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Quand la ville inventa la photographie*

Publié le 20 août 2010 par Lironjeremy
Quand la ville inventa la photographie*

Le peinture convenait au paysage : il y avait ce rapport ample qui joignait le temps et l’étendue, le geste d’embrasser le monde ou de le déployer en une vaste scène qui rapportait au théâtre. Jusqu’à pouvoir dire parfois que peindre était comme étaler un paysage. De l’un à l’autre il était question d’unité, d’affrontement, d’immobilité. La photographie un temps, avec ses lourdes boites, continuait la chose : elle contemplait pétrifiée et comme un grand cyclope ce qui s’offrait au regard dans la longueur des prises de vue. Et dans ce temps là de la prise de vue c’était comme si le monde s’étalait en lui-même. La photographie ne semblait faire autre chose que de fixer lentement cette échappée immobile, horizontale du monde qui s’effaçait tout en se maintenant. Puis elle rejoignit la ville dans ses manières de fragments, son déploiement d’angles et de rues, tournant dans les volumes, multipliant les points de vue, adoptant tous les mouvements du corps dans le mouvement réifié de l’urbain. Dans une action conjointe, appelées l’une à l’autre, photo et ville brisent l’unité classique du monde, ce large pan que dresse la peinture, quittant les vues unitaires pour une appréhension multiple. La tentation alors de dire : C’est la ville peut-être qui a inventé la photographie moderne, qui a induit le fragment, la série en lieu du large cadre d’un théâtre immuable. Rien ne convenait mieux que la photographie (avec l’apparition de boîtiers légers et compacts) à ce qui en la ville se tournait sur elle-même sans se laisser atteindre et nécessitait qu’on y déambule en tout sens en y tordant le cou.

C’est au XVème siècle à Florence que la peinture prit en compte la photographie (Brunelleschi exécutera les deux petits tableaux représentant le baptistère de Florence et le palais de la seigneurie en 1415, mettant en quelque sorte en pratique les principes optiques développés dans les alentours de l’an mille par le mathématicien et philosophe arabe Alhazan. La chambre noire quand à elle, dont le principe est décrit déjà par Aristote (livre XV des Problèmes) et à l’age médiéval ne semble être utilisé en topographie qu’à partir du XVIème siècle.), mais elle devait conserver une vision centrée, une unité aristotélicienne qui en faisait un théâtre clos. L’appareil qu’elle anticipait était une boite lourde dans laquelle les plaques impressionnaient lentement et sans bouger une ville qui ce faisant prenait un peu l’allure d’une paysage construit : le sol au bas, horizontal, et les sujets du monde répartis harmonieusement sur l’étendue. Il fallu rêver un œil léger, un monde se déployant de toutes parts, des errances pour atteindre à travers l’idée de ville la photographie moderne.

*drôle d’idée surgi toute brute au réveil.

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