CzK (0,42 €) la petite (30 cl) et 19 CzK (0,67 €) la grande (50 cl), allez donc ne pas en boire. D'autant plus qu'elle était fraîche, que j'étais assoiffé, et que le "sulc" m'avait fichtrement alléché. "Aubergiste, ils souhaiteraient encore une petite bière et un "sulc", merci."
Alors en cherchant des infos sur la toile mondiale, je suis même tombé sur l'article d'un Briton à propos du bistrot, et si vous lisez le Brit, vous verrez que globalement il en pense la même chose que moi (à la différence qu'il connaît ce trou depuis plus longtemps, car il y fut déjà vers la fin des années 90), mais selon ses propres dires, rien, mais alors vraiment rien n'a changé. Donc je vous conseille vivement d'y courir vite vite vite "U Rotundy", car il est fort à parier que la furie immobilière qui règne à Prague 1 ne va pas nous laisser cette antiquité en l'état bien longtemps. Je vous en rappelle l'adresse, "U Rotundy, Karoliny Světlé 1035/17, 110 00 Praha, Staré Město", c'est à 100m du Théâtre National, et 20m de la rotonde "Svatého Kříže Menšího" (Sainte Croix Mineure).
En ce qui me concerne j'y retournerai sûrement, parce qu'en dehors des prix incroyables, il y règne par dessus tout une atmosphère unique, une unique atmosphère d'authentique bistrot populo d'avant révolution et d'avant tourisme envahissant, où qu'il fait bon boire, boire et manger à s'en péter la panse. Puis il n'y a pas d'Anglais :-) Bon, et les photos, comme dit, celles que vous savez que c'est la gargotte, ben c'est celles du bistroquet, les 5 premières. Pis celles qui ne sont pas de la gargotte, c'est celles que je vous ai mises pour ne pas faire publie de pauvre, chiche et frugale. Ce sont de splendides photos de Prague que j'avais sous mon coude depuis un certain temps (et j'en ai encore plein, rassurez-vous), que je me suis dit qu'elles iraient bien ici, non?

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Strogoff 8 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte