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Affrontements à Mitrovica : de l'événement sportif aux tensions intercommunautaires

Publié le 14 septembre 2010 par Geo-Ville-En-Guerre @VilleEnGuerre

Affrontements à Mitrovica : de l'événement sportif aux tensions intercommunautairesDans son blog sur les émeutes dans le monde, l'anthropologue Alain Bertho nous apprend de récents affrontements intercommunautaires entre Serbes et Albanais de Mitrovica, la ville-symbole du Kosovo. "Les affrontements ont suivi la défaite de la Serbie face à la Turquie en demi-finale du championnat du monde de basketball, selon la police" (Alain Bertho, "Basket : affrontement à Mitrovica", Anthropologie du présent, 12 septembre 2010). Ce type d'utilisation politique d'événements sportifs se multiplie dans les Balkans (voir les billets "Sport, violence, politique et processus de paix dans les Balkans", "Les hooligans dans les Balkans : les lieux des revendications politico-identitaires", et le power-point "Violences, sport et processus de réconciliation au Kosovo : Analyse des actions humaintaires dans la ville de Mitrovica"). Ces violences se sont déclenchées entre hooligans supportant des équipes emblématiques pour chacune des deux communautés majoritaires dans la ville : l'équipe de Serbie pour les Serbes du Nord de la ville, et l'équipe de Turquie (pays musulman, qui a toujours apporté son soutien aux Albanais du Kosovo) pour les habitants du Sud de la ville. Les affrontements ont eu lieu, comme dans toute période de violences intercommunautaires dans cette ville, sur le pont de Mitrovica, ancien mis en scène comme le symbole de l'impossible réconciliation entre les deux communautés (voir l'article "Des ponts entre les hommes. Les paradoxes de géosymboles dans les villes en guerre").
Autre aspect qui doit être pris en compte dans la sécurisation et la pacification de la ville de Mitrovica : les lieux où se déroulent les événements sportifs locaux. La géographie du lieu prend ici toute son importance : le gymnase où se déroule généralement les matchs de basket à Mitrovica se trouve en effet à proximité du pont central, géosymbole de toutes les tensions au Kosovo. Ce gymnase, longtemps occupé par les militaires français, tout comme le centre culturel, afin de créer une zone de confiance autour du pont de Mitrovica, a été rendu aux institutions locales et aux habitants de Mitrovica, et a ainsi pu retrouver sa fonction de lieu d'accueil d'événements sportifs. Pourtant, la proximité du pont n'est pas sans conséquence, surtout lors de rencontres sportives opposant des équipes locales qui représenteraient les deux communautés. Pour l'heure, le gymnase, situé sur la rive Sud de la rivière Ibar, séparant dans la ville de Mitrovica les deux quartiers serbe au Nord et albanais au Sud, accueille principalement des rencontres d'équipes etnhiquement homogènes, et surtout non adversaires sur le point de vue identitaire. C'est bien l'une des limites au processus de stabilisation du Kosovo, et l'un des paradoxes des processus de sortie de crise auxquels sont confrontées les armées engagées dans des missions de maintien ou d'imposition de la paix : sécuriser revient à séparer les adversaires, tandis que réconcilier demande de faire se côtoyer les différentes communautés. Plus de 11 ans après la fin de la guerre du Kosovo, la ville de Mitrovica, même dans ses événements sportifs et festifs, reste une ville divisée.
Affrontements à Mitrovica : de l'événement sportif aux tensions intercommunautairesLe gymnase, à proximité du pont de MitrovicaSource : Bénédicte Tratnjek, mémoire de maîtrise, 2004.

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