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(Mini-série UK) Perfect Strangers : une fascinante introspection familiale et personnelle

Publié le 27 août 2010 par Myteleisrich @myteleisrich

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Parmi mes achats DVD "from England" de l'été (si jamais la Beeb envisage d'expatrier un de ses stores par chez moi, je lui signale la candidature de mon appartement qui peut d'ores et déjà faire office d'antenne, au vu de tous les coffrets "BBC DVD" qui s'y empilent), j'ai commandé plusieurs productions signées Stephen Poliakoff. Si j'avais souvent entendu parler de ses fictions, je dois dire que je n'avais pas eu l'occasion d'en voir beaucoup jusqu'à présent. Histoire de corriger cette inculture tragique, j'ai donc fait quelques investissements.

La première production dans laquelle je me suis lancée est une mini-série, composée de 3 épisodes, datant de 2001 : Perfect Strangers. Certes, outre les échos positifs glanés ça et là, pour ne rien vous cacher, les noms du casting m'avaient un peu attiré l'oeil, à commencer par la perspective d'y retrouver Matthew Macfadyen (on ne se refait pas). Mais au-delà des performances d'acteurs à souligner, j'ai vraiment été fascinée par le style et l'ambiance qui se dégagent de Perfect Strangers. Une belle immersion intemporelle et universelle dans des rouages familiaux pour un très solide Poliakoff.

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Perfect Strangers, c'est une fascinante introspection familiale, d'une richesse et d'une justesse qui méritent vraiment d'être soulignées. L'histoire débute par la volonté du patriarche d'une grande famille, les Symon qui étaient autrefois très fortunés, de réunir les siens lors d'un week-end où explorations des arbres généalogiques et retrouvailles avec de vieilles images d'archives seront au programme. Raymond Symon a depuis des années coupé les ponts avec cette branche clinquante de sa famille, vivant désormais en "exil" du côté de Hillingdon. Cependant, il reçoit lui-aussi la fameuse invitation au week-end. Après bien des tergiversations, il se laisse convaincre d'accepter par sa femme et son fils unique, Daniel. C'est à travers les yeux de ce dernier que vont nous être relatés les différents évènements de ces vastes retrouvailles familiales qui offriront à ses participants une forme de retour aux sources parfois douloureux, mais, en un sens, regénérateur.

Le téléspectateur se retrouve progressivement immergé dans ce monde inconnu aux côtés d'un Daniel aussi perdu. Derrière l'apparence luxueuse, aux allures si policées qui est proposée aux premiers abords, c'est le portrait d'une famille bien vivante et entière qui va être dressé, avec ses codes, ses non-dits et ses blessures passées ; avec ses paradoxes, ses vitalités et ses secrets... Daniel se lie notamment, d'une façon étrangement naturelle quasi-instantanée, avec deux cousins éloignés, dont l'histoire personnelle est marquée par un drame qu'ils n'ont jamais dépassé. Stimulé par les trouvailles étonnantes de Stephen, l'archiviste auto-proclamé de la famille, chacun entreprend un voyage en lui-même, dans ses souvenirs effacés ou les quelques bribes qu'il lui reste encore, découvrant ainsi des pans oubliés, secrets de famille ou anecdotes rarement évoquées, qui résonnent de façon particulière en chacun d'eux. Plus qu'une réunion, Perfect Strangers est une invitation à se découvrir soi-même en découvrant sa famille.

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Cette introspection familiale, sous ses ressorts classiques, se révèle captivante à plus d'un titre, en partie parce que ce sont des parcours finalement très personnels que nous allons suivre sous couvert de ce mouvement collectif. L'enjeu ne réside pas dans les routes tortueuses empruntées qui vont conduire au récit d'anecdotes symboliques, mais dans la façon dont l'expérience va directement toucher les personnages. La portée métaphorique des souvenirs est pleinement exploitée. A mesure que la vision des uns et des autres évoluent sur ceux qui les entourent, c'est sur eux-mêmes qu'ils changent également de perspective. Il est assez troublant d'assister à cette réflexion quasi-identitaire, initiée avec une sobriété très intimiste qui sonne souvent tellement juste.
D'ailleurs, si Perfect Strangers fonctionne aussi bien auprès du téléspectateur, c'est aussi parce qu'elle choisit de s'inscrire dans le créneau des "séries d'ambiance" : elle doit en effet beaucoup à l'atmosphère que ses scènes réussissent à dégager. Il flotte dans l'air comme un indéfinissable parfum aigre-doux, manifestation diffuse d'une nostalgie involontaire, relent d'un passé non soldé encore suspendu dans l'inconscient de chacun. Ce sont les clés du futur qui sont pourtant en jeu, derrière ce repli passéiste auquel nous assistons. Mais la réalité de la quête entreprise n'apparaîtra qu'à la fin d'un parcours qui aura revivifié, presque à leur insu, bien des âmes troublées.
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Très solide sur le fond, Perfect Strangers l'est également sur la forme, bénéficiant sur ce point d'une très grande maîtrise, dans la droite lignée des BBC dramas de haut standing. Sa réalisation est certes classique, mais elle sait admirablement bien mettre en valeur et jouer sur le décor luxueux dans lequel les protagonistes évoluent, sans tomber dans un clinquant excessif. C'est classe, sans être prétentieux. L'ambiance un peu indéfinissable, entre nostalgie et mélancolie, est accentuée par le choix et l'utilisation des thèmes musicaux. Ces derniers s'inscrivent en parfaite adéquation avec la tonalité de la série, notamment la musique récurrente au piano qui donne vraiment une marque à ce beau drama, contribuant à une certaine impression d'intemporalité et d'universalité des thèmes abordés. C'est ainsi très plaisant de voir la forme, non seulement venir en soutien du contenu, mais surtout finir par ne faire qu'un avec lui, complément naturel, sans jamais trop en faire.

Enfin, parachevant l'ensemble, il est difficile de trouver qualificatifs suffisamment louangeurs pour évoquer les performances du casting. J'ai déjà mentionné la présence de Matthew Macfadyen (Spooks, Little Dorrit, The Pillars of the Earth), qui trouve ici le juste équilibre entre l'assurance naturelle de son personnage et les hésitations légitimes d'une jeunesse inexpérimentée face à un milieu et surtout des gens dont il ignore tout. Si c'est à travers ses yeux que le téléspectateur suit l'histoire, il est loin d'être le seul à avoir l'opportunité d'y briller. Michael Gambon (Wives and Daughters, Emma) offre une prestation bluffante, en vieil homme sarcastique, un brin aigri, que ces retrouvailles douloureuses vont marquer plus qu'il aurait pu le penser. Son discours bouleversant lors du "karaoké familial" improvisé restera comme une des scènes les plus marquantes de la mini-série. Lindsay Duncan (Rome) est, elle-aussi, absolument magistrale, dévoilant toute la classe inhérente à cette actrice vraiment fascinante. On retrouve également à leurs côtés Claire Skinner (Life begins, Trinity), Toby Stephens (Cambridge Spies, Jane Eyre, Vexed), Timothy Spall (The Street) et encore Michael Culkin (Garrow's Law).

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Bilan : Fascinante et troublante introspection, Perfect Strangers explore les ressorts qui régissent et font le coeur de chaque famille, de manière intemporelle. C'est avec une subtilité et une pudeur pleine de tact que cette mini-série souligne les paradoxes et les dynamiques qui se trouvent cachés sous les apparences policées des Symon. En redécouvrant un passé oublié, en se re-saisissant d'un héritage non liquidé, c'est finalement le présent qui est éclairé sous un jour nouveau. Cette réunion et toute la nostalgie passée qu'elle fait remonter va, à terme, servir à chacun pour en apprendre plus sur lui-même.

S'inscrivant dans une ambiance étonnamment envoûtante et vraiment fascinante, Perfect Strangers est une belle mini-série, sur le fond comme sur la forme, tour à tour légère, touchante, émouvante et rafraîchissante, qui ne laissera pas le téléspectateur insensible et que l'on quittera songeur devant son petit écran.


NOTE : 9/10


Les premières minutes du premier épisode :



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