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J’fais mou. Cinq fois déjà depuis mon réveil. Mais ça...

Publié le 12 septembre 2010 par Fabrice @poirpom
J’fais mou. Cinq fois déjà depuis mon réveil. Mais ça...

J’fais mou. Cinq fois déjà depuis mon réveil. Mais ça va.

Au téléphone, Monsieur se laisse aller à une confession intestinale. Ça change des considérations météorologiques.

J’suis en costard depuis 9 heures du mat’.

La moquette du 17m2 avec kitchenette est limé par les deux mille fois cents pas effectués consciencieusement pour tenter d’apaiser les problèmes de transit.

En vain, apparemment.

Windsor à la con. J’ai fait des recherches sur le net. J’ai même trouvé une vidéo. J’bataille depuis trente minutes…

Silence radio.

Franchement, un marié sans cravate, c’est vraiment un problème?

Une maman sait faire ce genre de choses.

Ma mère, bien sûr. Ma mère sait faire ça.

Tout a commencé par un SMS, cet été, pendant la folie marseillaise. Un SMS est un message techniquement limité à 160 caractères. Merci d’être précis et concis.

Attention dernière minute. Recherche témoin eh ouuuiii

53 caractères, espaces et variations orthographiques inclus. Larmichette, éclat de rire et hyperventilation non mentionnés.

Puis il y a eu le faire-part. L’invit’. Le flyer avec le coupon pour l’open bar, en quelque sorte.

Monsieur et Madame vous attendent à la Mairie à 15 heures le vendredi 10 septembre.

Le périphérique est une boucle de bitume de 35 kilomètres seulement. À l’intérieur, Paris. Une bourgade, finalement. Avec vingt arrondissements et, approximativement, autant de mairies.

La mairie est donc une notion suffisamment vague pour s’avérer totalement inutile.

C’est rue… Non, boulevard… Non, rue, c’est RUE! C’est pas l’moment d’se gourer!

Soupir. 7.2 sur l’échelle de Richter. Dans le souffle, le coup de calgon insignifiant d’un mecton paumé sur la planète Terre.

J’vais aller fumer ma soixante-dix-septième clope. Rendez-vous à la mairie.

Sur le parvis, Monsieur, d’ordinaire affublé d’un vieux cuir en phase terminale, d’un jean’s limé et d’une paire de baskets éventrées, fume sa cent-vingt-huitième cigarette dans un costume tellement brillant que les passants plissent les yeux à son approche. Windsor à la con bien serré, pompes qui grincent. Beau comme un camion Caterpillar qui sort de l’usine. 

Le paki en bas de chez moi m’a taillé le bouc pour quatre euros. Classe, non?

Mister Enjoy, l’autre témoin de Monsieur, complète le guide des bons plans.

J’ai topé ma cravate pour un euro dans une friperie du Marais. Classe, non?

Madame est encore chez le coiffeur-maquilleur-enchanteur.

Le mec l’a installée sur un fauteuil avec trente minutes de retard. TRENTE MINUTES. Ils prennent vite la confiance, les gens…

Madame apparaît enfin, radieuse et lumineuse, dans une courte et claire robe. La légère brise fait danser le tissu. La chair de poule texture sa peau. Elle est entourée par une partie des parents de Monsieur. La maman, accompagnée. Qui serre Junior dans ses bras, passe la main dans ses cheveux.

C’est quoi cette coupe de cheveux? T’aurais pu faire un effort pour aujourd’hui, non?

Soupir, sourire. Il l’enveloppe de sa carrure trop grande pour cette Terre, presse son bouc fraîchement taillé contre sa joue et l’embrasse.

L’autre partie des parents s’approche lentement. Le papa, accompagné.  

Monsieur écrase sa cent-trente-neuvième cigarette.

Ça fait treize ans. Depuis le divorce. Ils se sont pas revus.

Des rides et de la bedaine en plus, selon leurs propres dires. Accolades. Considérations météorologiques, blagues foireuses. 

En cet instant, Windsor à la con est beaucoup trop serré. Monsieur déglutit dans la douleur.

Un tremblement de terre peut parfois passer totalement inaperçu.

Face à l’adjointe au maire, l’ambiance est détendue. Des ados attardés en costume de Première Communion bavassent dans la cour de récré.

J’ai revendu ma Wii. J’y jouais plus. M’a gonflé.

Grosse actu dans la vie de Monsieur.

J’ai récupéré un nouvel ordi il y a un mois. J’ai installé Starcraft II. Une bombe. J’y passe mes nuits.

L’adjointe rappelle poliment à l’ordre.

Détendu le marié. Les mains dans les poches. C’est non-fumeur dans l’enceinte de la Mairie.

Monsieur retire les mains de ses poches. Puis range ce qui aurait pu être sa cent-quarante-troisième cigarette, restée coincée entre ses lèvres.

Le petit comité s’installe gentiment. Écoute poliment. Tremble intérieurement.

Il est de ces moments où les mots manquent.

Un très joli sourire.

Une confession intime au milieu d’une foule bruyante.

Un sourire béat de fin de soirée, le cul posé dans un salon enfumé.

Une peau de bébé.

Un éclat de rire, jovial et tonitruant.

Une marque de bretelle sur une épaule.

Une photo floue et mal cadrée.

Oui.

Le premier mariage d’une génération de branquignols.

Oui.


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