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L’annonce ahurissante des prochaines vagues fiscalistes

Publié le 27 septembre 2010 par Lecriducontribuable

Article paru initialement sur L’Insolent, le blog de Jean-Gilles Malliarakis.

Il ne faut jamais croire les promesses des hommes politiques. Une exception confirme cependant cette règle : quand ils se proposent d’augmenter les impôts.

Bien entendu, ils le font par civisme. « Jamais on ne fait le mal si pleinement et si gaiement que quand on le fait par conscience. » (1) Le message civique du « courage » consistant selon lui à augmenter les prélèvements obligatoires avait été lancé en 2009 par le regrettable Séguin à la tête de la Cour des comptes. Comment ne pas suivre la ligne admirable de ce grand républicain. Les Parisiens et quelques autres n’oublieront jamais qu’il s’agissait d’une des plus belles machines à perdre de ce qui nous tient lieu de droite.

Ah certes, le candidat Sarkozy avait promis de n’en rien faire lors de sa campagne présidentielle de 2007. Mais il n’avait pas promis que son gouvernement tiendrait ses promesses.

Et dans la plus récente version de ses équipes ministérielles, est réapparu le bouffon Baroin. Celui-ci se propose tranquillement d’augmenter en 2011 et 2012, la masse de l’impôt sur le revenu supporté par les particuliers de plus de 10 milliards d’euros en 2011, et encore de 2,5 milliards supplémentaires dès maintenant prévus pour 2012.

Le 3 juin, le Premier ministre en charge depuis 2007, M. Fillon annonçait une telle hausse à hauteur de 5 milliards. (2)

Mais dès le 25 juin on apprenait (3) que Baroin « doublait la mise » à 10 milliards.

Et le 22 septembre, intervenant sur Canal+, le ministre du budget portait officiellement ce chiffre à 12,5 milliards à l’échéance 2012. Libération mettait d’ailleurs la confirmation de cette nouvelle dans la bouche d’un Fillon intervenant aux journées parlementaires de ses alliés supposés centristes.

Sans rire le même personnage annonce que pour l’exercice 2013 aucune nouvelle augmentation n’est prévue. Laissons en effet le temps de passer le relais à une nouvelle assemblée et à nouveau chef de l’État.

Les feuilles d’imposition de chaque ménage se verraient donc alourdies en deux de la bagatelle de 20 à 25 %, par rapport à un coût actuel pour le contribuable de l’ordre de 50 milliards, car soulignons-le l’essentiel se retrouvera dans l’impôt sur le revenu. On se demande à vrai dire si l’ancien benjamin et porte-parole du gouvernement Juppé comprend seulement la portée de ce que les services de son ministère lui font lire. Sur le papier, cependant on demeurerait quand même, quoique fictivement, dans les limites de l’épure intangibles. La majorité actuelle et son chef n’auront touché ni au principe du bouclier fiscal, ni aux taux d’imposition. Ils auront seulement modifié l’assiette du calcul en « rabotant les niches ». Voilà le cynique mot d’ordre de la nouvelle technique de tonte des moutons taillables et corvéables à merci.

Concept d’origine américaine cette actuelle notion à la mode de « niches fiscales », désigne en fait toutes les fiscalités dérogatoires. Elle a été diffusée dans le public en 1967 par Stanley Surrey secrétaire d’État au Trésor. Il considérait à l’époque, et à juste titre, que de telles « dépenses fiscales » – selon l’expression aussi consacrée que discutable – correspondaient à des interventions administratives indirectes et camouflées. Sa proposition consista d’abord à en évaluer l’impact, qu’il préjugeait médiocre. Et dès 1968 le gouvernement et le congrès des États-Unis s’impliquèrent dans une politique de simplification. Dans les 40 ans qui ont suivi, outre-Atlantique, deux grandes poussées dans ce sens ont été conduites par les conservateurs. On doit ainsi se souvenir de la révolution fiscale entreprise par Ronald Reagan en 1986. De celle-ci, les effets bénéfiques sauvent aujourd’hui encore la libre entreprise, autant dire : ce qui demeure de prospérité de l’économie occidentale et même mondiale. Cette vague a été complétée, à partir des élections intermédiaires de novembre 1994, par la politique budgétaire des républicains conservateurs. Dirigée par Newt Gringrich à la chambre des Représentants, la majorité de droite l’a en effet radicalement imposée, à partir de janvier 1995, et pendant 6 années, au gouvernement Clinton. Bush, républicain mondialiste, puis Obama et la majorité démocrate ont progressivement mangé ce pain blanc. Il en reste tout de même une partie, puisque la fiscalité nord-américaine recense aujourd’hui encore 147 « niches ».

Gouvernée au contraire depuis 1974, alternativement ou simultanément, par des technocrates et des socialistes, la France n’a rien connu de ce type.

Avec 468 dispositions fiscales dérogatoires, contre 86 en Allemagne, la France, détient officiellement, parmi les pays de l’OCDE, le record. Une tare parmi d’autres de sa fiscalité et de son système de cotisations dites sociales.

Le projet de loi de finances 2010 promulgué par l’État central parisien introduisait à ce titre un calcul, très dangereux, du montant fictif de ces mesures. Il estimait en effet, en termes de « coût » – toujours présenté du point de vue des encaissements administratifs – à 75 milliards d’euros, ce qui représenterait environ presque 4 % du produit intérieur brut, la moitié en gros de nos déficits publics.

Comme l’impôt sur le revenu soustrait bon an mal an entre 50 et 55 milliards aux contribuables, on imagine aisément la tentation que cet agrégat, purement théorique, agite dans l’esprit de nos technocrates. Rappelons pourtant que ces sommes, ces prétendus manque-à-gagner, n’existent que sur le papier. Par exemple les charges sociales du personnel de maison, si elles cessaient d’ouvrir droit à déduction, réintégreraient rapidement, en tout ou partie, la sphère de l’économie souterraine.

Tout discours officiel parisien sur le « rabotage des niches fiscales » doit cependant être ramené au contexte véritable dans lequel se meut un gouvernement financièrement aux abois.

Il va encore le prouver dans les prochaines semaines avec les lignes rouges, qu’il proclamera comme « non négociables », de la prétendue réforme Woerth des pensions : car celles-ci n’ont été tracées que pour tenter de tromper les marchés financiers.

Nos technocrates, nos prédateurs et nos maîtres se servent de la voix de quelques clowns de la classe politique comme le Baroin. Eux et leurs porte-parole confondent ainsi la nécessaire rigueur et de telles solutions arithmétiques. Elles leur permettront de sauver les notes Moody’s du Trésor public et de poursuivre l’alourdissement de la dette française. Pas question pour eux de diminuer le périmètre de cette dépense publique qui leur permet d’exister si commodément aux frais des contribuables.

JG Malliarakis

Apostilles

  1. [Petite diversion "précieuse"]. Cette « pensée » de Blaise Pascal est utilisée, de manière déformée, dans le merveilleux film « Des Hommes et des Dieux » que je m’empresse de saluer et que j’ai beaucoup aimé. « Par conscience » devient, si je me trompe, dans le rôle admirablement tenu par Michael Lonsdale « pour des motifs religieux ». Cette petite fausse note littéraire, tout en ne me semblant pas complètement innocente sur le moment, ne m’a pas empêché de trouver l’œuvre de Xavier Beauvois. Elle m’a conduit à vérifier dans la dernière édition des Pensées que ma mémoire n’était pas entièrement contaminée par le Dr Alzheimer. Et, de fait, la citation se trouve actuellement en page 432 de la plus récente édition [Scellier] Livre de Poche sous le numéro 658c. [Pour les connaisseurs des éditions précédentes, elle correspond au numéro 895 Brunschweig/ 813 Lafuma cf. p. 147 de l'édition en ligne. au format pdf.]
  2. dans un entretien publié par « l’Est républicain »
  3. grâce au Cri du Contribuable et aux Échos. Marianne en date du 28 juin reprenait l’information.

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