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Un baiser, s'il vous plait

Par Luc24

Emmanuel Mouret est un cinéaste à part dans le paysage cinématographique français. Son univers décalé , ses dialogues très écrits et parfois le recours au non jeu lui valent à la fois l'admiration des cinéphiles (qui n'hésitent pas à le comparer à Rohmer) et la colère de bon nombre de spectateurs qui ne parviennent pas à pénétrer dans son univers décalé, à cerner ses intentions et la subtilité de ses oeuvres. Pour ma part, je le dis : je suis fan ! Après le très réussi Changement d'adresse, j'attendais donc non sans impatience ce nouvel opus, le premier de Mouret à se baser sur un casting solide. Réussite ?

La critique  

Avec grâce et humour, Mouret signe la comédie de l'année

Une fin d'après-midi à Nanterres. La douce Emilie (Julie Gayet) demande son chemin au charmant Gabriel (Michaël Cohen) qui se balade dans la rue. Il suffit d'un regard pour qu'il y ait du désir dans l'air. Gabriel la racompagne à son hôtel et tente de l'embrasser. Mais Emilie refuse de lui donner ce baiser. Car il lui rappelle une histoire malheureuse qui a touché quelques uns de ses proches. Emilie n'est pas célibataire, Gabriel non plus. Ils ont tous les deux envie de ce baiser malgré tout. Gabriel semble bien plus téméraire qu'elle et la curiosité l'emporte lorsqu'elle se refuse à lui. Alors, cet homme et cette femme vont parler. Toute la nuit, elle va lui raconter l'histoire qui l'a bouleversée et qui l'amène à agir de la sorte. C'est l'histoire d'un baiser à priori sans conséquences mais qui a provoqué de graves dommages. C'est l'histoire de Nicolas (Emmanuel Mouret) et de Judith (Virginie Ledoyen). Nicolas est professeur de Mathématiques, Judith fait de la recherche. Cette dernière vit avec son compagnon Claudio (Stefano Accorsi), un jeune homme de bonne famille et pharmacien, depuis des années et partage avec lui une relation calme mais épanouie. Nicolas, pour sa part est célibataire et se retrouve heurté à un sérieux problème : il est en manque de relations physiques. Il ne veut pas débuter une relation avec une fille juste pour coucher, il a déjà essayé une prostituée...mais rien n'y fait. Il a besoin d'amour charnel avec une personne avec qui il se sent complice. C'est pourquoi il propose maladroitement  à son amie de longue date Judith de lui venir en aide. Surprise, cette dernière finit par accepter. Mais lorsque ces deux amants improvisés se retrouvent à s'embrasser puis à coucher ensemble, un profond désir les envahit. Pris de cours, Nicolas et Judith évitent de se voir avant de finalement céder à la tentation d'une liaison. Et si finalement ce qui ce passait entre eux était de l'amour ? Voilà qui n'est pas simple : Nicolas ayant depuis quelques temps entamé une relation avec une jeune femme prénommée Caline (Frédérique Bel). Il refuse de la faire souffrir, Judith pour sa part ne s'imagine pas loin de son Claudio et refuse de lui briser le coeur. Alors le couple maudit met en place tout un stratagème pour que tout le monde puisse s'en sortir sans trop de conséquences. Mais on se doute bien que la chance ne sera pas avec eux. Comment finira leur histoire ? Après une soirée de confessions, Emilie et Gabriel s'abandonneront-ils à leurs pulsions ?

Michael Cohen a envie de s'é-Gayet

C'est un régal ! Dès les premières scènes nous pouvons retrouver l'univers complètement décalé d'Emmanuel Mouret. La maladresse des personnages, les dialogues aussi percutants que drôles et littéraires. Le charme ne manque pas, d'autant plus que Julie Gayet et Michael Cohen forment un duo irrésistible. Elle, est très hitchcockienne et joue avec maitrise de sa voix et de son corps. Lui, a le regard doux et pétillant et le charme discret d'un héros romantique. On se croirait plongés dans une supebe comédie romantique des années 50. Voilà qui est encourageant : la grâce est atteinte dès les 10 premières minutes. Puis vient le récit de Judith et Nicolas. L'occasion de retrouver toute la fantaisie de Mouret, acteur comme réalisateur. Il reprend son personnage de lourd maladroit et romantique, pas tout à fait sorti de l'enfance. La scène de la prostituée ou la fameuse séquence où Mouret et Virginie Ledoyen passent à l'acte non sans maladresses constituent de véritables sommets burlesques. C'est à la fois romantique et complètement grossier, mignon et complètement improbable, dramatique et infiniment second degré. Il y a tellement de charme dans ces séquences qu'on pardonnera volontiers à Virginie Ledoyen son jeu parfois aproximatif. En effet, l'actrice ne semble pas toujours à l'aise dans l'univers très spécial du réalisateur. Mais plus le film passe, plus elle semble s'en imprégner et finit par nous toucher.

Car si Un baiser, s'il vous plait est un film incroyablement drôle de par son comique de situation implacable, c'est une oeuvre qui possède différents niveaux de lecture. On peut la prendre comme un marivaudage extrêmement naïf mais aussi comme un drame bourgeois particulièrement cruel et triste. On comprend bien cela lorsque le réalisateur propose ,après moultes situations cocasses, d'épouser le point de vue du pauvre cocu de l'histoire : Claudio. Non, un baiser n'est jamais sans conséquences, surtout lorsqu'il est adultère. Il y a toujours quelqu'un de trahi, quelqu'un qui souffre loin du plaisir égoiste des amants amusés.

Ce n'est pas avec ce nouvel opus que Emmanuel Mouret parviendra à séduire ceux qui sont réfractaires à son cinéma. Son humour est toujours aussi grossier, ses personnages toujours aussi enfantins, leurs réactions toujours aussi incroyables. Néanmoins il y a bien une évolution avec Un baiser, s'il vous plait. Mouret livre peut être ici son scénario le plus abouti. La construction autour de la narration est ainsi absolument passionnante et réussie. Julie Gayet excelle en narratrice et les parenthèses offertes au récit de Judith et Nicolas sont à chaque fois un véritable bonheur. Différents niveaux de narration donc, mais aussi différentes ambiances, différents genres de cinéma. Avec d'un côté l'univers aceptisé et délirant du Mouret qu'on a connu jusque là et de l'autre côté un monde plus adulte, plus mature et réfléchi. On remarquera ainsi une photographie plus soignée que dans ses précédents films et une utilisation de la musique bien plus vaste. Les mélodies classiques employées, complètement dénaturées, servent à merveille le récit en nous faisant passer de la joie enfantine à une mélancolie profonde. Enfin, toujours côté construction, on remarquera le soin apporté à tous les personnages. Aucun n'est inutile, chacun est porteur d'une histoire. Frédérique Bel refait donc des étincelles avec un personnage aussi touchant qu'hilarant.

Pour moi, Un baiser s'il vous plait remporte sans aucune difficulté le titre de comédie de l'année. Pour ses personnages, ses situations, son humour particulier, sa grâce, son audace aussi. Il serait dommage de cracher sur ce film sans vouloir comprendre l'univers de son auteur (car Mouret est bel et bien un auteur). La scène finale justifie à elle seule de payer sa place de cinéma. Et pour tous les amateurs du cinéaste, en plus de la jubilation habituelle on se retrouve pour la première fois avec la chair de poule en sortant de la salle. Ce coquin d'Emmanuel Mouret est un sacré romantique et conteur d'histoires...

Cliquez pour lire mon post sur le cinéma de Emmanuel Mouret


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