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Menteurs et stupides

Publié le 04 octobre 2010 par Malesherbes

Beaucoup de commerçants affichent des étiquettes sur lesquelles les prix se terminent par neuf ou neuf virgule quatre-vingt-dix voire même quatre-vingt-dix-neuf. L’effet de cette terminaison où le prix ressort par exemple à 29,90 € est de conduire le client potentiel à penser que ce prix se situe dans la zone des vingt euros alors qu’une minime augmentation de dix centimes le ferait basculer dans la tranche des trente euros. Cette malheureuse future dupe peut même en conclure que le prix a été sévèrement contraint pour demeurer sur la barre des vingt francs. Je suis plutôt enclin à penser que le prix calculé était précisément dans les vingt et quelques et a été augmenté jusqu’à atteindre cette limite si séduisante.

L’autre réflexion est que de tels prix sont des prix fixés et non calculés. On ne comprend pas pourquoi des prix obtenus en additionnant divers constituants se termineraient systématiquement par un 9. Tout comme il est difficile d’accepter qu’un prix hors taxes multiplié par 1,196 pour obtenir un prix incluant une TVA à 19,6% débouche immanquablement sur une telle terminaison. On peut avoir la certitude que c’est le prix TTC, perçu par le commerçant, qui a été fixé d’abord et que ses composants ont été recalculés a posteriori. Tout ceci pour démontrer que des nombres terminés par des neuf sont éminemment suspects.

Dans cette optique, on ne peut donc que taxer de mensonge éhonté l’affirmation selon laquelle les manifestations du samedi 2 octobre n’auraient réuni que 899.000 participants. J’ai plutôt l’impression qu’il s’agissait de bien ancrer dans l’esprit des citoyens que le million n’avait pas été atteint. Avancer 999.999 manifestants aurait fait la mariée, et trop belle, et bancale. Il devait paraître plus plausible de retenir comme nombre 999.000. Mais, là encore, cette prolifération de neufs eut pu sembler bizarre. Les menteurs qui nous gouvernent ont préféré abandonner l’un de ces chiffres, optant pour la valeur de 899.000. Ils se sont ainsi écartés plus nettement de la borne du million mais n’ont pas gagné en vraisemblance.

L’autre remarque que l’on peut faire sur ces prétendus comptages est qu’ils reposent sur une vision statique de la manifestation. En fait, les manifestants se rassemblent au lieu de départ. L’expérience prouve qu’il s’écoule généralement plus d’une heure après le rendez-vous pour que le défilé commence. Le rassemblement étant alors particulièrement dense et les déplacements à l’intérieur plutôt difficiles, nombreux sont les participants qui choisissent de retarder le moment où ils se joignent à la manifestation. D’autre part, si beaucoup d’entre eux restent derrière les banderoles de leur organisation ou de leur section syndicale pour manifester l’importance de sa participation, d’autres préfèrent avancer à l’intérieur du cortège, empruntant parfois les trottoirs pour poursuivre leur marche lorsqu’ils se trouvent bloqués dans leur progression, disparaissant ainsi des décomptes de nos pandores calculateurs.

Une manifestation est aussi un processus continu et dynamique. Très souvent, de nouveaux manifestants viennent tard au point de rassemblement, se préparant à remplacer ceux qui, ayant atteint le lieu de dispersion, vont abandonner le cortège. Les techniques modernes permettent de compter assez précisément le nombre de participants présents à un instant donné. Il serait aisé d’utiliser les hélicoptères de surveillance pour prendre des clichés et des logiciels existent pour dénombrer sur ceux-ci les manifestants. La répétition de ces photographies permettrait d’évaluer à quelle vitesse se déplace ce défilé et de pouvoir approcher ainsi plus exactement le volume de la manifestation.

Les défilés se composent parfois de plusieurs brins. Ainsi, à Paris, ce deux octobre, certains ont emprunté le boulevard Beaumarchais tandis que d’autres suivaient le boulevard Voltaire. De la même manière, le 23 septembre, cheminant sur le pont d’Austerlitz, j’ai remarqué un autre cortège sur le pont Sully. Il doit être facile pour nos conteurs mensongers d’oublier tel ou tel élément du défilé. Le comble de la manipulation a été atteint le 23 septembre à 13 heures lorsque le ministère de l’Intérieur a annoncé que la participation était inférieure à celle de la journée d’action précédente. Et pour cause, le défile parisien ne démarrait le 23 qu’à 15 heures !

En avril 1968, à ma connaissance, aucun commentateur n’avait décelé la possibilité de l’explosion qui a engendré mai 68. En 2010, le gouvernement a décidé d’être ferme, ignorant l’ampleur du mécontentement populaire. Les Anciens disaient : « les dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre ».


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