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e-commerce : Le rêve de l'Europe des 28 selon Viviane Reding

Publié le 27 septembre 2010 par Marcschillaci
E-commerce transfrontalier Jeudi dernier, le Cercle de travail sur l’e-Business et le commerce en ligne, l'e-Club, réunissait quelques-uns de ses membres autour d’une prestigieuse invitée : la Vice-présidente de la commission Européenne, Madame Viviane Reding.

Nous n’avions pas invité Madame Reding pour en rajouter sur la polémique qui l’a récemment opposée à certains dirigeants Français, mais pour débattre sur l’évolution de la Directive sur les droits des consommateurs et en particulier du commerce transfrontalier en Europe.

C'est sans doute moins polémique, mais tout autant un sujet d'actualité pour les acteurs du secteur !

La  problématique est simple : trois-quart des entreprises européennes ne pratiquent pas le commerce transfrontalier !

Pour dire les choses de façon plus triviale, nous avons, parait-il, un marché commun Européen à l’intérieur duquel nous sommes libres de faire circuler les biens, nous avons même une Zone Euro dans laquelle ne se pose même pas de problème de taux de change, et pourtant 75% des entreprises commercent uniquement dans leur pays d’origine.

Cela a trois conséquences :


1. La diminution du choix des consommateurs européens, en particulier de ceux des plus petits pays, avec comme conséquence d’augmenter les prix pratiqués dans ces pays.
2. La diminution de la zone de chalandise des marchands européens, et la baisse du potentiel de croissance des meilleurs d’entres eux.
3. Par contrecoup, cela favorise les sociétés qui naissent dans des zones plus grandes comme l'USA ou l'Asie.  Par exemple une start-up qui lance une innovation en France aura un accès aisé à 60 millions de Français, mais pas réellement aux 500 millions d’européens. Son concurrent aux USA a immédiatement accès à un marché de 300 millions de consommateurs. Quelques années plus tard, on imagine aisément qui rachètera qui !
Depuis quelques semaines, l’Europe est le premier marché e-Commerce du monde. Nous avons 500 millions d’habitants avec un PIB/habitant de 30.000$ alors que les USA n’en comptent que 300 mais avec un PIB/habitant de 46.000$/an. Il est exact qu’en faisant la multiplication, le marché Européen est légèrement plus grand que le marché US. Mais la réalité des mécanismes est bien loin de ce type de mathématiques.

En effet, pour atteindre ce marché, en dehors de la traduction des sites marchands, se pose le problème de la localisation. La localisation c’est simplement ce qui différencie le même site en Français lorsque l’on s’adresse à des Belges ou à des Suisses.

La loi Européenne, celle qui impose au fameux plombier Polonais qui vient travailler en France d’exercer son métier sous un contrat de travail Français, impose aux e-Commerçants d’exercer leur métier - délivrer un bien ou un service à un client, sous le contrat du pays de l’acheteur.

En clair si vous vendez en Belgique, le principal problème n’est pas de livrer - Colisposte le fera très bien, ni d’encaisser le règlement en Euro, ni de calculer la bonne TVA en tenant compte des règles de calculs intra-communautaire - une bonne plateforme marchande doit savoir faire cela pour vous et Oxatis sait parfaitement le faire, mais de garantir à votre consommateur Belge que vos CGV sont conformes au droit en vigueur en Belgique.

Autant dire mission impossible pour les TPE/PME !

Les services de Madame Reding estimant à 15.000 euros par pays le coût de la localisation juridique, je vous laisse calculer le coût de la présence dans 27 pays.

La solution serait donc simple, pour permettre aux entreprises de commercer librement en Europe, il faut évoluer ! Plus facile à dire qu'à faire ...

Comme souvent, deux camps s’opposent.

  • D’un côté, l’Europe et les entreprises qui souhaitent aller de l’avant. L’Europe parce que c’est son rôle, les entreprises parce que leur intérêt est bien sûr d’avoir toujours plus de consommateurs potentiels.
  • De l’autre côté, les gouvernements des 27 pays et les associations de consommateurs fqui reinent de tous leurs fers pour défendre les « Acquis » des législations locales. Les uns voudraient une harmonisation minimale et les autres, une harmonisation maximale.
    Laissez-moi vous donner quelques exemples qui éclairent sur les ambiguïtés et l’ampleur de la tâche :
  • En Grèce, un contrat entre un consommateur et une entreprise peut être cassé si le consommateur fait face à une situation financière imprévue. Je vous laisse imaginer la situation des organismes de crédit à la consommation dans la période de crise que traverse la Grèce.
  • En Allemagne, c’est le site marchand qui paye les frais de retour des marchandises que le cyberacheteur ne souhaite pas conserver. Conséquences : Là où le taux de retour des produits d’habillement est inférieur à 10% en France, il peut devenir supérieur à 50% en Allemagne. Les gens achetant le même Jean dans 2 tailles et trois coloris et renvoyant 5 des 6 articles (parfois à 5 commerçants différents).
  • Certains clients commandent en contre-remboursement 4 fois le même article chez quatre marchands différents et ne payent que le premier qui arrive en renvoyant les 3 autres !
    Le pire, c’est quand le consommateur arroseur devient ensuite le consommateur arrosé ! En effet, les marchands, qui ne sont pas prêts à mettre leurs entreprises en faillite, sont contraints à augmenter leurs prix pour couvrir les coûts des abus induits par une législation dont le but premier était pourtant d’être favorable aux consommateurs.
    Le cercle vertueux devient alors vicieux !

Alors, comment faire abandonner aux Grecs leurs avantages, aux Allemands le paiement du retour par le marchand, et aux autres pays leurs avantages particuliers ?

Nous sommes bien au cœur du casse-tête européen !

  • Si l’on tend vers une harmonisation minimale, les associations de consommateurs, et parfois à juste titre, vont s’élever contre cette harmonisation par le bas et les gouvernements locaux les suivront.
  • Si l’on tend vers une harmonisation maximale les marchands ne pourront pas commercer et leurs associations refuseront d’avancer dans les négociations.
Pour vous donner un ordre de grandeur, la collection de ces diversités a été regroupée dans un document, le « Common Frame of Reference », qui comporte plus de 8.000 pages : 27 pays, 27 lois,
27 contrats différents !
Donc jeudi soir, à ce stade du débat, alors que chacun des convives avait bien pris conscience de l’impasse dans laquelle est placé le commerce (et en particulier le e-Commerce) transfrontalier en Europe, nous étions dans le brouillard prêts à admettre que la solution la plus réaliste serait ... le changement dans la continuité, c'est à dire ne rien changer !
Mais, je dois l'avouer, la volonté et le pragmatisme politiques de la Commissaire Européenne m’ont impressionné et convaincu.

Elle a d’abord constaté ne disposer que la durée de son mandat pour réussir quelque chose, ses récentes positions lui ayant apportées suffisamment d’inimitiés pour qu'une possibilité de renouvellement soit sereinement envisageable.

Partir dans une croisade qui aurait pour but de concilier les 27 contrats, réduire les 8.000 pages à une centaine d’articles de loi, et de remplacer les 27 législations locales par une unique règlementation européenne lui parait clairement impossible en ces termes.
Alors que faire ? Viviane Reding à proposé une alternative qui me semble extrêmement innovante, pragmatique et intéressante : créer un 28ème contrat !
Note : Que les choses soient bien claires, il ne s'agit pas de créer un 28ème état, mais bien un 28ème contrat.
Qu’est-ce que cela voudrait dire concrètement ? Que chaque marchand de chaque pays proposerait ses Conditions Générales de Ventes nationales pour ses clients nationaux et des CGV correspondant à ce 28ème contrat pour ses clients de tous les autres pays de la CEE.
Quels seraient les avantages de cette proposition ?
1. Elle pourrait être mise en œuvre relativement rapidement - enfin disons à l’échelle du temps de la règlementation européenne...
2. Elle permettrait à des millions de marchands européens de pratiquer le commerce transfrontalier dans un cadre légal bien défini et bien appréhendé.
3. Elle garantirait aux consommateurs étrangers un cadre légal qu’ils pourraient parfaitement comprendre. Actuellement qui comprend ses droits quand il achète sur un site étranger, espèrant simplement que son droit local s’applique, ce qui en théorie est le cas mais en pratique l’est rarement.
Bon, j'ai sans doute largement simplifié le cadre légal et les positions que les différentes parties aimeraient défendre… les juristes me pardonneront.
Cependant quel espoir pour l’ensemble des petits e-commerçants d'envisager pouvoir enfin commercer librement en Europe !

Alors, rêvons un peu !

Dans quelques années, il est probable que la traduction d’un site marchand Français se fera « à la volée » pendant qu’il sera affiché par le navigateur d’un client Italien ou Polonais. Les plateformes, comme Oxatis, proposent déjà automatiquement les bons moyens de paiement et les logisticiens adaptés aux pays des visiteurs. Que manquera-t-il pour que les TPE et PME puissent e-Commercer librement en Europe ? Un bon cadre légal. Nous y sommes.

Je forme donc le vœu que cette initiative d’harmonisation des droits des consommateurs Européens trouve rapidement une expression légale au grand bénéfice de l’Europe et des TPE/PME qui, ne l’oublions jamais, sont les véritables créateurs de richesses et d’emplois.
Et puisse Viviane Reding s'y atteler et en venir à bout d'ici la fin de son mandat !

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