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Hommage à Iannis Xenakis

Publié le 03 octobre 2010 par Europeanculturalnews

Hommage à Iannis Xenakis

Jan Michiels © Mirjam_Devriendt

Concert  Xenakis # 2 et concert Xenakis # 3 au Festival Musica

Concert Xenakis # 2

La soirée du samedi 3 octobre était un hommage à Iannis Xenakis (1922-2001). On a honoré ce soir-là le compositeur et architecte qui a collaboré pendant une douzaine d’années avec Le Corbusier en donnant trois concerts, exclusivement constitués de ses œuvres.

Peu après midi, le premier concert a eu lieu dans la salle bondée de l’ancienne bourse. Les solistes: Jan Michiels au piano et Arne Deforce au violoncelle.

En ouverture on a pu entendre «Nuits» écrit en 1967 et interprété par le chœur de la radio lituanienne. En quelques instants, les augures de la nuit, appelés par les voix féminines, ont investi la salle. Xenakis a puisé son inspiration pour cette œuvre dans des poèmes archaïques qu’il a mis en musique. Le compositeur les a dédiés à tous ceux qui ont été persécutés pour leurs idées politiques et qui ont disparu. Le texte de cette œuvre n’est plus compréhensible aujourd’hui, comme c’est le cas de toutes les œuvres pour chœur d’Iannis Xenakis. Du texte ne subsistent que quelques fragments en arrière plan, la priorité étant donnée à l’expression sonore. Le chant des oiseaux, en revanche, comme d’autres voix de la nature sont mis en avant. On entend à peine une petite ligne de chiffres qui semble provoquer des disputes: des chuchotements et des sifflements sont opposés à de courtes mélodies. Des arcs sonores augmentant et diminuant font naître un tout qui se perd doucement, de façon presque anodine.

Une entrée en matière judicieusement choisie pour cette suite de concerts. La nuit prit fin avec une deuxième œuvre avec la participation d’un chœur. Une belle parenthèse conçue par Jean-Dominique Marco pour cette journée.

Jan Michiels le pianiste belge a joué « à R », un hommage à Ravel. Son interprétation d’Evryali et de Mists a parfaitement démontré les schémas récurrents des compositions, comme par exemple l’utilisation des passages en sens opposé  et une fureur à perdre haleine qui faisait penser à une course poursuite. Dans les partitions de piano, la polyphonie est conçue avec tant de puissance qu’elle donne l’impression que le pianiste possède vingt doigts. Cette polyphonie est souvent mise en opposition avec de petits éclats clairs. La performance fulgurante de Michiels fut à tout moment mise au service de la partition débordante d’énergie de Xenakis.

De façon similaire, son compatriote Arne Deforce a interprété à la perfection «Nomos Alpha », un morceau solo pour violoncelle, une composition à tout point de vue extrêmement exigeante. En spécialiste de la musique contemporaine, Deforce a joué avec une expression musicale si intense qu’à aucun moment il n’y a eu la moindre longueur.

Quelle que soit la couleur sonore exigée, rien, aucune technique, ni aucune transition ne semblait présenter une quelconque difficulté pour le musicien. Il était absolument à la hauteur de l’univers sonore créé par Xenakis pour cet instrument. Dans cette multitude de voix et les différents rythmes, on pouvait aussi bien entendre des sons symphoniques que des mesures jazzy. Certains passages étaient entièrement dédiés aux rythmes, d’autres au son. Une performance extraordinaire, acclamée par le public à juste titre. On se rendit au concert suivant avec une excitation certaine, car  une fois encore on devait avoir l’occasion d’entendre Deforce.

Concert Xenakis # 3

En fin d’après-midi, le public était attendu dans la salle de concert de France 3 Alsace où la « musikFabrik » de Cologne, sous la direction de James Wood, a joué le 24e concert du Festival Musica. Les œuvres interprétées: « Jalons » et « Thallein » des compositions qui sont assez proches l’une de l’autre, même si leur instrumentalisation diffère légèrement: dans « Jalons », écrit pour un petit orchestre symphonique, Xenakis a fait l’impasse sur les percussions. Dans «Thallein» en revanche, les percussions et un piano complétèrent l’instrumentaire.

Hommage à Iannis Xenakis

musikFabrik (c) Klaus Rudolph


Les deux morceaux, brillamment dirigés par Wood, comportent une multitude d’idées de composition qui se succèdent comme dans une course de relais. Par moment, certains instruments se font clairement entendre et déterminent la sonorité tout en étant dans une dissonance totale par rapport à ce qui se passe par ailleurs. Ce fut le cas, pendant de longs passages, pour les flûtes. Ensuite, les différents groupes d’instruments restent entre eux, jouent leurs petites séquences sans se soucier des parts des autres. Une structure rythmique rudimentaire réussit néanmoins à maintenir ce qui menace d’exploser. Les glissandi, si typiques pour Xenakis, font naître une sorte mouvement de vagues dans la musique. Une technique que le compositeur emploie volontiers dans ses œuvres.

Il était très plaisant d’observer les musiciennes et musiciens pendant leur travail  parce qu’ils donnaient l’impression de jouer avec une joie évidente, malgré la concentration qu’exige la composition de Xenakis.

Hommage à Iannis Xenakis

Arne Deforce (c) document recu


La performance d’Arne Deforce avec la « musikFabrik » était aussi convaincante que dans son solo donné dans la salle de la bourse. Mais « Epicylce » écrit en 1989 était nettement moins exigeant que « Nomos Alpha », même si ce morceau comportait également des parts incroyablement difficiles.

Contrairement aux deux autres morceaux du concert, il était évident que le compositeur avait « emprunté» auprès des pratiques de composition historiques, comme l’intégration de la part du violoncelle dans l’ensemble, sa transformation ou alors son accompagnement. Ceci rompt avec les principes de composition mathématiques des deux autres œuvres de Xenakis.

Si l’on voulait trouver un dénominateur commun aux œuvres entendues dans la soirée, cela pourrait être « la multitude au lieu de la simplicité ». Dans aucune de ses compositions, Xenakis s’est contenté de quelques rares idées. Au contraire ! Le public avait fort à faire en essayant de suivre ne serait-ce que approximativement les épanchements du compositeur.

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker


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