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Carnet d'Anatolie

Par Gerard

I.

Istanbul du Bosphore, indécidable Europe, indécidable Asie, Mer Noire, Mer de Marmara, des cargos en tous sens sillonnant le détroit des Dardanelles, Istanbul des bars branchés sous les ponts, milliers de fil lumineux des cannes à pêche jetés d’en haut, Istanbul des pluies interminables auprès du narghilé, l’appel lugubre des minarets et les petits élèves de l’école coranique qui derrière leurs grands livres envoient des sms, je sors du Mystic Hotel en me disant « prie n’importe quel dieu à condition que ce ne soit pas le tien », parfum de pluie et de chicha, sentir la ville, comment elle vibre, au moment précis où elle appareille

II.

Terrasse miraculeuse du café Bonçuk dans le petit bazar de Safran Bolu sous la treille, Chateaubriand passa par là, frappant aux portes du Caravansérail où s’épuisaient en rêves les voyageurs remontant jusqu’en Chine la Route de la Soie

III.

Entrer dans la présence des paysages. A l’herbe rase de l’étendue, des tentes des bâches des campements comme des murmures sans suite perdus entre les horizons, petites porteuses d’eau qui font parfois un signe, je reviendrai ici planter ma yourte, ô steppes anatoliennes

Cérémonies des steppes immémoriales. Se faire comme elles vide et infini

IV.

« Peu importe par où l’on commence, on revient toujours à ce que l’on est ». Henry Miller, lu quelque part sur la route

V.

Avanos. Les abricots ouverts sèchent au grand soleil des terrasses. Là-bas la vallée rose, avec ses canyons et ses fées. Ici derrière chaque façade de maison des kilomètres de galeries souterraines à travers la montagne. Sous la ville d’autres villes. Ainsi de chaque homme, de chaque visage. Quel mur faut-il que nous abattions pour retrouver les souterrains qui nous assemblent ?

Tuf volcanique surmonté de leur couronne de basalte, citées troglodytiques, cheminées des fées qui figuraient sur une carte-postale que m’envoya autrefois Jacques Lacarrière, serons-nous au retour comme Paul Lucas, voyageur du XVIIIème siècle, premier français à décrire dans ses récits ces habitants de Cappadoce « vivant dans des pyramides de pierre » et dont on ne cru pas un mot, nos écrits seront-ils comme les siens tenus pour des fables ?

Anachorètes des vents sauvages, après la grande bataille des images au Concile de Nicée, vers l’an 325, trouvant refuge dans ce vaste chaos mystique – ont-ils senti comme moi couler dans leurs veines ce temps géologique ?

VI.

Recopiant sur un dépliant touristique les conseils de Mevlana, le Dervich :

Sois comme l’eau vive pour le soutien et la bienveillance ;

Sois comme le soleil pour l’affection et la miséricorde ;

Sois comme la nuit pour couvrir les défauts de ton prochain ;

Sois comme le mort pour la colère et la fébrilité ;

Sois comme la terre pour la modestie et l’humilité ;

Sois comme la mer pour la tolérance ;

Ou bien parais tel que tu es, ou bien sois tel que tu parais.

  (Carnet d’Anatolie et de Cappadoce, juillet-août 2010)


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