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L'émotion et le principe de réalité

Publié le 04 décembre 2007 par Omelette Seizeoeufs

En pensant un peu plus à ce que je disas hier sur Sarkozy et les FARC, je réfléchissais un peu plus sur ce que disais Nicolas vendredi dernier:

Il parait qu’Ingrid Betancourt est vivante. Je suis bien content pour la famille mais je m’en fous à peu près autant que de la vie sexuelle de Leonid Brejnev. Ca fait des années qu'on nous parle de cette dame que je ne connais pas. Pourquoi m'en parle-t-on ? Elle a choisi de vivre dans un pays où la coutume veut qu'on enlève les gens. Elle s'est faite enlever : c'est son problème.

Si elle avait choisi de vivre en France où la coutume est de picoler au bistro avec les copains, elle n'en serait pas là. Elle aurait peut-être une cirrhose du foie et on n'en parlerait pas.

A première vue, on est tenté de penser que Nicolas est un peu sévère avec quelqu'un qui est réellement une ôtage, à la différence des fameux usagers des transports publics en France. Les FARC ne sont pas des enfants de choeur, et c'est difficile de dire qu'il n'est pas si grave s'ils prennent des ôtages de la sorte.

Mais, d'un autre côté, Nicolas a raison (comme souvent). Car si on peut regretter et même dénoncer sévèrement ce qui arrive à Ingrid Betancourt, il faut mettre les choses en perspective. Est-ce le sort d'une personne une raison suffisante pour faire dévier la politique étrangère d'un pays de premier plan comme la France? Habituellement les chefs d'état qui veulent se montrer forts ne cessent de répéter qu'ils négocieront jamais avec des preneurs d'ôtages, avec des terroristes, etc. Habituellement, tout en disant cela, ils négocient quand même avec les terroristes ou les preneurs d'ôtages, mais toujours en off. Il y a des bonnes raisons de procéder ainsi : éviter, avant tout, d'encourager d'autres groupes à faire la même chose; maintenir l'image d'un grand état qui ne se laisse pas influencer pour des broutilles, qu'on ne peut pas faire chanter.

Pourtant, Nicolas Sarkozy a déjà reçu Chavez, ce qui n'est pas forcément une mauvaise en soi, seulement cette visite n'avait d'autre but que d'avancer sur le chemin d'une éventuelle libération d'Ingrid Betancourt. Autrement dit, sans son enlèvement, Sarkozy n'aurait jamais reçu Chavez. Autrement dit, les FARC ont déjà réussi à faire dévier la politique d'un grand pays européen.

Et pourquoi tout cela, en fait? La raison profonde, qui n'est pas justement si profonde, c'est que le Très Grand Homme, dans son désir irrépressible d'être à la fois Père Fouettard et Père Noël, a donné aux victimes à statut quasi divine. Il reçoit sans arrêt à l'Elysée, parce qu'être victime, c'est, pour lui, une véritable affaire d'état. Rien ne peut s'opposer aux souffrances des victimes, quitte à condamner les irresponsables s'il le faut.

Du coup, la politique étrangère se trouve coincée dans le discours émotionnel du président. Nea disait l'autre jour dans un commentaire ici que Sarkozy

n'a aucune stratégie de communication, il ne pense pas, il se laisse porter par ses émotions.

A mon avis il pense un peu, quand même, et que sa force électorale est, ou fut, de pouvoir canaliser l'émotion publique, mais Nea a sûrement raison. Voici, avec Chavez et les FARC, que ce discours sentimental se heurte à la dure réalité du monde. Et comme d'hab', c'est la comm' qui domine et qui fait tout basculer.


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