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174ème semaine de Sarkofrance : entre mépris et abattement.

Publié le 04 septembre 2010 par Juan

174ème semaine de Sarkofrance : entre mépris et abattement.

Sarkozy, le 3 septembre 2010

On se serait cru revenu en juin, comme si l'été n'avait jamais existé. Lundi, Nicolas Sarkozy avait commencé sa semaine par recevoir des policiers agressés, vendredi il rendait visite à des ouvriers. Entretemps, l'agenda de la semaine lui a clairement échappé, une fois de plus : de nouvelles révélations dans l'affaire Woerth, l'interrogatoire de l'un de ses proches, des questionnements sur des statistiques inédites et ciblées en matière de délinquance, Baroin qui avoue une hausse nécessaire des impôts, et ... Fillon qui s'affiche comme un recours à une droite désemparée.
Fillon, le recours ?
Le premier ministre a ouvert la semaine par une intervention radiophonique sur France inter. Il s'est montré calme et serein, alors que ses ministres, a contrario, s'affolent. Le discours de Grenoble, il ne l'aurait pas prononcé: « chacun a sa sensibilité » mais, « ces décisions » il les met en oeuvre « sans aucun état d'âme. » Il tacle au passage Christian Estrosi, dont il n'a pas apprécié la charge estivale contre les maires et l'insécurité. La réforme des retraites serait « l'une des plus raisonnables » d'Europe. Il regrette aussi le « supplice » que vit Eric Woerth, qui a dénoncé le matin même dans les colonnes du Parisien la « lapidation médiatique » dont il ferait l'objet. Fillon, lundi, a profondément agacé l'Elysée. Même Jean-François Copé, qui se voit déjà président en 2017, a senti que Fillon s'affichait plus clairement en alternative au sarkozysme finissant. Le bal des prétendants a commencé. Michèle Alliot-Marie s'exhibe en famille dans les pages de Paris Match. Jean-Louis Borloo explique qu'il « aime les missions difficiles. » Le remaniement a été décalé à novembre, pour laisser un peu de temps à la réforme des retraites. Le Figaro évoque les candidatures de Brice Hortefeux, qui briguerait la mairie de Vichy en 2014, de Claude Guéant ou même de François Baroin ou Bruno Le Maire au poste de premier ministre.
François Fillon n'en a cure. Il jubile de sa longévité. Entre une cravate oubliée pour une réunion présidentielle à Brégançon et un calme d'autant plus affiché que son patron s'agite, il a de quoi être serein.
Des Roms aux Roumains
Lundi, quelques grands absents du débat sécuritaire de l'été se sont exprimés. A l'Elysée, on a peu apprécié les états d'âme. Depuis juillet, on attendait leur réaction aux polémiques sur l'insécurité et l'immigration et la chasse aux Roms. Bernard Kouchner a confessé, sur RTL, avoir songé à démissionner, mais « s’en aller, c’est déserter, c’est accepter. » Et rester, n'est-ce pas collaborer ?
Hervé Morin avait clôturé l'université d'été des Jeunes Centristes par une violente critique du gouvernement auquel il participe. Fadela Amara a avoué que les expulsions de familles roms « lui faisaient mal au coeur. » Dans le Monde, mardi, elle déclarait qu'elle n'acceptait pas, qu'elle ne démissionnait pas. Ceux-là ont sans doute scellé leur sort pour le prochain remaniement gouvernemental.  D'autres ont au contraire joué le jeu. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la Justice, refuse ces « interrogations stériles ». Mercredi, il présentait le calendrier de sa mission sur la prévention de la délinquance des jeunes, un hochet pour jouer que Sarko lui a confié lors d'une micro-entrevue de quelques minutes début août. Il faut toujours rassurer les traîtres qu'ils ont bien fait de trahir.
Brice Hortefeux et Eric Besson se sont montrés ensemble, debout sur une tribune, pour une conférence de presse commune. Ils faisaient, lundi, le point de leur chasse aux Roms. Cette expression vous choque-t-elle ? Certaines outrances verbales feront date, comme celle-ci, reprise dans le compte rendu officiel sur le site du ministère de l'intérieur :  « Il ne s'agit, en aucun cas, de stigmatiser telle ou telle population - bien d'autres étrangers sont auteurs de crimes et délits.» Rien sur les Auvergnats ? En France, les Français sont responsables de 87,5% des infractions commises en 2009.
D'ailleurs, on ne parle plus des Roms, mais des Roumains. Eric Besson l'a dit : « Notre droit ne connaît les étrangers qu'à raison de leur nationalité. » Hortefeux livra donc des statistiques inédites sur la délinquance roumaine à Paris :  les actes de délinquance perpétrés par des Roumains à Paris auraient augmenté « de 259% en 18 mois »; les « actes violents commis par des mineurs roumains» auraient augmenté de 64 % en un an; les vols avec violence de 117%; « un acte de délinquance sur vingt » serait commis par un Roumain à Paris. Le ministre fourmillait d'anecdotes prises aux meilleures sources, comme celle-ci: « il arrive que la police interpelle dans la même journée deux ou trois fois les mêmes individus ». Rapidement, on s'est interrogé. Mais d'où le ministre sort-il ses chiffres ? La préfecture de police de Paris est gênée. L'OND aussi. Il renvoie vers le STIC, le Système de traitement des infractions constatées. Quelle curieuse séquence ! Les deux ministres tentaient cette semaine d'expliquer a posteriori qu'ils avaient raison. Et Eric Besson, pressé d'exister face à son encombrant collègue, a dévoilé l'une de ses prochaines mesures, l'invention d'un nouveau délit pour faciliter certaines expulsions : la « menace à l'ordre public à l'occasion d'actes répétés de vols ou de mendicité agressive ». L'ancien président Valéry Giscard d'Estaing vient à leur secours. Dans le Point, il explique que les Roms en situation irrégulière sont des citoyens roumains qui ne doivent pas être confondus avec « les gens du voyage installés depuis longtemps dans notre pays». Mais qui a créé, le 28 juillet dernier à l'Elysée, la première confusion ? Nicolas Sarkozy.
Eric Woerth déprime. 
La lecture de son portrait, le 3 septembre, dans les colonnes du Monde, est édifiante. L'épreuve personnelle est rude. Son système est mis à jour. Mais son système, ce mélange d'intérêts entremêlés est aussi celui de son patron. La semaine fut à nouveau riche en révélations : l'Express a publié un courrier signé d'Eric Woerth, daté de mars 2007, dans lequel le trésorier de l'UMP demandait au ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy d'accorder la Légion d'Honneur à l'homme d'affaires Patrice de Maistre, donateur du Premier Cercle de l'UMP et futur employeur, six mois plus tard, de l'épouse dudit trésorier. En juin, Woerth avait toujours démenti avoir demandé cette décoration. En septembre, il est contraindre d'avouer. Samedi, on apprend que la police a saisi deux courriers de Patrice de Maistre. L'un remercie son ami Eric pour son intervention, l'autre lui demande de lui remettre sa décoration. Ces lettres, écrit le journal, « démontrent qu'Eric Woerth a caché pendant trois mois sa demande de Légion d'honneur.»
Dans l'affaire de l'hippodrome de Compiègne, le Canard Enchaîné exhume une lettre datée de 2003, signée par le ministre de l'agriculture de l'époque, qui refusait au locataire des lieux l'acquisition des terrains propriété de l'Etat. Devenu ministre, le maire de Chantilly, commune voisine, autorisa la vente à prix bradé selon le Canard.
Et que dire de l'entourage d'Eric Woerth ? Même l'Elysée s'inquiète de la légèreté avec laquelle le ministre a géré l'affaire. Son jeune directeur de cabinet Sébastien Proto passe ses vacances, en 2009 comme en 2010, avec son ami Antoine Arnault, beau-fils de Patrice de Maistre et joueur de Poker. Il se serait même fait invité, tous frais payés, par Betfair, une société de paris en ligne, au Word Poker Tour de Las Vegas à l'été 2009. Autre proche du ministre, Hubert Monzat, ancien conseiller spécial du ministre du budget, a filé, en juillet 2008, à la direction générale de France Galop, après avoir livré ses recommandations sur la légalisation des paris en ligne. 
La Tribune de Genève révèle dans son édition de samedi où se situait l'appartement dans lequel Florence Woerth, « selon plusieurs sources concordantes » se rendait régulièrement pour le compte de son employeur de l'époque, la société Clymène qui gère la fortune de Liliane Bettencourt: une résidence à Château-Banquet, à Genève, « où les Bettencourt ont acquis un splendide appartement de… dix-neuf pièces de 433 mètres carré, au huitième étage. »
Mercredi, lors du conseil des ministres, Nicolas Sarkozy n'a pas eu de mot de soutien à l'égard de son ministre. L'Elysée et quelques ténors de l'UMP s'inquiètent qu'il ne puisse tenir encore longtemps. Sarkozy a demandé à Fillon d'assurer le service après vente de la réforme des retraites. Même les syndicats, jusqu'ici très discrets sur l'affaire, ont « lâché » le ministre après une rencontre de travail ce jeudi. Autre sujet de préoccupation, le nom de Sarkozy apparaît dans les carnets de note de François-Marie Banier, saisis par la police en juillet dernier. Mediapart et d'autres ont pu consulter le procès verbal de l'un des interrogatoires récents du proche de Liliane Bettencourt. Il confirme que la milliardaire lui avait confié les soutiens financiers passés au candidat Sarkozy. Et mercredi, Laurent Solly, ancien directeur de campagne de Sarkozy en 2007, a passé deux heures avec la police pour s'expliquer sur le traitement de la Légion d'Honneur de Patrice de Maistre.
Baroin dit la vérité... ou presque
... Et il dérange ! Dans un courrier adressé aux parlementaires, l'actuel ministre du budget avoue qu'il faudra bien augmenter les impôts ... après l'élection présidentielle. Pour mémoire, le gouvernement Sarkozy a promis à la Commission européenne et, accessoirement, aux marchés financiers, de ramener les déficits publics de 8 % du produit intérieur brut fin 2010 à 6 % en 2011, puis 3 % en 2013. Et ce ne sont pas les 500 millions d'euros économisés avec des non-remplacements de fonctionnaires retraités ou les 10 milliards d'euros de niches fiscales à raboter qui vont suffire.
Pire, pour saborder d'avance la crédibilité des futurs arguments de campagne du candidat probable Nicolas Sarkozy, on n'a pas trouvé mieux ! Sarkozy s'étrangle. Christine Lagarde vient en renfort, jeudi sur Europe 1, et bégaye une mauvaise réponse : Il ne faut « pas d’augmentation des prélèvements obligatoires, ça alors là moi je suis formelle ». Mais elle ajoute : « Moi, j'ai un horizon qui est la loi de finances et puis, évidemment, les engagements pris par le président de la République pour son quinquennat. » Il faudra se souvenir de cette séquence, plus tard, quand le futur candidat Sarkozy se dévoilera pour nous promettre, une nouvelle fois, qu'il n'y aura pas d'augmentations des impôts. Au Medef, Laurence Parisot éructe : « Vraiment, je ne le souhaite pas, parce qu'en matière de prélèvements obligatoires, le niveau est presque au niveau du nez : on peut à peine respirer .»
Cette semaine, d'ailleurs, diverses informations sur les plans gouvernementaux en matière de finances ont été dévoilées : ainsi, l'Elysée aurait décidé un rélèvement de la TVA sur les offres triple-play (actuellement taxée à 5,5% sur la moitié de leur prix) et la télévision payante. Si la mesure est adoptée, ces abonnements, qui concernent quelques 15 millions de Français, augmenteront de 10 à 15%. Et les créateurs de films s'inquiètent : ce taux réduit permettaient de financer leur films et autres fictions. Autre nouvelle taxation envisagée, le gouvernement envisage de récupérer 3,2 milliards d'euros sur l'assurance-vie. La CSG et la CRDS seraient prélevées chaque année sur la partie non risquée de ces contrats et non plus à leur dénouement. Au Sénat, Jean Arthuis réclame carrément une augmentation générale de la TVA, actuellement à 19,6%.
Sarkozy explique la retraite aux ouvriers
Vendredi, Nicolas Sarkozy clôturait sa semaine par l'un de ses déplacements qu'il affectionne, sur le terrain. Après les agriculteurs (il y a 8 jours), il était chez des « ouvriers », pour parler de la politique industrielle de la France. L'estrade de rigueur était dressé, afin qu'une caméra, filmant de loin, puisse immortaliser les 28 minutes d'intervention présidentielle au milieu d'ouvriers en bleu de travail. Sarkozy avait choisi son terrain, une usine du groupe Vallourec, qui fabrique des tubes pour les centrales nucléaires. Pas question d'aller se faire filmer dans une usine automobile ou à Gandrange. Le volontarisme présidentiel, sur le terrain, ne s'exprime plus qu'en zone protégée. Sur place, Sarkozy a défendu la suppression de la taxe professionnelle et le crédit impôt recherche qu'il aurait renforcé. Aux salariés de cette filiale de Vallourec, il a tenté de démontrer comment s'incarnait, dans les faits, son volontarisme: le Fond Stratégique d'Investissement a pris 5% du capital de Vallourec l'an dernier... Et pour Sarkozy, ces 5% changent tout. Son argumentaire sur la réforme des retraites fut tout aussi simpliste : le régime des retraite est déficitaire, l'espérance de vie a progressé et il ne veut pas augmenter les impôts. De toutes façons, il n'y aurait pas assez de « riches » pour financer les 700 000 nouveaux départs à la retraite chaque année. Donc, on doit travailler plus longtemps. CQFD.
La réalité sarkozyenne, sur une estrade de pacotille dans une usine de Bourgogne, est d'une simplicité déconcertante: on n'évoque jamais le bouclier fiscal, l'exonération des droits de succession, les niches fiscales diverses et variés sur les placements financiers, le gâchis de la défiscalisation des heures supplémentaires, et, d'une manière générale, l'incroyable déséquilibre de fiscalité entre le capital et le travail. Pas question non plus de parler de déchéance de nationalité pour les évadés fiscaux récidivistes. Cette menace, Sarkozy préfère la conserver pour d'autres.
« Méfiez vous toujours des gens qui vous disent c'est compliqué, tu peux pas comprendre. » expliquait-il vendredi.
Effectivement. Méfions-nous.


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