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Déjeuner à Kai Afer

Publié le 10 mai 2007 par Argoul

As the ford is crossed, we can progress in the bush for 140 km today to Jinka. We have lunch in Kai Afer whose name means ‘red ground’. The ‘restaurant’ is only a place where you can eat… if you have your own lunch. Only local eggs are available, and beer or Coca for drink. It is really easy to speak in English with boys around; they are fond of it and try to send anything they can.

Kilkila :

Après le gué, nous nous arrêtons une dizaine de minutes au village de Turmi. Le marché n’est pas encore bien vif mais les enfants, toujours présents, nous reconnaissent et nous entourent. Je retrouve un Kilkila de 10 ou 11 ans, maigre mais à belle tête, et qui parle un peu anglais. Aujourd’hui, nous sommes lundi, il ne va pas à l’école, « c’est un jour férié musulman » (hum !). L’ethnie Amer n’est pas en majorité musulmane mais l’Ethiopie se laisse gagner par l’islam, très actif grâce aux financements du Golfe, et très à la mode parmi les plus pauvres avec ses réponses simples sur tous sujets. L’islam lutte avec les Evangélistes pour convertir à tour de bras.

Nous avons 140 km de piste en terre rouge à faire aujourd’hui pour arriver à Jinka. Plusieurs oueds boueux se dressent entre nous et l’objectif. L’un des chauffeurs, nommé Mengistu bien que ses rondeurs le rendent rien moins que dictatorial, doit retenter le coup, presque immobilisé par la boue faute d’élan. J peste : « toujours à n’en faire qu’à sa tête, celui-là ! ».

Au milieu de la matinée, comme nous sommes un groupe de marcheurs, les 4×4 nous débarquent pour que nous continuions un moment sur la piste, durant qu’il ne fait pas trop chaud. Le pays apparaît très cultivé par l’ethnie Amer de la sous-ethnie Bana. Nous longeons des pâturages d’où nous observent de petits bergers tout nus ou au pagne enroulé sur les reins. Un paysan laboure sa terre à sorgo avec deux bœufs. Un jeune nous interpelle, il veut de l’argent parce que nous prenons en photo « son paysage ». Il ne faut pas exagérer !

Nous croisons 4 4×4 bourrés d’Allemands bien portants qui s’arrêtent, ébahis de nous voir ainsi marcher tout seuls, sans sac, en pleine brousse. Leur führer parle anglais assez bien et je leur explique pourquoi nous allons ainsi sur cette piste peu fréquentée.

Les voitures, d’ailleurs, nous rejoignent et nous remontons. Le pays devient plus vert et plus riant. L’herbe grasse et les arbres à profusion composent des prés comme en Limousin, étonnant pour ce que nous croyions savoir de l’Ethiopie !

La pause déjeuner a lieu au village de Kai Afer, dont le nom signifie « terre rouge ». La salle du bar est décorée kitsch, peinte de quelques scènes sur fond jaune ocre, le plafond orné d’une frise en tissu fraise. Il ne s’agit pas d’un « restaurant » mais plutôt d’une « auberge espagnole » : nous apportons notre pique-nique (salade de légumes et gigot froid). Mais nous achetons quand même chacun une omelette d’ici, pour faire marcher le commerce, et nous consommons des boissons. Bière ou Coca sont l’éternel choix des pays tiers.

Nous avions faim, nous étant presque endormis avant le repas, dans la voiture qui pourtant secouait. Nous nous sommes levés tôt ce matin et la chaleur de midi nous achevait. La bière fraîche nous a requinqués et nous avons fait honneur au déjeuner. Nous n’étions pas les seuls. Un jeune chat roux et blanc pleurait de faim sous la table et je lui ai passé discrètement les déchets de gigot préparé depuis Addis et conservé jusqu’ici en glacière. Il s’est frotté la tête d’amitié sur ma main tant il n’avait pas dû faire de repas semblable depuis sa naissance. Aussitôt après, il est allé dormir.

Lorsque nous sortons sur la terrasse qui donne sur la rue, les gamins dépenaillés nous tournent autour, les adolescents viennent nous proposer des bracelets et des petits sièges en bois appelés bolkotos. Un jeune Emmanuel, à la veste de jean décolorée d’usure et aux boutons presque tous arrachés, me tient conversation en anglais. Je lui donne un birr au moment du départ, comme cadeau d’adieu, n’ayant à disposition ni crayon ni briquet. L’argent est chez nous connoté « mal » ; en ces pays, il est un don, tout comme peuvent l’être un quelconque objet. Il nous faut toujours faire effort de sortir de soi pour tenter de comprendre comment fonctionnent les autres, sortir du “conventionnel moral” français à la bonne conscience en bannière : ici, nous ne sommes pas dans un vieil Etat démocratique à protection sociale minimum - ici, nous sommes “en Afrique”.


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