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Ömer Kaleshi, peintre de l'âme balkanique

Publié le 25 janvier 2010 par Kiwibleu By Patricia Ramahandry

Artiste albanais, originaire de Srbica, village près de Kičevo en Macédoine, Omer Kaleshi (Kaleşi ou encore Kaleçi) vit à Paris depuis 1965. Mondialement connu, ce peintre expose, jusqu'au 3 février 2010, ses étranges figures à la Mairie du XIIIe arrondissement de Paris.
L’occasion pour Kiwi bleu de vous faire découvrir (ou redécouvrir) son oeuvre, qui plonge ses racines tout autant dans l'èthos ottoman, dans toutes les complexités balkaniques, dont un syncrétisme religieux historico-régional fait de chrétienté et d'islam...
+ un PIle§Face de quelques peintures d'Ömer Kaleshi !

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EXPOSITION ÖMER KALESHI à la Mairie du 13ème arr.
jusqu'au 3 février 2010

1, place d'Italie - 75013 PARIS - Standard: 01 44 08 13 13
Galeries Athéna, Bièvre et Antichambre
Du lundi au vendredi: 8h30 -> 17h & le jeudi 8h30 -> 19h30


Qui êtes-vous Ömer Kaleshi ?

Kaleshi_Burim_Myftiu__2004.jpgNé en 1932, à Srbica (Serbitsa), un village de la région de Kičevo en Macédoine, Kaleshi est un pur produit de la géopolitique cataclysmique des Balkans : ses parents ont été déplacés durant la seconde guerre mondiale. Fils d’un Albanais et d’une Macédonienne musulmane, il étudie au lycée technique de Skopje. Puis, bachelier en électricité, il travaille dans une centrale thermoélectrique près de Skopje. En 1955, alors qu'il a 23 ans, fortement impressionné par une exposition de sculpture d’Henry Moore, il change de vie. Un an plus tard, Omer Kaleshi émigre en Turquie, avec sa famille.
En 1959, il commence ses études d'art figuratif à l'Académie des Beaux-Arts d'Istanbul, devient peintre. Encore étudiant, il voyage pendant cinq mois, en 1962, à la rencontre de la Turquie profonde. Ses impressions de voyage se retrouvent plus tard dans ses tableaux, et en particulier dans ceux de derviches et de bergers (exposés par exemple en 1991 à l'Unesco). Son périple le conduit sur les pas des philosophes et humanistes du XIIIe siècle Mevlâna, Hadji Bektasi Veli et Yunus Emre.
En 1963, se déroule sa première exposition personnelle, Galerie Robert College à Istanbul, et il participe à l'Exposition nationale de peinture et de sculpture, à Ankara. Suivent des expositions à Belgrade et à Skopje. En 1965, il termine ses études à l'Académie des Beaux-Arts d'Istanbul. C’est, paradoxalement, là-bas que sa peinture a rejoint la culture européenne – et plus particulièrement parisienne : étudiant à l’Académie des Beaux-Arts d’Istanbul, il apprivoisa l’esthétique de l’École de Paris en même temps que l’histoire de la civilisation ottomane.
livre.jpgLa même année, il s'installe à Paris. Vit à Saint-Germain-des-Prés, Hôtel-Grande-Loire, avec d'autres peintres turcs, Avni Arbaş (1919-2003) et Cihat Burak (1915-1994). Il devient l'ami d'Abidin Dino et de nombreux écrivains et poètes, tels Jacques Lacarrière ou Ismaïl Kadare, lesquels lui consacrent des ouvrages.
En 1968, Kaleshi manifeste et expose, au Salon des Indépendants notamment.
L'année suivante, il emménage dans un atelier mansardé, boulevard Arago, vue sur le Panthéon, où il vit toujours à présent quelques quarante-deux ans plus tard.
Totalement fasciné par l'œuvre de Goya, son maître depuis les Beaux-Arts, il est allé plusieurs fois au musée du Prado à Madrid ainsi qu'à l'église San Antonio de la Plorida, où se trouve le tombeau du peintre, pour y admirer ses fresques. Il est particulièrement inspiré par les peintures noires de Goya réalisées dans les dernières années de sa vie.
Et il peint. Et il expose...

Pile§Face Ömer Kaleshi (Kaleşi ou encore Kaleçi)

En vous permettant d'apercevoir quelques tableaux d'Ömer Kaleshi, ce Pile§Face témoigne d'une unique ambition : vous inciter à aller voir ses peintures (Infos pratiques en tête de l'article).

Mais, laissons-lui la parole :

N’importe quel artiste peintre qui vient à Paris, prend pour modèles la Tour Eiffel, Montmartre, le Moulin-Rouge, etc. Une fois rentré chez-lui, il est fier d’exposer sur la « ville de lumière ». Moi, je peins des derviches, des bergers, des enfants, des hommes et des femmes, des drames balkaniques… et, surtout des têtes.

OM_Arago.pngDepuis plus de 40 ans, je suis installé à Paris, une ville que j’aime et que, pourtant je n’ai jamais peinte. J’habite boulevard Arago et, chaque soir, je pars me promener pendant une heure. Le boulevard Arago est bordé de marronniers. A l’automne, tous les ans, on coupe 3 ou 4 troncs malades et, au printemps, on les remplace par de jeunes arbres. En 2003, ce sont près de 60 arbres qui ont été coupés. Et l’année suivante, 160 ont été abattus. Les médias en ont parlé pour s’en inquiéter. Dans le monde entier, les marronniers souffraient de la même maladie. Boulevard Arago, il ne restait que des troncs de 30 à 40 cm plantés dans le sol. Leur cœur s’ouvrait sur un trou béant, tout noir, comme si le feu les avait calcinés.

Cette histoire a retenu mon attention. A partir de ces trous noirs, j’ai fait jaillir des têtes comme si la vie renaissait de ces cendres… des derviches, des bergers, des enfants, des hommes et des femmes, surgissaient de ces troncs qui présentaient même pour certains, des formes érotiques. L’arrondi des arbres amputés laissait voir des formes, des seins, des fesses, des nus…
Ces troncs ont donné naissance à plus d’une quarantaine de tableaux. Enfin ! Comme bien d’autres peintres avant moi, là-même où j’habitais, je peignais à mon tour cette ville qui m’avait tant donné. J’étais heureux d’avoir payé ma dette à Paris.


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Ce qu'ils disent de l'oeuvre d'Ömer Kaleshi :

Luan Starova, écrivain macédo-albanais
en savoir plus sur Luan Starova
Alain Bosquet, écrivain
en savoir plus sur Alain Bosquet
Kaya Özsezgin, critique d'art, écrivain et professeur d'Université turc
Jacques Lacarrière, écrivain voyageur:

J’ai rencontré Omer Kaleshi à l’occasion d’une journée à l’Unesco consacrée au poète Yunus Emre. Quand je suis arrivé dans la salle de l’Unesco, où se tenaient les autorités, ce que j’ai vu d’abord ce ne sont pas les amis, mais l’exposition de grands portraits d’Omer Kaleshi. Des visages que je n’ai jamais oubliés depuis. Ces visages m’ont parus appartenir à la fois à un monde très lointains de nous, celui des bergers et des derviches, mais aussi à quelque chose qui nous parle de nous. Omer Kaleshi décrit tout l’univers qu’un être humain peut avoir parcouru lorsqu’il est nu, lorsqu’il est simple, lorsqu’il est en face du dépouillement du monde. En même temps, il veut dire quelque chose. Il veut que son existence prenne un sens pour les autres. J’ai rarement rencontré dans une peinture autant de simplicité technique et en même temps, de substance spirituelle. C’est ce mariage qui m’a frappé entre une Anatolie millénaire et, en même temps, un besoin, un désir et une beauté d’aujourd’hui.


... et puisque nous parlons peinture...


grand_evenement.pngSAISON DE LA TURQUIE EN FRANCE

L'Ecole de Paris turque - Du 25 février au 4 avril 2010

Les artistes d’origine turque sont mal connus, alors que nombre d’entre eux ont été très impliqués dans les mouvements artistiques parisiens. Cette exposition regroupe les œuvres de 9 peintres : Fikret Mualla, Abidin Dino, Hakki Anli, Selim Turan, Avni Arbas, Mubin Orhon, Albert Bitran, Nejat Devrim, Remzi.
Musée du Montparnasse
21, avenue du Maine - 75015 Paris // Tél. : 01 42 22 91 96 • Fax : 01 42 22 91 00



Bons pieds, bons yeux !


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