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Pub : le sexe fait-il vendre ?

Publié le 01 octobre 2010 par Mielczareck

Pub : le sexe fait-il vendre ?Une vraie question qui suscite le débat : si le sexe attire indéniablement l’oeil du consommateur, est-il un réel argument de vente ? Le sexe fait-il vendre ? La réponse est mitigée. Si le sexe attire l’oeil, il n’est pas forcément moteur d’un acte d’achat. Quels sont les mécanismes sous-jacents ? Voilà les quelques questions auxquelles nous aimerions répondre.

Le sexe attire l’attention …

Force du visuel et mémorisation : les clefs du marketing

Comme le font remarquer Joannis et De Barnier dans De la stratégie marketing à la création publicitaire, le visuel tient un place indéniable dans notre société, sa force réside dans

“(…) sa capacité à générer chez le consommateur une imagerie mentale suscitant tous ses sens. Elle fait par exemple émerger à partir d’une image d’autres images et sensations internes plus ou moins riches en fonction du vécu et de la culture du consommateur.

La publicité pour les yaourts La Laitière reprenant un fameux tableau du peintre Vermeer véhicule en quelques secondes des images de tradition, savoir-faire, authenticité, naturel… Prouver ces mêmes valeurs par un texte aurait exigé plusieurs phrases et aurait vraisemblablement eu un effet moindre sur la mémorisation du message publicitaire.”

Car la clef du temps de cerveau disponible est là, jouer un maximum sur la rentabilité de mémorisation. C’est parce qu’il fera jouer sa mémoire (plutôt affective d’après les derniers ouvrages de neuromarketing) dans les linéaires du supermarché, que le consommateur achetera la marque X. Or, il existe divers procédés pour la pub de titiller votre mémoire. 

En effet, une information est mieux retenue par le cerveau lorsque :

  1. Elle mobilise les aires émotionnelles du cerveau.
  2. Elle induit une implication du consommateur (projection, empathie, etc.)
  3. Elle transgresse certains tabous.

Or, il se trouve que la mise en scène du désir sexuel répond à ces trois impératifs.

Je sens que votre attention faiblit…

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Voilà, vous êtes de nouveau attentif, enfin votre cerveau reptilien en tous les cas. 

Sexe et approche cognitive : le neuromarketing en action

Que se passe-t-il exactement lorsque notre cerveau perçoit ce type d’image ?

Un cinquième des publicités ont un lien proche ou lointain avec le sexe ou la sensualité (Source : Georges&Badoc, Le Neuromarketing en action) :

“(…) pour le cerveau humain, le sexe et la nourriture sont les deux besoins les plus importants, ils assurent la survie : la survie individuelle à court terme pour la nourriture et la survie de l’espèce à long terme pour le sexe. Tous les produits liés ou portant des symboles des promesses de la satisfaction de ces besoins fondamentaux se vendent plus facilement.”

 La publicité induit des mécanismes archaïques plus ou moins conscients _ plutôt moins si l’on en croit Zaltman, Dans la tête du client, qui affirme que l’activité consciente représente seulement 5% de nos activités cognitives_ en s’adressant directement à notre premier puis second cerveaux (cerveau reptilien et limbique selon la théorie du cerveau triunique de MacLean), des stimuli émotionnels qui favorisent l’attention, la mémorisation et la projection. La pub joue sur les ressorts pulsionnels immédiats. Qu’en est-il des rouages psychanalytiques ?

Sexe et approche psychanalytique : la manipulation des masses

De nombreuses théories existent à ce sujet, j’aimerais vous faire part de la dernière que j’ai lue dansGouverner par le chaos du Collectif Invisible : 

(…) Le viol est toujours celui de l’intelligence critique et rationnelle au bénéfice des émotions et des affects primaires. Tchakhotine distinguait quatre pulsions primaires sur lesquelles surfe la manipulation : l’agressivité, l’intérêt matériel immédiat, l’attirance sexuelle au sens large, la recherche de la sécurité et de la norme. La manipulation la plus efficace sera celle qui instrumentalisera au mieux ces pulsions primaires en en promettant la satisfaction la plus pleine et la plus rapide. Ces quatre impulsions peuvent se ramener en définitive à deux aspects primordiaux : le sexe et la peur. (…)

Le jeu sur ces deux affects peut, à sont tour, se résumer à une seule notion psychique, de type fantasmatique et régressif. En effet, les techniques d’influence pour rendre désirable quelque chose, pour rendre “sexy et glamour” n’importe quoi, sont celles de la communication publicitaire, or, toutes les mises en scène de communication, de marketing et de séduction publicitaire ne sont que lesdéclinaisons à l’infini d’une seule et même motion mentale originelle, qu’en termes psychanalytiques on appellerait “la structure élementaire du fantasme”, à savoir le désir de fusion de soi et d’autrui dans une unité indistincte abolissant la contradiction, ou en d’autres termes, le fantasme du retour au ventre maternel. Egalement dénommé “sentiment océanique”, il s’agit du fantasme primordial de régression préoedipienne sur lesquel s’étayent tous les autres fantasmes qu’une vie humaine peut connaître. Le champ fantasmatique étant un puissant moteur de l’action, qui parvient le mieux à flatter les tendances régressives de l’humain en lui promettant le retour dans l’utérus, emporte généralement l’adhésion du groupe.”  

Une longue citation qui a le mérite de mettre en lumière les rouages psychanalytiques mobilisés dans la publicité et qui pose différentes questions ethiques quant au fondement même de la publicité. Dans la revue Offensive, on nous rappelle que la crise économique des années 30 a rendu nécessaire le développement de la publicité car il y a un besoin vital à faire coïncider le système des besoins au système des produits. Mais, ”si les besoins humains ont quelque chose à voir avec la consommation, c’est seulement au sens où ils sont constitués comme tels, c’est-à-dire comme besoins, par le système publicitaire”.  

Le nerf de la publicité est donc là : le désir. Mettre en scène le désir dans sa forme la plus archaïque, la plus pulsionnelle, la plus compréhensive et accessible pour susciter l’envie et donc le besoin. Le problème qui se pose : une insastifaction chronique devant l’incapacité à pouvoir satisfaire tous ces besoins que la publicité réinvente chaque jour sur le schème archétypique de la satisfaction du besoin sexuel individuel (retour à l’utérus) et collectif (perpétuation de l’espèce).

… mais ne fait pas forcément vendre

Cependant, les dernières études montrent que la mise en scène sexuée d’un produit attirerait l’attention mais perturberait la concentration et donc la mémorisation de la marque. Autrement dit, on se souvient de la scène mais pas du produit.La revue Sciences Humaines rapporte l’expérience ci-dessous :

“Prenez plusieurs groupes de personnes. Placez-les devant un téléviseur. A l’un des groupes, on montre une émission avec du sexe, à un autre de la violence ; un troisième regardera une émission familiale du type « Les animaux les plus drôles ». Interrompez alors chaque programme par quelques spots publicitaires. Puis demandez aux personnes de se souvenir des noms et des marques qu’ils ont vus. C’est le groupe « émission familiale » qui s’en souviendra le mieux. Moins perturbé par les scènes « chaudes », leur esprit est plus disponible. Répétez plusieurs fois pour vous assurer du fait. Et voilà : la démonstration est établie. Les publicités liées à des programmes télévisés de sexe ou de violence ont moins d’effets que celles qui sont associées à des programmes familiaux. L’expérience était simple. Elle a été réalisée par Brad Bushman de l’université du Michigan et publiée dans une récente livraison de Psychological Science. Conclusion : s’il est connu que le sexe ou la violence font grimper l’Audimat et si l’Audimat fait monter les recettes publicitaires, cela ne veut pas dire que le sexe ou la violence font vendre. “


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