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Beaucoup de bruit pour rien

Par Gjouin @GilbertJouin
Beaucoup de bruit pour rien
Théâtre Ranelagh
5, rue des Vignes
75016 Paris
Tel : 01 42 88 64 44
Métro : Passy / La Muette
Une comédie de William Shakespeare
Adaptée et mise en scène par Vincent Caire et Gaël Colin
Costumes de Corinne Rossi
Décor et accessoires de Caroline Rossignol
Avec Auguste Bruneau (Leonato, un garde), Vincent Caire (Claudio, le sacristain), Damien Coden (Don Pedro, Bas-Côté), Gaël Colin (Bénédick), Cédric Miele (Don John, Niche-de-chien, Marguerite, un messager), Mathilde Puget (Héro, un garde), Alexandre Tourneur (Borachio, Marguerite, un messager, frère Francis), Tiphaine Vaur (Béatrice, Marguerite)
Ma note : 7/10
L’histoire : Messsine est en effervescence : Don Pedro est de retour de la guerre, victorieux ! Son protégé, le fougueux Claudio, va épouser la belle Héro, la fille du Gouverneur ; les joutes verbales entre le spirituel Bénédick et l’impétueuse Béatrice font le bonheur de tous. Mais c’est sans compter sur le fourbe Don John, le frère de Don Pedro, bien décidé à ruiner les projets de chacun…
Une adaptation Far-West d’un classique shakespearien pour une comédie intemporelle haute en couleurs.
Mon avis : Shakespeare accommodé à la sauce western spaghetti, il fallait oser. Et pourtant, ça passe comme une lettre à la Poney Express. Cette transposition n’enlève rien à l’esprit de Sir William, au contraire ; tout en le respectant, elle lui apporte un éclairage nouveau. Et même, la pièce gagne en rythme et en nervosité, ce qui ne gâche rien. En fait, elle présente un adroit cocktail entre Commedia dell’arte et cinéma burlesque. Si les scènes de comédie pure et les tableaux follement déjantés prédominent, les passages dramatiques sont scrupuleusement traités. Cette pièce est une tragi-comédie qui se conclut heureusement par une happy end, mais il s’en fallait de peu que la belle histoire d’amour capotât…
Tout dans cette pièce est conçu pour nous dépayser et nous distraire. Les décors sont impeccables. On nage en plein western avec son saloon, ses portes battantes, son piano, son barman, ses danseuses… Et oui, on a droit à un moment totalement délirant de square dance que l’on dirait plus sorti de Chez Michou que de She wore a yellow ribbon. Ces cow-boys sont en effet plutôt cavaliers, et ça nous fait bien marrer.
Vous l’aurez compris, Beaucoup de bruit pour rien version Sergio Leone est servi par une troupe de joyeux lurons dont le seul but est de s’amuser en nous amusant. J’utilise volontairement le mot « troupe », car c’est cet esprit-là qu’ils font régner au Ranelagh (je le dis à chaque fois, mais quel bel écrin que ce théâtre, pour moi le plus esthétiquement raffiné de Paris). Je n’irai pas jusqu’à les traiter, au vu de leurs uniformes, de « cons fédérés », mais ils possèdent tous les huit, un sens inné de la déconne. Ils sont capables de passer de la blague la plus potache à l’affrontement le plus dramatique avec une véracité totale dans les deux genres. Leur jeu est parfaitement maîtrisé. Pour parvenir à une telle qualité de jeu tout en ayant l’air de ne pas se prendre au sérieux, ça en représente des années de travail. Et une belle complicité. D’autant qu’ils campent à eux huit une vingtaine de personnages (19 pour être précis). Je vous recommande particulièrement le numéro ahurissant de drôlerie accompli par un shérif et son assistant plutôt gratinés. Mais il est impossible de synthétiser ce spectacle en quelques scènes tant il est dense et riche. On est chez Shakespeare quand même ! Si nous, dans le public, on n’y pense pas toujours, eux ils le savent et ils gardent le cap. Cap à l’Ouest, certes, mais ils ne dénaturent pas. Et eux, quand il leur arrive de faire beaucoup de bruit, ce n’est pas pour rien, puisque c’est pour notre plaisir…
Ajoutez à cela une bande son particulièrement soignée avec clins d’œil du côté de chez Ennio Morricone et musique appropriée aux différents tableaux, de beaux costumes, et quelques belles trouvailles de mise en scène, et vous aurez la confirmation que l’on passe un très bon moment en compagnie de cette bande d’hurluberlus vraiment doués qui nous offre un spectacle total. Ils sont tous excellents, or j’ai toutefois un faible pour la comédienne qui joue Béatrice. Il est vrai qu’elle est servie par un florilège de phrases aussi assassines qu’intelligentes, et les joutes verbales qui l’opposent au capitaine Bénédick sont brillantissimes, mais elle y apporte tant de fraîcheur, de fantaisie et de conviction que chacune de ses interventions est marquée du sceau du talent.

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