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Ségolène Royal et le processus de sélection

Publié le 04 octobre 2010 par Exprimeo
La position de Ségolène Royal illustre toutes les difficultés de la mise en oeuvre de primaires dans une culture française peu habituée à ce processus et dans un calendrier qui confond premier tour de scrutin global et sélection interne. Deux modifications majeures sont intervenues dans l'ensemble de la vie publique française. D'une part, une multiplication sans précédent des candidatures à la candidature. Les filtres traditionnels sont dépassés. Même la position d'élu sortant n'assure plus le renouvellement automatique d'investiture. D'autre part, l'accélération du démarrage du "temps de campagne électorale". Ce second effet est étroitement lié au premier. Puisqu'il y a une pré-campagne électorale (investiture), le calendrier traditionnel est fondamentalement modifié. La présidentielle du printemps 2012 institutionnalise une nouveau "temps de campagne électorale" avec de nouvelles caractéristiques. La multiplication des candidatures à la candidature est un phénomène nouveau mais incontournable. Il traduit l'éclatement des groupes de la société comme la décroissance de l'autorité des partis politiques. Cette concurrence doit trouver des moyens de régulation. S'en remettre au 1er tour de scrutin, c'est prendre le risque d'un éclatement des candidatures de nature à faire peser des inconnues majeures sur la vraie représentativité des candidats au second tour. En avril 2002, la gauche a subi les conséquences directes de la multiplication de son "offre". Cela s'est traduit par son absence au second tour. Le 1er tour est certes un enjeu de sélection mais encore faut-il que cette sélection intervienne sur des bases rationnelles ne faussant pas les critères de présence au second tour. En ce qui concerne les primaires internes aux partis politiques, elles ne peuvent reposer par définition que sur le vote des adhérents de chaque parti. Pour des élections "locales" dont les législatives, le nombre moyen d'adhérents par circonscription est de l'ordre de 200 adhérents pour les partis comptant le plus grand nombre d'adhérents. 50 cartes peuvent faire la décision. Dans ces circonstances, les "adhésions de complaisance" peuvent fausser tout le processus. Par conséquent, la vie publique française n'a encore aucune procédure fiable de sélection. Second enjeu : le candidat doit affronter deux étapes successives avec des logiques distinctes voire opposées. Dans un 1er temps, pour faire la différence au sein de son parti, le candidat doit pratiquer un discours assez "intégriste" pour séduire les militants. Dans un second temps, il doit chercher à rassembler le plus largement possible. Ces deux étapes vont de plus en plus produire des contradictions redoutables à gérer. Les "effets de campagne" à usage interne au parti risquent d'être des boulets pour le passage devant le suffrage universel. Il y là un problème neuf et majeur de communication. Le candidat qui participe dans l'objectif de gagner l'élection ultime doit résoudre l'équation suivante : que les conditions de victoire de la primaire dans son camp politique ne soient pas de nature à marquer son profil au point de l'handicaper pour la victoire finale. En effet, une élection c'est d'abord la rencontre à un moment précis entre le profil perçu d'un candidat et l'attente d'un électorat. L'électorat d'un parti politique est rarement à l'image de l'électorat dans son ensemble. Pour gagner une primaire dans un parti politique il faut donc parfois "forcer le trait". Encore faut-il que ce ne soit pas au prix d'un divorce ultérieur avec l'électorat dans son ensemble. C'est un enjeu nouveau de communication. Les Etats-Unis d'Amérique le connaissent depuis longtemps. Le Parti Républicain comme le Parti Démocrate ont parfois connu des vainqueurs de primaires internes qui étaient manifestement trop des "candidats du parti" pour être ceux du pays tout entier. Pour le parti républicain, la dernière candidature de ce type fut celle du ticket Dole-Kemp contre Clinton-Gore en 1996. La candidature de John Kerry n'échappe pas à ce reproche en 2004. Il est certain que Winsley Clark aurait été, par son profil de carrière militaire, susceptible de séduire une frange des républicains. Sous ces deux aspects (modalités concrètes de désignation comme conciliation d'objectifs différents), la vie publique française entame une réelle nouvelle étape de son fonctionnement. Toutes les actuelles difficultés de Ségolène Royal à entrer dans la course résument les contradictions du dispositif à la française.

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