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Une ébauche apocryphe et anthropocentrique du cyberespace

Publié le 04 octobre 2010 par Sd (blog Pour Convaincre)
Désolé, Bill Gates n’a pas créé le cyberespace ! Il faut remonter un peu plus loin. Le cyberespace peut être défini de différentes manières.

Avant tout propos, il reste souvent nécessaire de définir cette notion, dérivée de "cybernétique" qui signifiait « art de gouverner » à une époque. Ce terme, selon F-B Huygues, est apparu en 1984 dans un livre de science-fiction, Le neuromancien de William Gibson.

Pour rester générique, le cyberespace est le support de l’interconnexion informationnelle des êtres vivants et des machines. Il possède trois « caractéristiques informationnelles », composante des systèmes d’information biologiques ou techniques :

  • sémantique (le sens de l’information),
  • syntaxique (le flux d’information),
  • lexicale (stock d’information)

Le cyberespace est construit en couches superposées, selon un mécanisme analogue aux couches géologiques. Je vous propose de remonter le temps pour explorer le cyberespace qui pourrait être, en prenant du recul, le support de la noosphère.

Une ébauche apocryphe et anthropocentrique du cyberespace

Le cybersocle

« Je hais les voyages et les explorateurs ». Claude Lévi-Strauss

Le début du cyberespace ne peut être défini précisément. Vraisemblablement, il faudrait situer son origine avec les débuts de la vie et les premiers échanges d’informations entre les êtres vivants par le biais des gènes, des phéromones, de stimulus, la prédation, etc. Le gène, par exemple, s’inscrit dans les trois caractéristiques du cyberespace. Ce bouclier se construit depuis presque 4 milliards d’années et constitue le socle du cyber espace actuel. Ces quelques lignes cachent difficilement sa folle extension qui mène aux formes de vies actuelles. Toutes les couches suivantes vont se construire à partir de cet état de nature originel en évolution constante.

Cyberprimaire : l’apparition du langage humain et du sens

« Au commencement était le verbe » (Saint Jean).

Le langage est le début du cyberespace construit par l’être humain. Il date de plusieurs centaines de milliers d’années. Personne ne sait vraiment quand. Mais, cela ne date pas de la création de l’ordinateur. Le langage (qui s’inscrit dans les 3 caractéristiques informationnelles cf. supra) permet d’interconnecter les êtres humains, de développer les groupes sociaux, l’économie, la culture, la politique et aussi la guerre. Il permet l’apparition des mèmes (notion découverte/inventée par Richard Dawkins). Les informations sont stockées par les être humains qui peuvent les transférer de proche en proche, dans l’espace et dans le temps, avec une altération importante des informations. Les traditions orales ont certes permis de développer des civilisations avancées sur tous les continents mais cela ne permet pas d’administrer de vastes pays dans la durée.

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Cybersecondaire : l’apparition de l’écriture et des mathématiques

« Lorsque la mémoire était la seule écriture, l'homme chantait. Lorsque l'écriture naquit, il baissa la voix. Lorsque tout fut mis en chiffres, il se tut. » Robert Sabatier

Le cybersecondaire apparaît durant la seconde phase d’expansion du cyberespace. Elle commence environ 3000 ans avant JC. L’écriture correspond également dans les trois caractéristiques du cyberespace. Les informations sont maintenant stockées dans les têtes mais aussi sur des tablettes, des volumina, des codex, jusqu’à l’invention des incunables. La lecture/écriture permet d’assurer les flux et de développer les idées formalisées. L’apparition des mathématiques complète la compréhension du monde. L’information peut maintenant être stockées dans le temps et dupliquées de manière fiable. Cela signifie qu’une pensée peut être oubliée pendant des siècles et resurgir presque intacte. De même, un document peut être transporté à l’autre bout de la terre, indépendamment de son auteur. Le cybersecondaire a permis une première réduction locale du cadre espace-temps. Des empires ou de vastes pays peuvent ainsi être administrés dans la durée, tout en restant dans leur espace régional : empire romain, chinois, aztèques, etc.

Cybertertiaire : l’interconnexion mondiale des hommes

« Qui n'entend rien à la création du monde ne comprend pas le besoin social ! ». Stanislaw Jerzy Lec

Le cybertertaire débute avec la mondialisation des grandes découvertes. Cette période est celle de la colonisation, des guerres mondiales, de la guerre de 7 ans à la Seconde guerre mondiale.

Cette couche tertiaire s’appuie sur un double phénomène :

- le développement de l’imprimerie (stock), après l’invention des techniques de typographies modernes qui ont permis de dépasser le stade des incunables. Ce développement doit être complété par les enregistrements sur des disques et bandes magnétiques en fin de période;

- l’abolition progressive des distances (flux) à l’échelle mondiale, par le développement de la télégraphie, de la téléphonie, de la télévision, de la radio, etc.

Le cybertertiaire a permis de réduire les distances, jusqu’à pourvoir communiquer relativement rapidement entre les grandes régions du monde. Des informations peuvent être stockées sur un continent et transférées en petites quantités sur un autre. L’interconnexion de l’humanité est alors complète. Des pays à l’échelle de continents, comme la Russie, ou dispersés sur la planète, comme l’empire britannique, peuvent être gouvernés à longue distance.

Une ébauche apocryphe et anthropocentrique du cyberespace

Cyberquaternaire : la convergence homme-machine

« Avec l'ère des machines, beaucoup d'esprits se croient robots. » Louis Pauwels.

Cette phase est la phase actuelle. Le développement d’électronique, de l’informatique et de l’Internet sont emblématiques de cette modification majeure de la société. Souvent assimilé à l’ensemble du cyberespace, cette couche actuellement en développement s’avère celle de l’interconnexion des hommes et du vivant. Elle est déjà largement décrite dans la littérature. Les nanotechnologies, les technologiques biotiques, la biologie de synthèse, la robotique convergent pour lisser progressivement les différences entre l’homme, la machine et le vivant de synthèse. Ce processus est en cours et il est probable qu’il nécessite des dizaines ou des centaines d’années. Il induira certainement des formes politiques et de confrontation en partie inédites.

En conclusion

« En son fourmillement d'âmes, dont chacune résume un monde, l'Humanité est ... l'amorce d'un Esprit supérieur. » Pierre Teilhard de Chardin

Cette présentation peu orthodoxe du cyberespace permet de mieux comprendre certaines divergences de sens. Beaucoup de pays ou de commentateurs ne s’intéressent qu’à la couche actuelle et éventuellement à la cybertertiaire. Comme dans l’espace terrestre, les couches se sont interpénétrées, fracturées, non superposées uniformément. En effet, la totalité des êtres vivants évolue dans le cybersocle, presque tous les êtres humains dans le cyberprimaire, 80% de l’humanité dans les cybersecondaire et tertiaires, ainsi que 30% dans le cyberquaternaire. Ce nouveau continent, le cyberespace, existerait donc depuis les débuts de la vie et nous sommes en train de l’explorer. Et, force est de constater que les explorations réservent toujours des surprises, bonnes ou mauvaises !

Sources :

  • Le phénomène Humain par Pierre Teilhard de Chardin

  • Il était une fois nos ancêtres par Richard Dawkins

  • La théorie des mèmes par Susan Blackmore

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