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Sur l'oeuvre d'Amélie Nothomb.

Par Laurelineamanieux
"La marge", dans le journal belge Le Soir
Par le critique JACQUES DE DECKER
Vendredi 27 novembre 2009
NOTHOMB et YOURCENAR SOUS LE SCALPEL
On ne le sait pas assez, mais Amélie Nothomb ne se contente pas, depuis près de deux décennies, d’enchanter des centaines de milliers de lecteurs dans le monde. Elle mobilise aussi sous toutes latitudes quantité de têtes chercheuses. Elle est l’auteur de langue française en activité qui réussit le mieux la synthèse de la popularité massive et de la curiosité savante. La critique littéraire est prise en tenaille entre ces deux phénomènes. Comment ignorer un auteur qui a tant d’admirateurs passionnés ? Comment traiter à la légère une écrivaine que les facultés de lettres dévorent avec tant d’appétit ?
Laureline Amanieux est la plus en vue de ces universitaires. Il y a quatre ans paraissait d’elle Amélie Nothomb, l’éternelle affamée qui était déjà une plongée avertie, sans stupeur ni tremblement, dans l’univers de la plus lettrée des Ardennaises. Le récit siamois est une étude plus vaste et plus autorisée encore, née d’une thèse de doctorat défendue à Nanterre. Nourri des travaux de Gérard Genette, de la philosophie de Paul Ricoeur et d’une solide culture psychanalytique (en effet, comment aborder les romans de Nothomb sans les lumières du Mot d’esprit et sa relation à l’inconscient de Freud ?), ce copieux essai, écrit d’une plume limpide, vrille l’œuvre et va à son noyau : la quête d’identité, la mise en question de l’individualité cohérente, et le vécu de la mutation anthropologique que tout animal humain traverse lors de son passage de l’enfance à l’âge adulte. Amanieux nous fait mieux comprendre ce qui constitue l’universalité chez Nothomb : sa capacité de mettre en mots une crise vitale et inévitable qui n’avait jamais été exprimée avec tant d’audace, de pertinence et d’humour.
Bérengère Deprez s’attaque à une autre icône de nos lettres. Cette universitaire belge attachée à l’UCL, romancière par ailleurs, est, avec Michèle Goslar, la plus grande spécialiste de Yourcenar dans nos contrées. Une bourse de la fondation Fulbright lui a permis d’approfondir à Harvard les relations de l’auteur de Feux avec les Etats-Unis dont elle a acquis la nationalité et où elle a coulé, sur une île au large du Connecticut, ses jours les plus sereins. Son livre est riche et composite, comprend un entretien inédit et montre combien l’exil américain a favorisé l’évolution de la pensée de l’auteur « from prophecy to protest ». Car Deprez a écrit son livre en un anglais maîtrisé et clair, abordable par les usagers de la « lingua franca » que nous sommes en train de devenir malgré nous.
Laureline Amanieux, Le récit siamois. Identité et personnage dans l’œuvre d’Amélie Nothomb, Albin Michel,448 p., 22 euros.
Bérengère Deprez, Marguerite Yourcenar and the USA, P.I.E. Peter Lang, 184 p., prix non indiqué.

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