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Univers multiples, physique quantique et au-delà

Publié le 07 septembre 2010 par Rhubarbare

Cela fait bientôt 100 ans que la physique quantique fait partie du monde des physiciens, mais en termes de compréhension de ses implications profondes on est toujours dans le flou des hypothèses.

Pour rappel et résumer en une phrase ce qui occupe des livres entiers, la physique quantique se préoccupe de l’état microscopique de la matière où les éléments existent aussi bien sous forme d’onde que sous forme de particule, et où tous les états possibles d’une particule se superposent tant qu’une observation ne les précipite pas vers un état unique.

Tentons de cerner un petit peu la question.

On a sans doute tous entendu parler du fameux chat de Schrödinger, en même temps mort et vivant dans sa boîte piégée tant que l’observateur n’ouvre pas la boîte (superposition de deux états), auquel cas il se révèle effectivement mort ou vivant. Cette interprétation d’un choix décisif et unique de l’incertitude quantique est connue sous le nom d’interprétation de Copenhague. On ne sait pas vraiment pourquoi l’état final serait plutôt l’un que l’autre, ce qui mène à une autre interprétation , celle des univers multiples d’Everett: à chaque fois que l’on ouvre la boite du chat, l’univers se scinde en deux, l’un avec un chat mort et l’autre avec un chat vivant. Autrement dit, il existerait une infinité d’univers parallèles au nôtre, certains très différents (scission ancienne) d’autres très récents dans lesquels d’autres vous et moi pourraient être en train de lire ceci.

Cela ne résout pas vraiment le problème car la probabilité que e chat soit vivant ou mort n’est pas identique. Ces probabilités sont calculées par un outil mathématique appelé règle de Born. Si la probabilité de survie du chat est de 70%, l’univers dans lequel le chat est vivant est-il plus « vrai » que dans celui ou le chat est mort?

Pour sortir de cette impasse plusieurs physiciens, Anthony Aguirre de l’University of California, Santa Cruz, Max Tegmark du Massachusetts Institute of Technology, et David Layzer de la Harvard University postulent l’existence d’une infinité d’univers indépendants parallèles au nôtre, ce qu’ils appellent un « multiverse ». Ceci leur permet de calculer la probabilité d’un événement quantique dans un dans u multiverse – sans avoir recours à la règle de Born. Ce calcul est basé sur le principe suivant: dans un ensemble composé d’une infinité d’univers, la probabilité d’un événement donné correspond au nombre d’observateurs de cet événement.

Cette approche fonctionne aussi bien avec l’interprétation de Copenhague qu’avec cette d’Everett, il n’est donc plus nécessaire de choisir entre l’une ou l’autre interprétation.

Néanmoins ceci ne répond pas à la question de l’origine de l’essence probabiliste du monde quantique. Selon Caslav Brukner de l’Université de Vienne en Autriche, il nous manque toujours un ensemble de principes physiques crédibles à partir desquels on pourrait dériver une théorie quantique. Reste également l’irréconciliabilité entre le monde quantique et la relativité d’Einstein.

Dans les années 60, le chercheur du CERN John Bell tavailla sur la notion de corrélation en physique quantique (l’effet d’un événement sur un a utre). En physique classique, il faut un clair effet de cause à effet pour introduire une corrélation entre deux évènements. Par exemple, si je dispose d’une paire de chaussettes rouges et que j’en met une au pied, il est évident que l’autre dans son tiroir reste rouge quoi que je fasse. C’est l’application des principes de réalisme (les propriétés d’un objets existent indépendamment de la mesure) et de la localité (ces propriétés sont indépendantes de toute influence extérieure). Il s’avère qu’un niveau quantique cela n’est pas si simple, et c’est plutôt le fait de mettre une première chaussette rouge qui fait que le seconde chaussette sera également rouge. Autrement dit, l’un ou l’autre ou les deux principes précités (réalisme et localité) sont faux. Les corrélations quantiques sont beaucoup plus importantes qu’en physique classique. En 1994 des chercheurs calculèrent le niveau de corrélation qui existerait si la seule limite à la causalité était de ne pas dépasser la vitesse de la lumière (Foundations of Physics, vol 24, p 379).

Il s’avère qu’une telle théorie permettrait un niveau de causalité encore plus élevé. Pour reprendre l’exemple des chaussettes, le simple de fait de penser à mettre une chaussette rouge ferait en sorte qu’elle devienne rouge. Et que dans le même temps l’ensemble de sa tenue vestimentaire. Et tous les choix effectués pendant la journée.

Mais alors, pourquoi la réalité apparente de la physique au niveau quantique a t-elle la corrélation qui est effectivement mesurée, et non pas une corrélation plus basse (telle la physique classique) ou une corrélation plus élevée telle qu’elle serait théoriquement possible? Une réponse à cette question permettrait de mieux comprendre le processus physique sous-jacent.

La clé pourrait être la notion d’enchevêtrement: la réalité quantique observée est un enchevêtrement de deux facteurs, d’une part les états à l’instant t des éléments composant le système quantique, d’autre part les probabilités de corrélations entre ces divers éléments. Selon Bruckner, il est plausible que ce soit cet enchevêtrement quantique qui donne sa stabilité à la matière.

Mais il se pourrait également que nos observations expérimentales soient incomplètes, et que les théories correspondant à ses observations soient dés lors elles aussi incomplètes. Miguel Navascues du Imperial College de Londres examine les niveaux de corrélation que pourraient induire des théories « raisonnables » sous différents types de contraintes – par exemple la compatibilité avec la physique classique à l’échelle macroscopique. Il s’aperçoit que là aussi le niveau de corrélation est supérieur au niveau effectivement observé. De ceci on peut penser qu’il existe « quelque part », invisible par la science actuelle, un autre processus qui serait décrit par une théorie encore plus bizarre que la théorie quantique. Une théorie qui pourrait également intégrer la gravité. C’est une piste, mais pour l’instant seulement une piste.

D’autant que Stephen Hawking, dans son dernier livre The Grand Design (voir ce billet de Michbret)  avec Leonard Mlodinow, jette un pavé dans la mare en proposant qu’une théorie unifiée de l’univers est tout simplement impossible, fondamentalement inexistante. Il n’existerait que des « fenêtres » théoriques illustrant certains aspects de la réalité, mais pas la réalité entière. C’est en fait une approche quasi identique au perspectivisme qui considère le point de vue comme condition de la manifestation du vrai. Amusant quand on sait que Hawking est celui qui déclarait que la philosophie était morte… Hawking se base sur le modèle multiverse (voir ci-dessus) pour expliquer que malgré l’impossibilité d’accéder à une théorie fondamentale « de tout » il n’est néanmoins pas nécessaire de faire appel à Dieu car dans un nombre infini d’univers il est certain, par définition, que les conditions nécessaires à la venue de la vie telle que nous la connaissons existeront quelque part. Ici, en l’occurrence. 

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