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Contes libertins du Maghreb - Nora Aceval

Publié le 29 septembre 2010 par Malaurie @jfbib

Contes libertins du Maghreb - Nora Aceval

Voici une très belle sélections de courts contes issus des Hauts Plateaux algériens.

Dans une société où la place de la femme est si contrainte et régit par des règles imposées par le double carcan des hommes : pouvoir politique et pouvoir religieux, l'oralité devient une forme d'expression pour clamer la liberté. Défier les interdits, vivre ses plaisirs dans la clandestinité, chaque conte explore les milles et une façon qu'ont les femmes - jeunes ou vieilles - de s'accommoder et de contourner ces carcans.

Nora Aceval a recueilli ces contes auprès des siens : femmes nomades, paysannes, âgées de 30 à 80 ans... mais aussi auprès d'hommes, qui ont reçu - ou volé - ces histoires. Ces dernières sont forcément légères, car aucun homme n'oserait raconter ce

qui ne peut se dire et encore moins s'écrire devant une femme.

Ces histoires, où les hommes n'ont que très rarement le beau rôle, tout au moins les maris, ces éternels cocus, sont savoureuses et licencieuses à souhait. Coquines, drôles, émouvantes, elles racontent l'intelligence féminine, le plaisir et le désir que l'on ne peut jamais corseter, empêcher et qui resurgit toujours. C'est un profond plaisir de lecture.

La langue de Nora Aceval, tout en douceur et simplicité pointe l'essentiel et ménage les chutes cocasses et insolentes.

Avec une préface de Leïla Sebbar.

  • Écoutez la chronique de l'émission Au fil des pages de Radio Orient de Djilali Benchikh.
  • Un entretien avec Nora Aceval réalisé par Djamal Arezki (Source : La dépêche de Kabylie).
  • Et au milieu coule une fontaine, un article de Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah abordant l'érotisme dans la littérature arabe et évoquant les problèmes de censure, paru sur le célèbre Bondy Blog, avec dans les commentaires un lien vers un entretien avec Salwa Al Neimi que j'ai aussi ajouté à son billet.
  • Le billet de Zalo sur son blog.

Extrait :

La nomade et le paysan

"Un jour, un violent orage gonfla les eaux d'un oued et rendit sa traversée impossible. La crue de l'oued isola la nomade qui habitait sur la rive. Personne pour la secourir. Cette solitude providentielle enchanta la femme. Elle comptait bien en profiter. Un matin, alors qu'elle surveillait l'oued dont les eaux commençaient à baisser, elle aperçut un paysan de l'autre côté de la berge. Il était si chargé qu'il hésitait à traverser. De la main droite il tenait sa chèvre en portant une cruche de lait, de la main gauche, il tirait son âne en tenant un bâton. Cette soudaine apparition ravit la nomade qui espérait que l'homme traverserait et viendrait jusqu'à elle. Mais le paysan hésitait toujours. Elle sortit brusquement de sa tente en agitant les bras, et se mit à crier :

- O étranger ! Honte à toi ! Tu veux m'attaquer ! Je suis seule, personne pour me défendre. O homme misérable ! Le paysan leva la tête, vit la femme et comprit qu'elle s'adressait à lui. Il la rassura :- O femme, ne crains rien, je ne te veux pas de mal ! D'ailleurs je suis si encombré que je ne pourrais rien faire, même si je le voulais. Avec ma chèvre, ma cruche, mon âne, mon bâton et cette crue qui m'empêche de traverser... Comment veux-tu ?....
- Ce que tu dis me soulage. J'avais peur que tu entraves ton âne, que tu attaches ta chèvre au jujubier sous lequel tu aurais enfoui ta cruche de lait, et que tu réussisses à traverser, en mesurant le niveau de l'eau avec ton bâton. Tu sais que je suis seule et tu aurais abusé de moi.
Le paysan, l'oeil brillant, comprit et dit à la nomade d'un ton décidé :- Je te remercie, femme, de m'avoir si bien conseillé.
Il suivit à la lettre ce que la belle avait préconisé. Aucun oued en crue n'est plus puissant que le désir d'une femme !


Contes libertins du Maghreb

Nora Aceval, préface de Leïla Sebbar, illustration de Sébastien Pignon, Al Manar, 2008 - 18,00 €.


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