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La mort du dessin politique en Inde (1/2)

Publié le 16 septembre 2010 par Olivia1972

Nos lecteurs connaissent Hemant Morparia qui est médecin et dessinateur de presse. Hemant a publié récement un article sur un thème qui lui est cher : la mort imminente du dessin politique en Inde. Nous avons trouvé son article très intéressant et nous l'avons traduit en français pour les lecteurs d'Indiablognote. Les dessins qui illustrent cet article sont d'Hemant.

Bien qu’il soit peut-être prématuré de prononcer son oraison funèbre, plusieurs signes montrent que l’état de santé de la caricature politique se dégrade sérieusement. Et il y a de quoi être préoccupé. Cette dégradation et ce déclin ont débuté dans les années 90, ce que les lecteurs de plus de 35 ans ont peut-être remarqué. Cela coïncide avec l’entrée de l’Inde sur la scène internationale, avec l’ouverture du marché qui a accompagné la globalisation. Même si cela a eu des effets bénéfiques pour beaucoup d’entreprises, y compris les entreprises de presse, la globalisation a accompagné ou entrainé le déclin de la caricature politique. Mais s’agit-il d’une pure coïncidence ? Pas sûr.

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L’Inde a une riche tradition en matière de dessins de presse satiriques ou humoristiques. La caricature politique est parfois prise pour une représentation caricaturale du milieu politique. Ce qu’elle n’est pas.

Un bonne caricature politique exprime une opinion qui cristallise la vérité, encore invisible par beaucoup, à propos d’événements en devenir. La caricature saisit l’esprit d’une moment particulier bien avant l’opinion publique. Autrement dit, la caricature politique permet d’entrevoir les conséquences de ce qui se passe et d’aller directement à l’essentiel. Et ce, d’une manière concise, précise et incisive avec esprit et panache. C’est une opinion originale d’un observateur qui est en avance sur son temps (et qui ne deviendra évidente que plus tard). C’est ce qu’ont réalisé des caricaturistes tels que Abu Abraham (NDLR : journaliste et dessinateur indien, 1924-2002, voir plus bas) et O V Vijayan (autre journaliste et dessinateur indien, 1930-2005). Mais ils travaillaient à une autre époque.

Nous visons maintenant dans un pays de 1.2 milliard d’habitants. Et dans le domaine de l’art et de la culture, nous produisons des milliers d’excellents musiciens, des centaines d’excellents artistes, réalisateurs et écrivains. Arrêtons-nous un instant et essayez de citer le nom de quelques très bons dessinateurs politiques. Allez-y! Prenez votre temps. Alors, combien de noms avez-vous trouvé ? Trois, cinq, huit ? Pas plus de dix ! Je le savais. S’il y avait un indicateur qui mesure le ratio nombre de dessinateurs politiques par rapport au nombre d’habitants, nous serions en-dessous de l’Afrique sub-saharienne. Nous sommes une nation de jeunes. Les caricatures sont sur le registre de l’humour, du plaisir, du rire, de la révolte, de la colère, bref tout ce qui touche les jeunes. Et notre palmarès en matière de dessins politiques, alors que nous sommes une nation de jeunes, est bien pauvre. Essayons d’en comprendre les raisons.

Tout d’abord la période d’incubation est longue pour faire un dessinateur ; il faut du temps pour qu’un jeune dessinateur rencontre le succès. De la même manière il faut du temps aux lecteurs pour apprendre à connaître un dessinateur et son humour, jusqu’au moment où on ne peut plus se passer de lui. Et cela suppose que les rédacteurs de journaux fassent confiance et investissent en temps et patience dans les nouveaux talents. Mais tout cela est entravé par beaucoup de choses.

Tout cela est entravé par le manqué d’autorité éditoriale. Les journaux ont perdu beaucoup de leur autorité et de leur importance ces dernières années. Les rédacteurs en chef ne sont plus aussi importants qu’ils ne l’étaient par le passé ; les décisions sont prises par des comités composés  d'hommes d’affaires qui raisonnent surtout en termes de business et les opinions de dessinateurs ou de politiciens sont sacrifiées aux intérêts commerciaux. Quant aux dessinateurs les plus connus ils deviennent souvent des divas et peuvent ne pas être en phase avec les lignes éditoriales ; alors pourquoi fabriquer ces divas ?

Plusieurs de ces divas ont vu leurs talents étouffés, peut-être parce qu’ils n’étaient pas aussi sûrs d’eux-mêmes ; ils ont continué à s’auto-censurer même après avoir atteint leur apogée.

Même si le vrai talent est rare, cela ne suffit pas à expliquer le faible nombre de dessinateurs dans ce pays ; il faut en effet se rendre compte que le métier de dessinateur nécessite une combinaison de plusieurs talents : humour, réflexion, créativité, originalité, perception, culture générale, ouverture d’esprit, connaissance des langues étrangères, sens de l’écoute, intelligence, esprit de concision, capacité à imaginer les concepts et talent graphique. Inutile de dire que celui qui n’a pas ces talents serait plus avisé de vendre des machines à laver, et il y a une bonne raison à cela.

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